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Kamala Harris est-elle le pire adversaire de Donald Trump ?

ENTRETIEN – Le journaliste Dominique Simonnet, spécialiste de la politique américaine, analyse la candidature du vice-président, propulsé du jour au lendemain dans la course à la Maison Blanche.

A-t-elle été sous-estimée ? Depuis 2017, Kamala Harris exerce ses fonctions de vice-présidente des Etats-Unis dans la plus grande discrétion. Restée dans l’ombre de Joe Biden, en coulisses, elle a pourtant mené plusieurs batailles, tantôt occupée au Sénat, tantôt en charge du dossier explosif de « l’immigration » ou sur le terrain pour soutenir le droit à l’avortement. Son destin a basculé dimanche dernier. Avec le retrait soudain de Joe Biden de l’élection présidentielle, Kamala Harris s’est retrouvée propulsée dans la course à la Maison Blanche face à un Donald Trump toujours aussi provocateur – et galvanisé par la tentative d’assassinat à laquelle il a survécu ? D’ici l’élection de novembre, elle aura une mission : prouver qu’elle est LA personne qu’il faut pour devenir la première femme à diriger les Etats-Unis. La journaliste Dominique Simonnet, spécialiste de la politique américaine, analyse le coup de tonnerre politique que représente sa candidature, notamment pour Trump.

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La jeunesse de Kamala Harris est un véritable atout pour les démocrates

Madame Figaro .- Kamala Harris est-elle la pire adversaire de Donald Trump ?
Dominique Simonnet.- Le remplacement de Joe Biden par Kamala Harris est une très mauvaise nouvelle pour Donald Trump, qui avait préparé toute une stratégie, relativement facile à mettre en œuvre pour lui, face à un Joe Biden diminué dont il n’a cessé de railler la faiblesse et qu’il a accusé d’être incapable de briguer un second mandat présidentiel. Désormais, la situation s’est inversée : face à son nouvel adversaire de 59 ans, il fait figure de vieux et doit revoir ses angles d’attaque.

Vous avez évoqué l’âge de Kamala Harris, qui constitue un avantage par rapport à Trump, qui a 78 ans. Quels autres avantages a-t-elle ?
La jeunesse de Kamala Harris est en effet un atout pour les démocrates, car elle peut réussir à capter un électorat jeune, indécis ou abstentionniste, qui n’a pas forcément voulu voter, ou qui a hésité, ou qui s’est opposé à la politique de Joe Biden envers Israël et a voulu le punir. Une fraction de la jeunesse pourrait être séduite par la candidature de Kamala Harris. Au-delà de son âge, c’est une femme métisse avec une double origine : une mère indienne, un père jamaïcain, ce qui est aussi un avantage pour représenter des communautés qui voulaient un autre candidat qu’un « vieux mâle blanc ». Kamala Harris a aussi un autre avantage : en tant que colistière de Joe Biden, elle était déjà pleinement impliquée dans la campagne, et donc déjà sur le terrain depuis plusieurs mois. Elle ne part donc pas de zéro. Elle peut aussi bénéficier des fonds de campagne qui ont été versés pour le ticket Biden-Harris, et on voit qu’en quelques heures, sa candidature a attiré un flot de donateurs, ce qui prouve l’engouement dont elle fait l’objet. Mais Kamala Harris a un autre atout : le fait d’être une femme, plus engagée en faveur de la liberté d’avortement. C’est un sujet très sensible pour l’électorat féminin, et pas seulement démocrate.

Devons-nous nous attendre à ce que le droit à l’avortement être un sujet central de la campagne ?
Oui, car depuis que la Cour suprême a rendu la liberté d’avortement aux États (Ce droit était auparavant protégé au niveau national par l’arrêt Roe v. Wade, NDLR.), un certain nombre d’Américaines se retrouvent dans des situations catastrophiques, contraintes de chercher de l’aide dans d’autres États, au risque de condamnations judiciaires. Il y a un véritable chaos sur ce front aux États-Unis et Kamala Harris représente l’espoir de rétablir une situation décente pour les femmes en difficulté. Elle a été très présente sur ce sujet et elle est très en pointe sur les droits reproductifs. Son discours : le recours à l’avortement et le droit des femmes à disposer de leur corps font partie des libertés individuelles, point final. Donald Trump, lui, n’est pas clair sur l’avortement. Il esquive. D’un côté, il veut donner des assurances à ses électeurs les plus radicaux et anti-avortement ; de l’autre, il ménage ses propos pour convaincre l’électorat féminin.

