Jugé pour complicité de trafic de drogue, l’ex-maire de Canteleu se dit « détruit »
Elle voulait « Changer la vie des gens »elle se retrouve aujourd’hui « détruit »: jugé pour complicité de trafic de drogue, l’ancien maire socialiste de la petite ville de Canteleu (Seine-Maritime) a crié douloureusement son innocence mercredi au tribunal de Bobigny, se décrivant comme un élu dépassé par les rapports de force dans le trafic de drogue. .
Chemisier blanc à fleurs violettes sur pantalon noir, Mélanie Boulanger, qui a démissionné « pour des raisons de santé » en février du mandat de maire qu’elle occupait depuis 2014, se tient débordée à la barre du tribunal correctionnel, la voix vide, le dos courbé.
» Je suis détruit. J’ai beaucoup donné, j’ai fait des choses que j’aimais, je voulais changer la vie des gens, je voulais les améliorer. Je savais que je n’avais pas de baguette. Je n’avais que de l’énergie à donner, je l’ai donnée. »l’ancienne tête de liste socialiste en Normandie aux élections régionales de 2021 explose en larmes.
L’interrogatoire du maire constitue le point culminant du procès qui dure depuis un mois au tribunal du tribunal de Bobigny de 18 prévenus dans le cadre d’un important trafic de cocaïne, d’héroïne et de cannabis basé à Canteleu, soupçonné d’être dirigé par le redoutable clan Meziani. Un cas éclairant sur l’influence du trafic de drogue à l’échelle d’une petite ville.
Figure du socialisme normand, Mélanie Boulanger, 47 ans, nie catégoriquement avoir fait pression sur la police pour qu’elle ne s’immisce pas dans les affaires de la famille Meziani, réputée pour régner la terreur dans cette commune populaire de 14 000 habitants. résidents.
« Je voulais vous dire mon innocence, car dans cette histoire je suis innocent. Je ne suis pas seulement innocent, je suis très, très loin des autres accusés ! »s’insurge Mélanie Boulanger, qui a ostensiblement manifesté son dégoût en s’asseyant aux côtés des trafiquants de drogue présumés à l’ouverture du procès.
« En tenailles »
Ayant traversé plusieurs communes de la région rouennaise au cours de son ascension politique, cette fille d’élu, née dans la politique normande, s’est installée à Canteleu à partir de 2007. Dans cette commune, l’une des plus pauvres de Normandie, elle est progressivement frappée par la présence visible du trafic de drogue.
« J’ai travaillé dans une ville qui était un quartier difficile, Val-de-Reuil. Je voyais bien que ce qui se passait à Canteleu était bien plus grave.»» dit Mélanie Boulanger, blond au carré et petites lunettes rondes. « Le trafic de drogue a toujours été au cœur des sujets abordés à Canteleu ».
Depuis 2015, « J’ai l’impression que quelque chose a changé et prend beaucoup d’ampleur ». En ville, la tension avec les trafiquants monte.
En 2017, l’aîné de la famille Meziani s’est présenté dans son bureau à sa sortie de prison pour réclamer l’attribution de logements sociaux. Devant le refus du maire, il la menace en lui disant qu’il sait où elle habite et quelle école fréquente sa fille. Par crainte de représailles, l’édile n’a pas porté plainte.
« Il faut quand même vivre avec ce poids. Je me suis dit + je n’ai pas besoin de le dire à mon mari, parce que si je le lui dis, il enverra ma lettre de démission à ma place. Et je ne voulais pas démissionner »déclare Mélanie Boulanger, à bout de nerfs, parfois tremblante à la barre.
Entre les récriminations des trafiquants de drogue soulevées par l’un de ses adjoints d’un côté et le refus de protection de la préfecture de l’autre, la maire se retrouve « dans les pinces ».
En témoignent les difficultés de maintien de l’ordre dans certains quartiers de Canteleu : il ne faut pas plus de quelques heures pour qu’une nouvelle caméra de vidéosurveillance, installée un après-midi dans une ville hébergeant un point de deal, se retrouve détruite.
« J’ai peur mais je m’en fiche »dit Mélanie Boulanger à ses juges. « Ils peuvent me tuer en sortant, à condition qu’ils ne s’en prennent pas à ma fille. Je n’ai rien à perdre, j’ai été si sale ! »