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«Juror No. 2», le thriller machiavélique de Clint Eastwood

L’AVIS « DU MONDE » – À NE PAS MANQUER

Nous le savions au moins depuis L’homme des hautes plaines (1973), son deuxième long métrage en tant que réalisateur, Clint Eastwood est par excellence l’homme qui revient. Entre les ombres du cinéma classique, d’une jeunesse disparue de toute éternité, et même de sa propre mort, constamment préfigurée. Auteur à 94 ans d’une œuvre désormais monumentale, le fantôme impavide livre avec Juré n°2, comme c’est le plus souvent le cas, un film d’excellente qualité, dont son corps est cette fois absent mais où son esprit persiste. La situation est telle aujourd’hui à Hollywood, que le moindre film de Clint Eastwood peut, par sa compréhension de la complexité exigée par la fiction, faire l’effet d’un Critique de la raison pure.

Il s’agit d’un film de procès doublé d’un thriller. Vécu, comme on dit, de l’expérience subjective de «Juré n°2»Justin Kemp, un grand et bel homme qui ressemble un peu au jeune Clint Eastwood (il est interprété par l’acteur anglais Nicholas Hoult), bon et fidèle mari d’une femme sur le point de donner à leur foyer leur premier enfant. Le fait qu’il soit désigné comme juré dans une affaire d’homicide ouvre, implicitement, à l’existence d’un autre couple à peu près du même âge, qui se révèle être son contrepoint infernal. En effet, son corps vient d’être retrouvé sans vie au bord d’une route. Quant à lui, trafiquant de drogue notoire et grosse brute (Gabriel Basso, de la série L’agent de nuit), il est soupçonné de l’avoir tuée après avoir quitté un bar où, ivres, ils se sont séparés publiquement.

Le premier, en compagnie de ses co-jurés, sera donc amené à juger de l’innocence ou de la culpabilité du second, dépassé par tout. Y compris le regard implacable d’une procureure adjointe (Toni Collette, avec toute l’arrogance nécessaire) en pleine campagne pour gravir les échelons supérieurs, d’autant plus disposée à boucler l’affaire en douceur avec ce qu’elle a sous la main. Le film s’articule vraiment, pour ne jamais le lâcher, avec les premières « visions » de Kemp. Comme Clint Eastwood, le jeune homme souffre de réminiscences. Hanté par le passé. Par son propre passé, dans ce cas.

Monde brouillé

Par petites touches, comme les visions le saisissent lors du procès, l’histoire d’un couple moins ensoleillé, moins solide qu’ils auraient pu paraître. Deux enfants à pleurer. L’épreuve de la boisson pour Kemp. Groupes d’entraide. La rechute d’un soir dans le même bar où l’autre couple se déchire. La fille qui sort du bar en courant, poursuivie par son amant. La voiture que nous prenons après eux dans la nuit et sous une pluie torrentielle pour rentrer chez nous. Le violent impact d’un corps non identifié contre le capot. Que le lecteur se rassure, nous n’avons rien trahi ici qui ne puisse l’être. Ces révélations apparaissent suffisamment tôt dans le film pour que l’hypothèse de la culpabilité de Kemp, et donc celle de l’innocence de l’homme que l’on tente de juger, circonscrive le terrain réel sur lequel se déroulera ce film.

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Cammile Bussière

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