La malheureuse Anne a été escroquée de 830 000 euros par un escroc qui se faisait passer pour nul autre que Brad Pitt. Une arnaque devenue mondialement connue suite à un reportage dans Sept à huit sur TF1. Mais après avoir été trompé et moqué par des téléspectateurs antipathiques, l’heure semble être à la vengeance et à la justice. La victime a manifesté son intention de contre-attaquer, selon Marwan, un hacker éthique qui a déjà aidé la quinquagénaire à retrouver la trace de son brouteur.
S’il est arrêté, le brouteur qui se fait passer pour Brad Pitt risque très gros. L’escroquerie envers une personne vulnérable est punie de sept ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d’amende. Mais Marwan annonce qu’Anne a une deuxième cible en tête : sa banque. Selon le hacker, Anne a porté plainte contre sa banque, et « espère récupérer ses 830 000 euros, ou au moins une partie de la somme ». Mais la banque peut-elle vraiment être tenue pour responsable ?
« Il ne faut pas confondre les dossiers », rappelle d’abord Alice Cointet, avocate au barreau de Paris et spécialiste du droit bancaire et du crédit à la consommation. En cas de détournement frauduleux de moyens de paiement, si l’escroc a par exemple pris le contrôle de la carte bancaire ou piraté les codes pour effectuer des virements, « la banque a une obligation de remboursement ».
Mais « dans le cas qui nous intéresse, l’escroc n’a pas détourné les moyens de paiement de la victime, c’est elle qui a volontairement remis ses fonds », poursuit l’avocat. Dans ce cas, « la procédure normale est de plaider l’abus de confiance, un délit prévu par le Code pénal, qui est réglé devant le tribunal correctionnel. La personne doit porter plainte, puis le procureur transmettra probablement l’affaire au juge d’instruction. Ce dernier va alors lancer une enquête qui durera plusieurs mois. La victime peut demander réparation de son préjudice mais il existe une obligation de retrouver l’escroc, sinon le dossier est classé sans suite. »
En cas de licenciement, la banque pourrait en effet tomber dans le viseur de la justice. « La victime dispose d’une possibilité d’action de la part de la banque et peut demander réparation de son préjudice civil auprès du tribunal judiciaire, sur le fondement du devoir de vigilance du banquier. »
La banque a l’obligation de surveiller les transactions suspectes et inhabituelles de ses clients, et de les contacter en cas de virement suspect. « S’il ne respecte pas cette obligation de vigilance, il pourra être condamné au remboursement de la somme perdue », indique Caroline Laverdet, avocate au barreau de Paris et spécialiste du droit bancaire.
Dans son obligation de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, la banque peut également procéder à des contrôles aléatoires sur les virements vers des comptes étrangers et intervenir en cas de sommes suspectes ou d’origine du virement. Deux points de plus en plus condamnables par la justice, indique Michel Guillaud, président de France Conso Banque qui veille sur les consommateurs : « Avec l’explosion des fraudes ces dernières années, la justice se montre de plus en plus sévère avec la banque et fait de plus en plus valoir ces deux points. exigences de vigilance et de contrôle. »
Mais attention à ne pas crier victoire trop vite. La condamnation de la banque est loin d’être automatique, car celle-ci sait se défendre. « Il est possible que le banquier ait effectivement appelé Anne pour la prévenir de sommes suspectes. Il suffit de prouver que les appels ont eu lieu», rappelle Caroline Laverdet. Car la banque n’a pas un pouvoir total sur son client, mais surtout un devoir de mise en garde. « De toute façon, on ne peut pas empêcher une personne d’effectuer des virements avec son propre argent, il suffit de la prévenir et de l’alerter », argumente Alice Cointet.
Autre ligne de défense potentielle pour la banque, « les virements doivent être vraiment inhabituels », rappelle Caroline Laverdet. Alors bien sûr, à première vue, 830 000 euros dépensés en quelques mois ont de quoi inquiéter. Mais Anne était autrefois mariée à un millionnaire, le banquier était donc probablement habitué à voir circuler des sommes très importantes sur ses comptes.
Pourtant, l’affaire pourrait faire bouger les choses, compte tenu de son extrême médiatisation. Michel Guiraud conclut : « Les banques sont de moins en moins prudentes, tandis que la fraude explose. Depuis 2018, il n’est plus obligatoire pour les banques de vérifier la cohérence entre le nom d’un bénéficiaire et son IBAN. Les transferts immédiats se sont démocratisés, sans contrôle plus exigeant, tout comme l’ajout de nouveaux bénéficiaires. Notre association demande également une double identification du bénéficiaire, et une limite sur le montant d’un virement, par exemple 2 500 euros, sans passer par le conseiller bancaire. Un vœu pieux pour l’instant.
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