La fête est finie. Malgré une arrivée en fanfare de Kamala Harris dans l’arène présidentielle fin juillet, les démocrates abordent la dernière ligne droite de la campagne avec une peur panique. Le sentiment est certes habituel dans leur camp, mais il est alimenté cette année par une impression de paralysie. Après avoir conquis la Toile et réussi à remettre l’espoir au goût du jour durant l’été, leur champion semble faire du surplace.
Les commissaires du Camp HarrisWalz ont déclaré dans un communiqué que leur collecte de fonds « a connu une baisse spectaculaire depuis fin septembre » (même s’ils sont assis sur un trésor de guerre), et tardent à dévoiler leurs derniers états financiers, de peur d’effrayer les plus petits donateurs, rapporte le New York Times. Et même si l’élite des célébrités américaines, depuis Hollywood jusqu’aux divas musicales dont Taylor Swift est la figure de proue, s’est alignée derrière Kamala Harris, le processus de sa starification semble inachevé.
Un public cible peu enthousiaste
Pire : les bisbilles entre les équipes du président sortant et celles de son héritier putatif polluent la campagne démocrate, tandis que certains fidèles du patriarche digèrent mal son départ forcé. Les problèmes de coordination ne passent pas inaperçus : c’est ainsi que Kamala Harris a critiqué le gouverneur républicain radical de Floride pour ne pas lui avoir répondu sur les dégâts causés par les ouragans ces dernières semaines… tandis que Biden le remerciait de son » gentillesse « et son » coopération « . Pour couronner le tout, le grand public californien n’est pas aussi enthousiaste à son égard qu’il l’était avec Joe Biden en 2020.
Les Afro-Américains, dont la lassitude électorale est évidente, sont à 78% en faveur, soit 12 points de moins que lors du scrutin précédent, souligne une étude de Siena Polls publiée le 12 octobre. Les hommes noirs, en particulier, sont plus sensibles aux idéaux de Donald Trump, à tel point que Barack Obama leur a fait la leçon lors d’une visite à une classe d’étudiants à Chicago la semaine dernière.
Le soutien à Israël repousse l’électorat
Quant aux jeunes électeurs, Harris est toujours en tête. Mais est-ce qu’ils seront nombreux à voter ? Le soutien indéfectible de l’administration Biden-Harris à Israël, réitéré par le candidat, en rebute plus d’un. D’autant que beaucoup ont été marqués par l’ordonnance de la Cour internationale de Justice qui évoquait en janvier un « risque plausible de génocide » à Gaza. Par ailleurs, les petits candidats, comme Jill Stein et Cornel West, engagés depuis de longs mois en faveur d’un cessez-le-feu et plus sensibles au sort des Palestiniens, sont considérés d’un œil amical. Ils n’ont aucune chance de remporter les élections mais ils pourraient faire perdre quelques points précieux au poids lourd du camp progressiste.
» Les électeurs et les médias américains appliquent deux poids, deux mesures pour Harris et Trumpnote Fanny Lauby, politologue-enseignante à la Montclair State University (New Jersey). Ils sont très pointilleux sur les détails du programme de la première. Habitués aux mensonges du second, ils se montrent finalement plus indulgents avec lui. » Face à ce jury sévère à son égard, Kamala Harris multiplie les avances pour convaincre les indécis et ouvre largement sa campagne aux républicains traditionnels. Désespérée ou visionnaire, elle s’est invitée sur le plateau de Fox News mercredi. En résulte une interview aux airs de débat musclé avec le présentateur, histoire de redynamiser le récit d’une campagne qui s’endort au pire moment.