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Jusqu’où les avocats peuvent-ils aller pour défendre leurs clients ?

Jusqu’où les avocats peuvent-ils aller pour défendre leurs clients ?

D’un côté, une victime devenue, au fil du procès, le symbole des violences faites aux femmes. De l’autre, 51 hommes jugés depuis le 2 septembre, devant le tribunal correctionnel du Vaucluse, pour l’avoir violée. Parmi eux, Dominique Pelicot, son mari. Dans le box, il est le seul à reconnaître les faits. Oui, pendant une dizaine d’années, il a drogué sa femme et recruté ses coaccusés sur Internet pour qu’ils viennent la maltraiter pendant qu’il les filmait.

De quoi ils se défendent lorsqu’ils défilent au bar. Ils affirment tous avoir pensé que Gisèle Pelicot dormait, était consentante, et que tout cela faisait partie d’un « jeu » sexuel imaginé par le couple. Une stratégie de défense mise à mal par la diffusion de vidéos des viols subis par cette femme de 71 ans.

Certaines déclarations des avocats des prévenus ont suscité la polémique sur les réseaux sociaux où le procès est suivi de près grâce aux tweets en direct de nombreux journalistes accrédités. Me Guillaume de Palma a provoqué la stupéfaction dans la salle d’audience en déclarant qu’« il y a du viol et du viol ». Même indignation lorsqu’un de ses collègues demande à la partie civile si elle n’a pas des « penchants exhibitionnistes ». Ou quand Me Isabelle Crépin-Dehaene expliquait que certains prévenus avaient pu légitimement penser, en voyant certaines photos, que Gisèle Pelicot « était volontaire et joueuse pour aller partager un moment à trois ». Me Nadia El Bouroumi a été critiquée pour avoir publié sur les réseaux sociaux une série de vidéos dans lesquelles l’avocat s’en prenait à la victime sur un ton enjoué.

« Si je choisis de le faire, je le fais à fond »

Co-présidente de l’Association des avocats pénalistes, Karine Bordié regrette « la manière dont le travail des avocats de la défense dans cette audience est vilipendé » sur les réseaux sociaux « par des personnes qui n’ont pas mis les pieds dans la salle d’audience et qui n’ont pas assisté à une séance d’audience. deuxième de la procédure. « C’est comme si l’idée qu’un accusé soit défendu devenait insupportable », explique 20 minutes cet avocat pénaliste qui porte la robe depuis vingt ans. Défendre une personne accusée d’avoir commis un viol, ce n’est pas défendre un viol, résume-t-elle. Dans certains cas, les faits sont difficiles à contester. Elle va alors « essayer de faire entendre raison à son client » car, « le but n’est pas d’enfoncer quelqu’un dans un mur, de le laisser dire n’importe quoi et de le voir s’écraser en direct ».

Mais pour d’autres cas, « il existe des moyens de contester les poursuites ». Peu importe, dans ces cas-là, qu’elle croie ou non à l’innocence de ses clients. « Je ne suis pas un enquêteur, je ne connaîtrai jamais la vérité absolue. » Son objectif est de les aider à mettre en place « une défense cohérente par rapport à leur personnalité et aux faits allégués », et de « soutenir leur déclaration d’innocence ». « Si je choisis de le faire, je le fais à fond. Et si j’ai des raisons de démontrer que les témoins mentent, que les parties civiles mentent, que des faux ont été produits, je le ferai. Ce qui m’intéresse, c’est que le sort judiciaire de la personne que je défends soit le plus juste possible, que le fonctionnement judiciaire soit digne de ce nom. »

Une immunité formelle encadrée par la loi

Pour ce faire, Me Bourdié dit respecter les limites fixées par la loi. « Nous n’insultons pas les gens, nous ne les menaçons pas. » Mais, « il ne faut pas confondre combativité et manque de respect », insiste l’avocat pénaliste. Avant d’ajouter : « Dans notre système, il faut pouvoir remettre en cause les propos ou les accusations de chacune des parties. A partir du moment où la vérité judiciaire émerge de ce débat contradictoire et de l’examen attentif des preuves, il faut pouvoir discuter de tout. »

« On peut dire ce qu’on veut pour défendre nos clients mais il y a des limites en matière pénale et en matière disciplinaire », observe Me Mandine Blandin, avocate pénaliste au barreau de Versailles. La loi du 29 juillet 1881 prévoit que « ni les discours prononcés ni les écrits produits devant les tribunaux » ne peuvent donner lieu à des poursuites pour « diffamation, injure ou outrage ». Plus tard, en 1933, le Conseil constitutionnel rappelle que « les abus justifiés à la liberté d’expression de l’avocat doivent avoir pour objet le fond même du procès sans dépasser les limites des droits de la défense ». Mais comme la chambre criminelle de la Cour de cassation l’a précisé par la suite dans un arrêt du 27 février 2001, cette immunité formelle ne s’applique pas aux propos tenus en dehors de la salle d’audience. Les propos tenus dans la presse ou sur les réseaux sociaux pourront faire l’objet de poursuites judiciaires de la part de l’Ordre des Avocats.

« Être hyperagressif ne sert à rien »

« Je ne fais pas de morale, je fais du droit. Et si j’ai quelqu’un qui me dit qu’il a commis des actes graves et que, dans le dossier, il y a moyen de plaider son innocence, je n’ai aucune difficulté à le plaider», souligne M. Blandin. « Si le dossier se prête à plaider pour une relaxe ou un acquittement ou un non-lieu, je lui porterai sa voix », assume-t-elle, reconnaissant que « d’un point de vue de l’opinion publique, du citoyen ordinaire qui ne « Ne posez pas trop de questions, les avocats des victimes ou des parties civiles ont une meilleure image » que ceux de la défense.

Plus d’informations sur l’affaire Pélicot

Dans les dossiers avec parties civiles, comme les affaires d’agressions sexuelles par exemple, l’avocat pénaliste de Versailles explique qu’elle est « parfois moins sensible à leur égard » si elle « estime » que son client n’a pas commis les faits reprochés. « Mais si les faits sont reconnus, c’est plus difficile car la victime inspire forcément de la compassion envers les juges ou les jurés. Donc si nous le croisons, nous lui inspirerons quelque chose de désagréable qui nuira à notre client. Il faut réussir à faire passer des messages défensifs tout en étant doux avec la victime. Être hyperagressif envers elle n’aide pas. Vous devez également lui montrer de la gentillesse. »

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