C’était en novembre 2002, le 27 pour être précis. Ce jour sombre où Castro, le quartier gay de San Francisco, rendait hommage à Harvey Milk, l’un des premiers élus homosexuels du pays, assassiné en 1978 en pleine mairie. Pour le 24et A l’occasion de l’anniversaire de cet événement qui continue de traumatiser la ville, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées en début de soirée sur Harvey Milk Plaza. « Kamala Harris est venue et s’est tenue à côté de moi »explique Patrick Cosson, consultant en marketing qui a participé comme chaque année à la commémoration. La future vice-présidente est vêtue d’un costume noir et de bottes en daim ; elle vient du bureau des affaires juridiques de la ville, où elle dirige la division des familles et des enfants. « Nous avons échangé quelques mots. »poursuit l’entrepreneur.
Kamala Harris n’est pas encore procureure du district de San Francisco – un poste élu – mais elle pense déjà à se présenter en novembre 2003. Elle a construit ses réseaux parmi la classe supérieure et courtise les représentants de la« vieil argent »Héritiers de fortunes bancaires et pétrolières, les nouveaux riches de la technologie commencent à peine à arriver. Le magazine La Gazette de Nob Hill publie régulièrement sa photo parmi les notables locaux. L’une d’elles, datée de 2000, la montre« une élégance à tomber par terre » dans un ensemble Burberry.
Sur la place, Patrick Cosson conseille à sa voisine de se rapprocher de l’estrade, où se trouvent les élus et personnalités en campagne. Elle se tourne vers lui, l’index menaçant, comme furieuse d’être soupçonnée d’opportunisme électoral. « Écoute-moi attentivementelle commence. Je manifeste pour les droits civiques depuis que je suis enfant. Ma mère m’a toujours dit de participer et de me faire entendre. Et c’est ce que je fais aujourd’hui. Vingt ans plus tard, son index autoritaire, pointé vers quiconque tente de perturber ses discours de candidate à la Maison Blanche, a fait son chemin sur TikTok. Kamala Harris « n’a pas peur de faire peur »se réjouit Patrick Cosson.
L’entrepreneur raconte l’histoire sous l’immense drapeau arc-en-ciel qui marque l’entrée du quartier depuis 1997. Il fait beau en août, mais le vent est frais, ce qui n’empêche pas deux hommes de braver le décret municipal de 2012 – confirmé par la cour d’appel en 2019 – qui interdit de se promener nu sur la voie publique. Castro est une terre de liberté, imperméable aux conventions, emblématique du San Francisco honni des conservateurs, le San Francisco « radical » que la droite veut associer à Kamala Harris pour discréditer sa candidature auprès des électeurs du Midwest.
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