« Kylian Mbappé est à peu près aussi déconnecté qu’Emmanuel Macron »
FIGAROVOX/ENTRETIEN – Le capitaine de l’équipe de France a appelé à la mobilisation contre « les extrêmes » à l’approche des élections législatives. Un discours qui aura sûrement aussi peu d’influence que les pétitions des artistes depuis 40 ans, estime le chroniqueur David Desgouilles.
David Desgouilles est chroniqueur à Marianne. Il a publié Déraper (éd. du Rocher, 2017) et Leurs guerres perdues(éd. du Rocher, 2019).
FIGAROVOX. – A la veille du premier match des Bleus à l’Euro de football, Kylian Mbappé a déclaré qu’il était « contre les extrêmes, les idées qui divisent ». À votre avis, que veut-il dire par « extrêmes » ? Que révèle ce discours ?
David DESGOUILLES. – Il me semble qu’il utilise l’expression que l’on entend sur tous les plateaux de télévision, prononcée par les représentants de la majorité présidentielle. Et c’est vrai que le joueur et Emmanuel Macron n’ont jamais caché leurs sympathies communes. Mais j’ai aussi entendu dire qu’il soutenait Marcus Thuram, qui ne visait que le Rassemblement national. Tout n’est donc pas très clair dans les déclarations du capitaine de l’équipe de France de football.
En prenant la parole, le joueur assume-t-il ou dépasse-t-il son rôle de capitaine de l’équipe de France ?
Cela embarrasse en tout cas la Fédération française de football, puisqu’elle avait communiqué sur les risques d’exploitation politique de l’équipe de France, juste avant que Kylian Mbappé ne décide d’affirmer sa position.
On peut y voir un soutien aux acteurs du groupe qui ont déjà pris position concernant les élections législatives, prenant le parti de leur liberté d’expression, face à une fédération plus prudente, attachée à une image neutre de la sélection nationale. Je dois reconnaître que des deux côtés, les arguments sont défendables. La seule question qui reste est de savoir si Kylian Mbappé serait venu en aide à un coéquipier qui aurait apporté son soutien au Rassemblement National.
Marcus Thuram poursuit sa carrière en Italie malgré l’arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni. On peut donc en déduire que si Jordan Bardella était présent à l’Élysée le jour où, je l’espère, les Bleus viendront fêter leur victoire en présence du président de la République et d’un éventuel nouveau gouvernement, il ne boycotterait pas un tel réception.
David Desgouilles
La position d’un footballeur de cette importance peut-elle influencer le vote ?
Si l’on se base sur l’influence des artistes qui pétitionnent et manifestent depuis 40 ans contre le Front National puis le Rassemblement National, et même contre Nicolas Sarkozy durant son quinquennat, on ne peut pas vraiment conclure à l’efficacité de la méthode. . Le Rassemblement national n’a jamais été aussi proche du pouvoir.
Les sportifs, et notamment du gabarit de Mbappé, sont suivis par un public sensiblement différent. Cette dernière est-elle plus influençable ? Il me semble qu’il y aurait une forme de mépris à le penser. Le vote est gratuit, il y a des isoloirs. Et que nous fréquentions les cinémas d’art et essai, ou les tribunes populaires du Parc des Princes ou du Stade-Vélodrome, nous sommes dotés du même libre-arbitre.
Kylian Mbappé a d’ailleurs vu son image écornée dans cette affaire de transfert au Real Madrid, qui s’éternisait depuis plusieurs années. Même récemment, il a utilisé des mots comme «Je ne souhaite à personne de vivre ça», qui démontrait une déconnexion presque aussi grande que celle de l’auteur de la dissolution. Je ne suis donc pas sûr que l’influence politique de l’attaquant français lui permettrait d’influencer une telle élection.
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Kylian Mbappé n’est pas le seul joueur de l’équipe de France à s’être exprimé sur la situation politique en France, c’est aussi le cas de Marcus Thuram et Ousmane Dembélé. Les athlètes devraient-ils participer au débat public et politique ?
Ce sont des citoyens comme les autres et à ce titre, ils peuvent s’exprimer et participer à la vie de la nation. Ce qui est plus discutable, c’est le timing. Est-ce vraiment bon pour les résultats de l’équipe de France au Championnat d’Europe que les joueurs se dispersent ainsi ? Ces positions ne peuvent-elles pas nuire à la cohésion du groupe ? Cela dit, ce n’est ni moi ni les Bleus qui avons décidé de convoquer des élections entre l’Euro de football et les Jeux Olympiques.
Concernant plus précisément Marcus Thuram, il a poursuivi sa carrière en Italie malgré l’arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni. On peut donc en déduire que si Jordan Bardella était présent à l’Élysée le jour où, je l’espère, les Bleus viendront fêter leur victoire en présence du président de la République et d’un éventuel nouveau gouvernement, le fils de Lilian Thuram serait pas boycotter une telle réception.