L’histoire de ce film très original, prévu en séance spéciale au dernier Festival de Cannes, est étonnante. Yolande Zauberman, une cinéaste française travaillant sans relâche sur Israël et la Palestine, a entendu parler d’une prostituée transsexuelle palestinienne qui serait venue à pied à Tel-Aviv depuis la bande de Gaza. Incapable d’oublier cette histoire improbable, elle décide de consacrer un nouveau film à la recherche de cette travailleuse du sexe.
Et voilà que la réalisatrice s’en va dans la nuit, de longues nuits plus précisément, caméra au poing pour tenter de retrouver cette inconnue qu’elle surnommera « la beauté de Gaza ». Une enquête hors du commun qui le mènera à de nombreuses rencontres dans ce milieu particulier où les travailleuses du sexe trans, qui travaillent clandestinement, se cachent plus qu’elles ne veulent se montrer. Dès son arrivée, ce documentaire, tourné dans des conditions difficiles, surprend autant qu’il séduit. Et ce, en raison des personnalités des interviewés, qui ne se gênent jamais pour raconter une histoire intime, tantôt folle, tantôt douloureuse.
Mais ce qui impressionne vraiment dans « La Beauté de Gaza », c’est que ce documentaire, non content de révéler les voyages inimaginables et les particularités locales de ceux qui vendent leurs charmes après avoir réalisé – ou non – leur transition, livre des informations sur les différentes approches liées à transsexualité. Parce que chaque personne trans a sa propre histoire, son évolution, ses accidents, ses surprises. Notamment sur la question de la transition – une évidence pour certains, un rêve ou un espoir plus ou moins lointain pour d’autres, alors que certains s’y refusent encore.
Grâce au film, on se rend compte que derrière le mot « trans » il y a beaucoup de différences, d’histoires et de parcours qu’il serait inapproprié de généraliser. Et puis, entre les témoignages filmés avec un rendu, par nécessité, en gros-grain, le cinéaste parvient, malgré les conditions de tournage difficiles, à faire du vrai cinéma. Elle capte un environnement nocturne et festif, parfois sombre mais souvent pétillant, et sa caméra se glisse notamment dans les clubs où ces beautés gazaouies se déhanchent en musique sous des éclairages colorés : des séquences émouvantes, très séduisantes et d’une grande beauté. D’ailleurs, a-t-elle fini par la retrouver, sa belle venue à pied de Gaza ? Pour le savoir, il faut aller voir ce film puissant et émouvant…
documentaire de Yolande Zauberman (1h20).