Nouvelles locales

Jusqu’à trois années d’affilée dans leur camion, 70 euros par jour… Dans toute l’Europe, l’exploitation des chauffeurs routiers

Les pluies torrentielles de fin mai ont finalement cessé et les quatre camionneurs ont décidé de s’offrir un luxe rare : un kebab vendu au fast-food de l’aire d’autoroute, plutôt que de cuisiner à l’arrière de leur semi-remorque. , comme ils le font habituellement.

Trois viennent du Kirghizistan et le quatrième du Tadjikistan. Ils conduisent des camions immatriculés en Lituanie. Ce samedi, ils prennent leur jour de repos hebdomadaire sur le parking de Hazeldonk, à la frontière entre les Pays-Bas et la Belgique. Au mépris de toute réglementation, deux d’entre eux sont sur la route depuis six mois sans interruption, sillonnant l’Europe de livraison en livraison.

« Nous dormons dans notre appartement »», s’amuse l’un d’eux en désignant la cabine de son camion, où est aménagée une couchette. Son salaire : 70 euros par jour, là encore au mépris de toute réglementation. « Nous n’avons pas de congés payés, pas de budget pour nos dépenses courantes. Ils ne paient pas notre billet d’avion pour rentrer au paysgrommela l’un d’eux. Mais nous n’avons pas le choix et nous gagnons quand même trois fois plus qu’à la maison. »

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Dumping social dans les transports : l’Europe divisée

Les quatre hommes, qui ne veulent pas donner leur nom, de peur de perdre leur emploi, incarnent ce qui est désormais la réalité quotidienne du marché du transport routier en Europe : des chauffeurs non européens, travaillant dans des conditions déplorables pour des entreprises enregistrées. en Europe centrale et assurer les livraisons vers les pays d’Europe occidentale.

Edwin Atema, responsable de l'association « Road Transport Due Diligence », sur le parking de Hazeldonk, Pays-Bas, le 25 mai 2024. Edwin Atema, responsable de l'association « Road Transport Due Diligence », sur le parking de Hazeldonk, Pays-Bas, le 25 mai 2024.

« Ces conducteurs sont exploités de manière choquante », prévient Edwin Atema, lui-même ancien chauffeur routier néerlandais, qui a fondé Road Transport Due Diligence (RTDD), une association de défense des conducteurs. Ce matin-là, son équipe a rencontré, dans un autre parking, un chauffeur philippin qui vivait dans son camion depuis trois ans.

1euh En mai 2004, il y a tout juste vingt ans, alors que l’Union européenne (UE) s’élargissait à huit pays d’Europe centrale et orientale, M. Atema commençait à tirer la sonnette d’alarme sur le dumping social qui détruisait les conditions de travail dans son secteur. A l’époque, les chauffeurs qui arrivaient sur le marché étaient polonais, hongrois ou lituaniens.

Sur le parking de Hazeldonk, aux Pays-Bas, le 25 mai 2024, une camionnette vient récupérer les chauffeurs ayant accompli leur mission pour les ramener à leur base, en l'occurrence la Lituanie.  La loi européenne, rarement respectée, impose un retour au moins tous les mois. Sur le parking de Hazeldonk, aux Pays-Bas, le 25 mai 2024, une camionnette vient récupérer les chauffeurs ayant accompli leur mission pour les ramener à leur base, en l'occurrence la Lituanie.  La loi européenne, rarement respectée, impose un retour au moins tous les mois.

Choqué par leur situation, le Néerlandais a créé cette association qui enquête sur les parkings autoroutiers de toute l’Europe afin d’enquêter et de défendre les chauffeurs routiers. Pour communiquer avec ces derniers, désormais en grande partie immigrés d’Asie centrale, il a dû recruter des russophones, le russe étant la seule langue commune à tous ces citoyens de l’ex-Union soviétique. « Aujourd’hui, les conditions de travail sont bien pires qu’il y a vingt ans, quand je commençais à m’inquiéter »il dénonce.

Il vous reste 78,4% de cet article à lire. Le reste est réservé aux abonnés.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
Bouton retour en haut de la page