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Jordan Bardella peut-il refuser d’être nommé Premier ministre en cas de majorité relative ?

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Le président du RN et député européen Jordan Bardella au parc des expositions Paris Nord Villepinte, à Villepinte (Seine-Saint-Denis), le 19 juin 2024. (JULIEN DE ROSA / AFP)

Le leader du RN a le droit de renoncer à Matignon, quelles que soient ses raisons. Le choix du Premier ministre s’annonce en tout cas complexe pour l’Elysée après les élections.

Après avoir tergiversé sur plusieurs mesures emblématiques de son parti pour la campagne des législatives, Jordan Bardella pose les conditions de son entrée à Matignon : « Si demain je peux être nommé à Matignon et que je n’ai pas la majorité absolue (…) eh bien, je refuserai d’être nommé »a-t-il déclaré mardi 18 juin sur France 2. « Je ne vais pas vendre les mesures ou actions françaises que je ne pourrai pas mener, je leur dis la vérité. »a justifié le chef du Rassemblement national, mardi matin, sur CNews.

Un message avant tout adressé aux électeurs RN : « Il faut se donner cette majorité absolue, sinon on se retrouve bloqués » a plaidé Sébastien Chenu, vice-président du parti, sur franceinfo. « Il y a de moins en moins de programme et de plus en plus de conditions. Cela commence à ressembler à un refus des obstacles”a ironisé Gabriel Attal, également sur franceinfo.

En cas de victoire du RN aux législatives, le choix du Premier ministre ça a l’air complexe. Pour disposer de la majorité absolue, le parti d’extrême droite doit obtenir 289 sièges à l’Assemblée nationale. Jordan Bardella peut-il renoncer à ce poste s’il n’atteint pas ce seuil ? Franceinfo a interrogé plusieurs professeurs de droit public.

Avec cette déclaration, le RN fait passer le message « qu’il sera empêché de gouverner » en cas de majorité relative, estime Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public à l’université de Poitiers. « Il lui faudra composer avec l’Assemblée, renoncer à ses réformes les plus clivantes. Emmanuel Macron aura réussi son pari, à savoir montrer aux électeurs que le RN n’apporte rien de particulier, aucune rupture. Le RN ne veut pas être confronté à cette situation. Il veut avoir tous les contrôles pour agir, ou rien.analyse le chercheur.

En effet, le Président de la République peut nommer qui il veut comme Premier Ministre, en ce qui concerne article 8 de la Constitution, mais la coutume veut que le nouveau chef du gouvernement soit une figure du parti majoritaire suite aux élections législatives. Si le RN obtient une majorité à l’Assemblée nationale, qu’elle soit relative ou absolue, Jordan Bardella, président du parti, fait partie des choix qui s’offrent au chef de l’Etat.

Et si Jordan Bardella refusait de rejoindre Matignon, comme il l’a annoncé ? « D’un strict point de vue juridique, la Constitution n’exige pas que la personne nommée Premier ministre accepte le poste »confirme Bertrand-Léo Combrade.

« La réponse est très claire, Jordan Bardella peut refuser d’être Premier ministre. »

Bertrand-Léo Combrade

professeur de droit public

Ce ne serait pas une première, sous la Ve République : en mai 2022, la députée socialiste Valérie Rabault avait affirmé avoir refusé de réussir à Jean Castex. Cependant, refuser pour la raison invoquée par Jordan Bardella serait « inédit »selon Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste et maître de conférences en droit public à l’université de Rouen : «C’est une forme de pression sur ses électeurs pour obtenir le plus de voix – un peu comme De Gaulle l’a fait avec ses menaces de démission« elle analyse.

Et même si la leader RN acceptait Matignon à la majorité relative, il ne tiendrait pas longtemps, constate Bertrand-Léo Combrade : « Il ferait son déclaration de politique générale et l’Assemblée nationale le renverserait immédiatement (par une motion de censure) avec les voix des macronistes (camp présidentiel) et le Nouveau Front Populaire (coalition de gauche). Même s’ils se détestent, ils sont probablement d’accord sur le fait que Jordan Bardella ne devrait pas être Premier ministre. »

Alors, quels sont les scénarios possibles si Jordan Bardella refuse d’être nommé Premier ministre, et donc de gouverner ? « En cas de majorité très relative »c’est-à-dire que si aucune des principales forces politiques présentes à l’Assemblée nationale ne se démarque par son nombre de sièges, il faudra s’orienter vers un choix « plus consensuel » que celui de Jordan Bardella, estime Anne-Charlène Bezzina. Emmanuel Macron va « devoir nommer un autre Premier ministre qui aura la confiance d’un autre parti à l’Assemblée nationale, ou plutôt celle d’une coalition de partis »de son côté anticipe Bertrand-Léo Combrade.

Trois combinaisons sont possibles : ce pourrait être un Premier ministre ayant la confiance » du RN et du Nouveau Front Populaire » (PFN), « du RN et des macronistes »Ou « Les macronistes et le NFP », l’option la plus probable selon le chercheur. Si aucun accord n’est trouvé sur la proposition d’un chef de gouvernement, le Conseil d’État prévoit « l’envoi d’actualités » : en attendant la nomination d’un nouveau gouvernement, les équipes ministérielles actuelles poursuivent leurs missions quotidiennes. « Le gouvernement (en place avant les élections) devra continuer à appliquer les réformes adoptées mais ne pourra plus en adopter de nouvelles. Au bout d’un an, le président devra dissoudre l’Assemblée nationale »explique Léo-Bertrand Combrade.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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