Jusqu’à 8 000 soldats ukrainiens seraient impliqués dans l’offensive lancée dans la région russe de Koursk

Lancée le 6 août avec des groupes paramilitaires russes affiliés à l’armée ukrainienne envoyés en éclaireurs, l’offensive menée par Kiev dans l’oblast de Koursk a pris le Kremlin de court, tandis que plusieurs attaques de drones sur des dépôts de carburant et de munitions situés dans la région auraient pu indiquer que quelque chose se tramait…

Les actions des troupes envoyées en reconnaissance pour sonder la présence militaire russe et le déploiement d’unités de guerre électronique pour neutraliser les systèmes de surveillance et d’observation russes ont contribué à préparer le terrain pour l’infanterie mécanisée ukrainienne, qui a avancé de plusieurs kilomètres dans la région de Koursk en quelques heures seulement.

Le manque de préparation des forces russes présentes dans le secteur ainsi que des erreurs aux conséquences désastreuses (avec au moins un convoi censé amener des renforts dans la zone de combat détruit) ont fait le reste.

En réalité, les services de renseignements militaires russes ont fait leur travail. Andreï Gourouliev, élu à la Douma en 2021 après avoir été commandant adjoint du district militaire du Sud, a révélé qu’un rapport sur les activités ukrainiennes à la frontière avait été soumis aux autorités militaires environ un mois avant le début de l’offensive. « Mais l’ordre d’en haut était de ne pas paniquer, et ceux d’en haut savent mieux que ça », a-t-il déploré lors d’une interview télévisée.

« On ne peut pas planifier des opérations aussi sérieuses sans en être conscient. Je ne pense pas qu’ils (à l’état-major) ignoraient la concentration des troupes ennemies », a-t-il insisté. « Si vous avez des données préliminaires sur l’ennemi, vous devez probablement penser à ce qui va se passer. Malheureusement, le groupe qui couvrait la frontière de l’État manquait de capacités de reconnaissance. Ils n’étaient équipés de tout ce qui était nécessaire qu’en dernier recours », a-t-il ajouté.

Un autre point soulevé par l’ex-général Gurouliev est le rapport de la hiérarchie militaire russe à la vérité. « La victoire nous échappe parce que nous avons un sérieux problème : les mensonges. Bien sûr, ils sont moins nombreux qu’au début de l' »opération militaire spéciale » (c’est-à-dire de la guerre en Ukraine), mais ils sont toujours là », a-t-il déclaré.

Quoi qu’il en soit, il est effectivement difficile d’imaginer que les forces russes n’aient pas vu venir cette situation. Selon l’évaluation de la situation par le général Christian Freuding, du ministère allemand de la Défense, l’Ukraine a déployé quatre brigades dans la région de Koursk. Cela équivaut à 4 000 à 6 000 soldats. En outre, 2 000 autres fournissent un soutien logistique depuis la frontière.

Par ailleurs, le général Freuding estime que l’armée ukrainienne a avancé de 30 km à l’intérieur du territoire russe et qu’elle contrôle une zone de 1 000 km2. « C’est intéressant car c’est à peu près la zone que les forces ukrainiennes ont perdue face aux troupes russes depuis le début de l’année », a-t-il déclaré, faisant référence à la situation dans le Donbass, où, effectivement, les Ukrainiens sont en difficulté.

Pour lui, l’offensive de Koursk vise justement à desserrer l’étau dans la région de Donetsk. Mais pas seulement. « L’opinion publique russe devrait être perturbée par l’importation de la guerre au cœur de la Russie », a-t-il ajouté. Un troisième objectif serait de démontrer à la population ukrainienne (mais aussi à l’Occident, ndlr) que ses forces armées sont encore capables de prendre l’initiative. Enfin, à plus long terme, les territoires conquis pourraient servir de « monnaie d’échange » à l’avenir. Du moins si des négociations de paix sont engagées avec Moscou. Or, ce n’est pas ainsi que les choses se passent pour le moment…

Par ailleurs, poursuit le général allemand, si l’état-major ukrainien a très bien préparé son coup, il doit s’attendre à un retour de bâton. « Jusqu’à présent, les tentatives russes de reprendre le contrôle des zones disputées ont été repoussées. Mais la Russie déploie actuellement des forces supplémentaires », notamment depuis la région de Kaliningrad. « Il faut s’attendre à ce que les forces russes préparent des contre-attaques. Les forces ukrainiennes sont également prêtes à riposter », résume-t-il.

L’évaluation allemande de la situation à Koursk correspond plus ou moins à celle publiée par le ministère des Armées le 19 août. « Les combats se poursuivent autour de Soudja dans l’oblast de Koursk avec peu de développement de la ligne de contact. Les forces armées ukrainiennes continuent de frapper l’arrière du dispositif russe et revendiquent la destruction des ponts sur la rivière Seym (voir photo ci-dessus), compliquant la logistique de l’ennemi », a-t-il expliqué.

Les analyses françaises et allemandes concordent sur la situation dans le Donbass. « Sur le front de l’Est, les forces russes continuent de prendre l’initiative et progressent dans les régions de Donetsk et de Louhansk, potentiellement au prix de pertes importantes », a indiqué le ministère des Armées.

Le général Freuding ne dit rien d’autre. « Les Russes parviennent à avancer chaque jour, à gagner du terrain de façon modeste mais régulière », a-t-il dit. Mais s’ils « parviennent à prendre Chassiv Yar, cela leur ouvrira en quelque sorte la porte vers l’Occident », a-t-il prévenu.