Stella Assange (à droite), l’épouse du fondateur de Wikileaks Julian Assange, s’exprime lors d’une conférence de presse à Canberra, le 26 juin 2024 (AFP / WILLIAM WEST)
Le fondateur et lanceur d’alerte de Wikileaks, Julian Assange, est rentré mercredi en Australie pour jouir de sa liberté retrouvée, après un accord avec la justice américaine qui a mis fin à une saga judiciaire de près de 14 ans.
L’avion privé qui le transportait a atterri mercredi soir à l’aéroport de Canberra, où étaient présents des dizaines de journalistes, a constaté une équipe de l’AFP.
Ses cheveux blancs tirés en arrière, l’Australien a levé le poing en sortant de l’avion, puis s’est avancé sur le tarmac pour embrasser sa femme Stella, la soulevant du sol, puis son père.
Lors d’une conférence de presse, Assange a expliqué plus tard que son mari avait besoin d’intimité et de temps pour se rétablir après plus de cinq ans dans une prison de haute sécurité à Londres.
« Il a besoin de temps, il a besoin de récupérer et c’est un processus », a-t-elle déclaré, au bord des larmes. « Je vous demande, s’il vous plaît, de nous donner de l’espace, de nous donner de l’intimité, de nous laisser trouver notre place, de laisser notre famille devenir une famille avant qu’il puisse parler à nouveau, au moment de son choix. »
« Julian a besoin de récupérer, c’est la priorité. Et c’est un fait que Julian défendra toujours les droits de l’homme, défendra toujours les victimes, parce que c’est comme ça qu’il est », selon Mme Assange.
L’avocate de Julian Assange, Jen Robinson, a déclaré que le fondateur de Wikileaks s’était entretenu avec le Premier ministre australien Anthony Albanese lorsque l’avion avait atterri et « avait dit au Premier ministre qu’il lui avait sauvé la vie ».
Plus tôt dans la journée, M. Assange, 52 ans, a été libéré après une brève audience devant le tribunal fédéral américain de Saipan, dans les îles Mariannes du Nord.
M. Assange n’aura pas le droit de retourner aux Etats-Unis sans autorisation, a précisé le ministère américain de la Justice.
Le fondateur de WikiLeaks, Julian, salue à son arrivée à l’aéroport de Canberra, le 26 juin 2024 (AFP/David GRAY)
Aux termes de cet accord, l’ancien informaticien, accusé d’avoir rendu publics des centaines de milliers de documents américains confidentiels dans les années 2010, a plaidé coupable d’avoir obtenu et divulgué des informations sur la défense nationale.
Le fondateur de Wikileaks, Julian Assange, arrive au tribunal fédéral de Saipan, le 26 juin 2024 (AFP/Yuichi YAMAZAKI)
« J’ai encouragé ma source », la militaire américaine Chelsea Manning, à l’origine de cette fuite massive, « à fournir des éléments qui étaient classifiés », a reconnu mercredi au bar Julian Assange, fatigué mais visiblement détendu.
La diplomatie américaine a estimé mercredi via un porte-parole qu’il avait, en diffusant ces documents, mis « en danger » les « dirigeants de l’opposition et les militants des droits de l’homme du monde entier ».
– « J’ai énormément souffert » –
Julian Assange quitte le tribunal fédéral de Saipan, le 26 juin 2024 (AFP / Yuichi YAMAZAKI)
Il a ensuite rapidement embarqué dans un avion qui a quitté les îles Mariannes, un petit territoire américain du Pacifique, à destination de Canberra.
Son père John Shipton, dans une interview accordée à la chaîne de télévision australienne ABC, a exprimé sa « joie » que son fils puisse « passer du temps de qualité avec sa femme Stella et ses deux enfants » et profiter de « toute la beauté de la vie ordinaire ».
« Je suis reconnaissante que le calvaire de mon fils touche enfin à sa fin », a répondu sa mère Christine Assange dans un communiqué.
Les partisans de Julian Assange célèbrent sa libération devant le consulat des États-Unis à Sydney, le 26 juin 2024 (AFP / Saeed KHAN)
Julian Assange « a énormément souffert dans son combat pour la liberté d’expression, la liberté de la presse », a déclaré Barry Pollack, son autre avocat. « Le travail de WikiLeaks se poursuivra et M. Assange, j’en suis convaincu, poursuivra vigoureusement son combat. »
Le Premier ministre australien, saluant un « résultat positif » souhaité par « la grande majorité des Australiens », a expliqué que des négociations secrètes menées par des intermédiaires australiens envoyés aux Etats-Unis avaient contribué à forger l’accord qui a permis la libération.
Le lanceur d’alerte a quitté lundi le Royaume-Uni, où il était emprisonné depuis cinq ans, après avoir accepté le principe d’un plaidoyer de culpabilité.
Le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange (au centre), lève le poing à son arrivée à l’aéroport de Canberra, le 26 juin 2024 (AFP / David GRAY)
Aux termes de cet accord, il n’a été poursuivi que pour le seul chef d’accusation de « complot en vue d’obtenir et de divulgation d’informations relatives à la défense nationale », pour lequel il a été condamné à une peine de 62 mois de prison, déjà couverte par ses cinq ans de prison. détention provisoire.
– Appel aux dons –
Mme Assange a lancé un appel aux dons pour payer les 520 000 dollars (485 000 euros) que son mari doit rembourser au gouvernement australien pour l’affrètement de l’avion qui l’a amené en Australie, car il n’était « pas autorisé à prendre un vol commercial ».
L’avion de Julian Assange décolle de Saipan à destination de Canberra le 26 juin 2024 (AFP / Yuichi YAMAZAKI)
Le tribunal des îles Mariannes du Nord a été choisi en raison du refus de M. Assange de se rendre sur le continent américain.
Les Nations Unies ont salué l’issue d’une affaire qui avait soulevé « toute une série de préoccupations en matière de droits de l’homme ».
Tribunal fédéral de Saipan, 26 juin 2024 (AFP / Yuichi YAMAZAKI)
La justice américaine le poursuivait pour avoir rendu public depuis 2010 plus de 700 000 documents confidentiels sur les activités militaires et diplomatiques américaines, notamment en Irak et en Afghanistan.
Parmi elles, une vidéo montrant des civils, dont un journaliste de Reuters et son chauffeur, tués par les tirs d’un hélicoptère de combat américain en Irak en juillet 2007.
Face à 18 chefs d’accusation, M. Assange aurait théoriquement pu encourir jusqu’à 175 ans de prison.
Chelsea Manning, condamnée en 2013 à 35 ans de prison par une cour martiale, a été libérée sept ans après que sa peine ait été commuée par le président Barack Obama.
Le fondateur de WikiLeaks avait été arrêté par la police britannique en avril 2019, après sept ans passés à l’ambassade d’Équateur à Londres pour éviter son extradition vers la Suède dans le cadre d’une enquête pour viol, classée sans suite la même année.
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