Kamel Daoud accusé d’avoir exploité le récit d’une victime de la guerre civile algérienne pour son roman « Houris »
Une jeune femme de 31 ans affirme que l’écrivain algérien, lauréat début novembre du prix Goncourt 2024, a utilisé son histoire personnelle sans son autorisation dans le roman « Houris ».
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Les sourires et les applaudissements du restaurant Drouant semblent lointains. Le 4 novembre, Kamel Daoud est devenu le premier écrivain algérien à remporter le prix Goncourt, après une rare victoire au premier tour du scrutin. Mais la récompense pour son roman Houris lui vaut aujourd’hui l’objet de deux plaintes, notamment pour « violation du secret médical ».
L’auteur est accusé par une jeune femme de 31 ans, Saâda Arbane, apparue vendredi 15 novembre à la télévision algérienne. Sur la chaîne One TV, elle apparaît le cou entouré d’un dispositif médical et, la voix à peine audible. , l’accuse la jeune femme. L’histoire d’Aube, personnage central du roman, est la sienne, une histoire qu’elle a expressément demandé à l’écrivain de ne pas raconter. Saâda Arbane connaît l’auteur et surtout son épouse, qui fut pendant des années sa psychiatre. Victime d’un violent étranglement lorsqu’elle était enfant, en pleine guerre civile algérienne, la jeune femme a perdu l’usage de sa voix, comme le personnage du roman, qui, selon elle, comporte des éléments de sa vie que seul son psychiatre pouvait connaître. .
Cette affaire alimente une nouvelle polémique autour d’une personnalité très clivante. Kamel Daoud, 54 ans, a d’abord été connu des Algériens comme journaliste pour Le Quotidien d’Oran. Dans les années 2000, il se lance dans une carrière littéraire, marquée par son roman Meursault, contre-enquêteune sorte d’extension de L’étranger de Camus, publié il y a 10 ans. Salué par la critique en France, l’auteur devient alors la cible d’une « fatwa » dans son pays, pour ses critiques virulentes de l’islamisme et de l’influence des religieux. Aujourd’hui basé en France, l’histoire de son pays ne le quitte pas et Houris prend pour décor la « décennie noire », cette période de guerre civile en Algérie, dont l’évocation est interdite en Algérie en vertu d’une charte de réconciliation nationale.
Kamel Daoud et son épouse sont également visés, dans ces deux plaintes, pour « violation du secret médical », mais aussi pour « violation de la loi de réconciliation nationale ». Le deuxième point s’appuie sur un article de cette charte, qui interdit l’évocation de « blessures de la tragédie nationale »expression utilisée pour désigner cette période de guerre civile entre 1992 et 2002. Kamel Daoud a toujours pointé du doigt cette omerta, c’est pourquoi son livre a été interdit en Algérie. Sa présence n’était pas non plus autorisée au Salon international du livre d’Alger le week-end dernier. Dans un communiqué, son éditeur, Antoine Gallimard, dénonce «de violentes campagnes diffamatoires orchestrées par certains médias proches d’un régime, dont la nature est bien connue« , tout cela sur fond de relations glaciales entre Paris et Alger.