En tant qu’ancienne procureure générale de Californie, donnera-t-elle du fil à retordre à Donald Trump lors des débats ?
Il est certain que, s’il y a bien des débats télévisés, ils seront très attendus. Kamala Harris devra prendre garde à ne pas se laisser trop déstabiliser par les attaques de Donald Trump, souvent déconcertantes. Cela étant dit, elle a déjà fait preuve d’une certaine pugnacité par le passé. Au Sénat, en septembre 2018, lors des audiences de confirmation de Brett Kavanaugh, nommé par Donald Trump à la Cour suprême, elle s’était montrée redoutable. Elle est donc quelque peu habituée à la confrontation. C’est une femme de volonté, comme elle l’a démontré lorsqu’elle était procureure générale de l’État de Californie. Il n’y a aucune raison pour qu’elle n’ait pas la capacité de gouverner. Beaucoup y croient et c’est ce qui explique la levée de fonds historique de Kamala Harris. Elle a jusqu’à présent récolté 250 millions de dollars, 100 millions de dollars auprès de petits donateurs (environ 1 million de personnes) et 150 millions de dollars auprès de super PAC (groupes de donateurs et de gros entrepreneurs, notamment de la Silicon Valley).

La stratégie de Trump ? Dénigrer les femmes par tous les moyens possibles

En fin de compte, elle semble être la meilleure candidate du Parti démocrate pour défier Trump…
Elle est aujourd’hui, sans aucun doute, la meilleure candidate pour affronter Trump. Surtout compte tenu de la situation de déni et de panique dans laquelle étaient tombés les démocrates, qui n’avaient pas pris la mesure de l’affaiblissement de Joe Biden. On l’a un peu trop décrite comme une femme effacée, restant dans l’ombre de Joe Biden, mais c’était là son rôle de vice-présidente, qui consiste principalement à remplacer le président en cas de problème. De plus, elle a joué un rôle important en tant que présidente du Sénat, notamment lorsque son vote de vice-président était prépondérant, c’est-à-dire pendant les deux premières années du mandat de Biden. (à ce moment là, Le Sénat était dans une parfaite égalité avec 50 républicains et 50 démocrates ; et dans ce cas, c’est le vote du vice-président qui permet de trancher les questions, NDLR). Il faut dire aussi que Joe Biden lui avait confié des dossiers ingrats, comme l’immigration, ce qui l’a conduit à tenter de négocier avec les chefs d’État d’Amérique latine et centrale. La tâche n’a pas été aisée et le moins que l’on puisse dire est que le sujet n’est pas résolu. Cela reste l’un des échecs de l’administration Biden (mais les trumpistes, en refusant tout compromis, n’y ont pas contribué).

Quelle sera la stratégie de Donald Trump pour contrer son désormais principal rival ?
La méthode de Trump reste la même : on martèle, on accuse, on ne débat pas sur les faits mais sur les gens et on les discrédite. Il ne s’agit pas de combattre la candidate, mais de salir la femme par tous les moyens possibles. A force d’être répété, un mensonge finit par devenir une vérité aux yeux des plus crédules. C’est la stratégie de Trump, peu en phase avec la tradition républicaine, avec le parti de « la loi et de l’ordre », celui de Nixon et Reagan, devenu aujourd’hui le parti de Donald Trump. Ce sont des méthodes populistes, et très efficaces. Alors comme d’habitude, Trump va opter pour les insultes. Il n’a pas perdu de temps. Son colistier JD Vance non plus : sur Fox News, il n’a pas hésité à accuser Kamala Harris de « violer la loi et l’ordre ».dame aux chats sans enfant» (comprenez, une mamie-chat incapable d’avoir des enfants), ajoutant qu’elle était « 1 million de fois pire que Joe Biden ». Bon, c’est insultant et puéril, mais ça galvanise ses partisans. On peut aussi imaginer que Donald Trump l’attaque sur ses origines, comme il l’a fait avec Obama, en tentant de semer le doute sur son identité américaine avec des sous-entendus mesquins. Il devrait aussi souligner son échec sur le dossier « immigration », et son silence concernant l’état de santé de Joe Biden, elle qui le voyait tous les jours à la Maison Blanche. Donald Trump fera tout pour la discréditer et la délégitimer. C’est à Kamala Harris de prouver qu’elle a la force de lui résister et de replacer le débat politique sur les vrais enjeux, notamment ceux du pouvoir d’achat et de la sécurité qui concernent tous les Américains.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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