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Karim Mosta : J’ai voulu suivre les traces d’Ibn Battouta, qui est allé de Tanger à Pékin.

Karim Mosta : J’ai voulu suivre les traces d’Ibn Battouta, qui est allé de Tanger à Pékin.



Karim Mosta : J’ai voulu suivre les traces d’Ibn Battouta, qui est allé de Tanger à Pékin.

Le Matin : Vous avez décidé de vous lancer dans une aventure qui demande beaucoup de préparation et d’efforts, mais comment l’idée a-t-elle germé dans votre esprit ?

Karim Mosta :

C’était dans la continuité des choses. J’avais déjà fait le trajet Casablanca-La Mecque, puis Amsterdam-Dakar. Après, j’avais un faible pour le vélo et les aventures dans les grands espaces, partir vers l’inconnu, très loin. Après mûre réflexion, j’ai décidé de mettre le cap sur Pékin. Plusieurs aventuriers avaient fait le trajet entre Paris et Pékin, j’ai donc essayé de faire mieux avec Casablanca-Pékin. J’avais aussi envie de suivre les traces d’Ibn Battouta, qui était parti de Tanger à Pékin.

Ce n’était donc pas votre premier exploit de ce genre, vous qui êtes un sportif de longue date. Comment vous êtes-vous préparé à ce parcours, tant mentalement que physiquement ?

J’avais commencé il y a longtemps par la natation, la boxe et la course à pied. Pour l’aventure vers Pékin, j’avais un peu varié mon entraînement, en commençant par le vélo, qui est devenu ma passion. Une fois les axes de mon parcours définis, il a fallu préparer le matériel : le vélo, l’itinéraire, les visas… J’ai essayé de contacter les différentes ambassades sur mon parcours, j’ai aussi contacté l’ambassade de Chine, grâce à mes contacts dans l’Association d’amitié Maroc-Chine. Les officiels chinois, qui ne donnent habituellement qu’un visa d’un mois, m’ont accordé un délai de huit mois, afin que je puisse aller au bout de mes projets… L’Azerbaïdjan aussi, qui est un pays fermé. Je suis allé les rencontrer à Rabat et ils m’ont aussi accordé le visa. J’ai expliqué mon idée et des gens ont fini par adhérer. Il a fallu aussi trouver des partenaires qui m’accompagneraient et me soutiendraient dans cette aventure. J’ai dû gérer tout ça tout seul. Ensuite, je me suis concentré sur l’aspect physique. J’ai fait du vélo de Casablanca à El Jadida, deux à trois fois par mois. J’ai aussi fait Marrakech, et j’ai essayé de changer de rythme plusieurs fois. Il fallait aussi faire du cross training. Je dois aussi préciser que je suis très habituée au vélo, je ne prends jamais la voiture à Casablanca, tout au long de l’année. Je me suis donc habituée au trafic, aux camions sur la route… car je devais traverser plusieurs capitales européennes et cela créait un stress supplémentaire. Il faut se préparer mentalement aussi, c’est essentiel.

Vous avez débuté l’aventure au Maroc, en Afrique, puis vous avez parcouru l’Europe et une bonne partie du continent asiatique. Quels ont été les moments forts de cette aventure, les passages qui vous ont le plus marqué ?

Je suis partie le 7 février et il y avait des inondations à ce moment-là, beaucoup de pluie… Ce n’était pas très dur quand même, car il y avait du soutien de la part des gens, je connais bien le pays aussi. En quatre jours, j’ai réussi à rejoindre l’Espagne. Dès que j’ai traversé l’Europe, les choses se sont compliquées avec plus d’altitude et de montagnes à franchir, en plus du brouillard et de la barrière de la langue. J’étais toute seule, la vraie aventure avait commencé et je ne pouvais pas faire demi-tour, donc je ne pouvais qu’avancer. Ensuite, ce fut la France, la Côte d’Azur, que je connais assez bien. Là, le problème était le vent qui venait de face, en sens inverse. J’ai dû faire plus d’efforts pour contrer cet effet, c’était comme si je faisais le double de la distance. Puis je suis arrivée en Slovénie et il y a eu vraiment beaucoup de difficultés. En plus des montagnes, il faisait -5 degrés. Je n’aime pas beaucoup le froid et je commençais à me demander où je m’étais fourrée… Le Kirghizstan a aussi été très dur : je suis montée jusqu’à 3 700 m et il n’y avait que des montagnes. Arrivé près de la frontière chinoise, la météo m’a joué des tours. Au début c’était agréable, mais à un moment tout a changé. Il y a eu de la grêle et de fortes pluies, des tornades, un froid avec 0 degré et beaucoup de vent. J’ai eu la chance de trouver une plaque sur laquelle j’avais fixé le vélo, puis je me suis accroché de toutes mes forces. Si je n’avais pas fait ça, le vent m’aurait emporté… c’était de la chance et je pense que ce genre d’aventures demande de la chance.

Le facteur mental a donc été crucial durant ces sept mois… Comment avez-vous tenu, qu’est-ce qui vous a donné la force de continuer l’aventure ?

Tout au long de ma vie, j’ai essayé de tenir parole et d’honorer mes engagements, de faire tout ce que je promettais de faire ! Il ne faut jamais entraîner notre cerveau à renoncer à ses engagements. C’était ma principale motivation. Je voulais aussi rendre hommage à Ibn Battuta et cela m’a poussé à redoubler d’efforts. Il y a eu aussi des gens qui m’ont aidé et surtout les partenaires et sponsors, qui ont cru en moi et m’ont toujours rappelé que j’en étais capable.

Sur le plan humain aussi, vous avez rencontré des gens formidables…

Absolument ! Par exemple, dans le désert chinois, j’avais parcouru une très longue distance sans rencontrer personne. Puis j’ai vu des vendeurs ambulants qui vendaient des pastèques aux camions qui traversaient la route de la soie. J’avais besoin de nourriture et d’hébergement. Ils m’ont donné à manger et m’ont même donné leur lit pour que je puisse me reposer, contre une somme modique.

Un mot pour les gens qui vous ont suivi et pour les jeunes marocains, pour qui vous pouvez être une source d’inspiration…

Je dédie ce voyage d’abord à Sa Majesté le Roi Mohammed VI et ensuite à toute la jeunesse marocaine. Je leur dis : allez toujours au bout de vos projets et de vos rêves, faites toujours les choses à fond. Si vous ne savez pas quelque chose, cherchez-le ! Soyez modestes, apprenez et allez jusqu’au bout. Vous verrez qu’il y a toujours une satisfaction à la fin.

lematin

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