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Julien Doré, karaoké désincarné

Julien Doré, karaoké désincarné
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Non, parfois des plaisirs coupables et des coups. Des vrais, ceux qu’on chante lors de la troisième mi-temps, lors d’une fête du personnel ou qui animent le bal du 14 (ou du 21) juillet dans les campings. « Pourvu qu’ils soient doux » (Mylène Farmer), « Les démons de minuit » (Images), « Sensualité » (Axelle Red) en version Gipsy Kings, « Paroles, mots » (le couple Dalida/Delon qui devient Sharon Stone / Julien Doré) ou encore « Sara perché ti amo » (Ricchi E Poveri) avec une étonnante Hélène Ségara… Servi par de belles orchestrations, une interprétation personnelle et surtout toutes pleines de passion, ces reprises nous replongent dans une nostalgie à laquelle on a parfois tendance à échapper tout en nous offrant une nouvelle grille de lecture.

Qu’est-ce qu’une bonne récupération pour vous ?

« Une bonne reprise est le résultat d’une bonne alchimie. À un moment donné, la chanson que vous choisissez d’interpréter doit dire suffisamment de choses sur vous pour ne pas être entendue comme une caricature de la version originale. Le monde de la musique est un monde trop souvent liée à l’ego Lorsqu’une chanson parvient à se désincarner de son interprète originel, elle devient libre, voyage, prend un autre sens et devient une force autonome.

« Sous les rayons des tropiques » est un bon exemple de désincarnation. La version originale de Gilbert Montagné fait danser tous les campings pendant que vous en faites une ballade à pleurer…

« Cette chanson, c’est une histoire de plusieurs années. Quand je la découvre, je suis ivre et je la chante en m’amusant avec mes amis. Et puis, en 2020, le jour où je sors mon album AiméeFrance Inter m’invite au studio et me demande de faire une reprise au piano. C’est à ce moment-là que je réalise que « Sous le soleil des tropiques » est avant tout un texte incroyable. Les orchestrations originales, les radios qui le diffusaient à l’époque, son auteur lui-même… Tout contribuait à mettre « Sous les soleils » dans la case du mauvais goût même s’il touche néanmoins au sublime. Lorsque je l’ai enregistré en ralentissant le rythme et en ajoutant du violon, le texte a pris tout son sens. Je me demande comment j’ai pu rater les paroles de cette chanson alors que je connais les paroles par cœur depuis toutes ces années. »

L’Imposteur qui donne son titre à l’album, c’est vous ?

« Ce mot »Imposteur« on m’a mis sur le dos, comme une étiquette, au moment de Nouvelle étoile. J’ai trouvé intéressant de se le réapproprier pour en faire le titre de l’album. J’étais certain que cela susciterait des débats autour de la question de la légitimité ou non de la reprise de chansons qui font partie du patrimoine. Et puis, de manière générale, j’ai aussi l’impression que l’imposture est présente partout. Plus on touche à l’intime, plus il s’impose injustement comme un petit poison dans un instant de bonheur. On boit un verre de vin, on regarde un coucher de soleil, on chante un truc de Gilbert Montagné, on traîne et il y a des gens qui vont te culpabiliser, te dire que ce n’est pas bien, que tu n’as pas le droit, que tu triches… »

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Ce disque est-il aussi un hommage à tous ces artistes émergents qui chantent des reprises dans des émissions télévisées comme « Star Academy » ou « The Voice » ?

« Oui, bien sûr. L’album s’appelle Imposteurmais par rapport aux télé-crochets, j’estime avoir une certaine légitimité pour partager mon expérience. C’est pourquoi je suis allé au Académie des étoiles Cette année. J’ai ressenti le même stress que tous les candidats qui tentent leur chance. Je me suis posé les mêmes questions avant d’interpréter des chansons « monument » qui me dépassaient. Moi aussi, j’avais envie de quitter le plateau quelques secondes avant de chanter devant un jury qui allait éliminer l’un de nous. Je suis aussi un des rares artistes ayant participé à des télé-rencontres qui n’a pas mis de côté cette scène. J’en parle avec fierté, avec respect et beaucoup de joie aussi. De plus, tout en écrivant mes propres chansons, je continue de reprendre celles des autres. J’aime ça. »

De votre mentor Francis Cabrel avec qui vous reprenez « A Happy Man » de William Sheller, vous dites avoir appris l’importance du silence. Une explication ?

« Mylène Farmer ouvre (avec « Pourvu qu’elles sont éclairs ») et termine en quelque sorte le disque (« Moi… Lolita », qu’elle a écrit et produit). Il y a aussi Francis Cabrel qui a été le premier artiste à qui j’ai parlé de ce projet et qui a souhaité en faire partie. Avec Christophe, qui n’est malheureusement plus là, ce sont les trois personnalités qui m’inspirent le plus. Qu’ont-ils en commun ? rester discret en toutes circonstances. Ils ont su cultiver un peu de mystère à une époque où le mystère est devenu une insulte. J’admire ça, j’essaie de faire la même chose dans cette industrie en flux continu où les artistes créent. les choses plus par peur de disparaître que par envie de les faire un jour.Il faut pouvoir monter sur scène et descendre« . Depuis que j’ai entendu cette phrase, j’ai tout compris. J’ai trouvé ma façon de fonctionner. Trois ou quatre ans entre chaque album et chaque tournée… C’est le rythme dont j’ai besoin. »

Pour la tournée, peut-on rêver d’un karaoké géant ?

« Quant à la tournée Aimée, nous préparons un spectacle fou qui durera plus de deux heures. Je chanterai mes chansons et il y aura des reprises. Un karaoké géant ? Oui, ce sera ça. J’ai la chance d’avoir cette relation avec mon public, nous avons toujours chanté ensemble. »

21/2, 22/3 et 8/11/2025, Forest National, Bruxelles.

Julien Doré, Imposteur, Sony Music


Julien Doré et Sharon Stone en studio lors de l’enregistrement d’Imposteur. Crédit Goledzinowski/Sony ©Goledzinowski/Sony

La groupie du pianiste

Sharon Stone et Julien Doré sur « Paroles Paroles », l’adaptation de Mina popularisée en 1973 par Dalida et Delon. C’est le duo le plus improbable d’Impostor. C’est aussi une belle histoire qui ressemble à un conte de fées. Tout a commencé au Festival de Cannes en 2009. Sharon est la star de la Croisette. Alors juste sorti de Nouvelle étoileJulien Doré n’est rien. Il joue du piano lors d’une soirée privée. Personne ne l’écoute. Personne ne s’en soucie. Sauf une femme assise à la table d’honneur. Sharon Stone prend goût à cette pianiste aux cheveux bouclés en tapisserie. Elle se lève, suivie par des dizaines de paparazzi, s’approche de lui, lui murmure deux mots de réconfort à l’oreille… Sharon et Julien continueront de communiquer au fil des années. Lors de l’enregistrement ImposteurJulien a l’idée d’inviter Sharon sur le disque. Il lui demande de chanter les paroles de Delon, se chargeant de répéter celles de Dalida. Sharon a dit « Oui« .

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