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Jordan Bardella a-t-il « voté contre la PAC », comme le prétend Gabriel Attal ? – Libération

Face au président du Rassemblement national lors du débat diffusé sur France 2, le Premier ministre lui a reproché de s’être opposé à la politique agricole commune, plus précisément en votant « contre le budget de la PAC ».

Lors du débat entre Gabriel Attal et Jordan Bardella, jeudi 23 mai, sur France 2, le Premier ministre a reproché à son concurrent d’avoir « voté contre la PAC ». Alors que le président du Rassemblement national persistait à rétorquer qu’il avait bel et bien « voté en faveur de la PAC ». Alors, lequel a raison, lequel a tort ? Tout dépend en fait de quel texte on parle : de la réforme de la politique agricole commune adoptée en 2021, ou des textes budgétaires qui permettent son financement.

Pour mieux comprendre leur désaccord, il faut écouter longuement l’échange entre les deux adversaires politiques au sujet de la politique européenne de soutien à l’agriculture. « Nous parlons de l’Europe, nous parlons des agriculteurs. A aucun moment vous ne parlez de la PAC, qui permet à nos agriculteurs de vivre. C’est entre 20 000 et 40 000 euros en moyenne par exploitation. Je comprends, vous avez voté contre la PAC”commence par lancer Gabriel Attal. « Pas du tout, j’ai voté pour »» coupe Jordan Bardella. « Ah non, vous avez voté contre le budget en 2019. Vous avez voté contre le budget de la PAC », répond le Premier ministre. Et le patron du RN conclut : « Oui, enfin, le budget est ce qui distingue la majorité de l’opposition dans un Parlement, et vous le savez très bien. J’ai voté pour la PAC parce qu’elle a légalisé les aides d’État sous notre influence.»

L’attaque lancée par le chef du gouvernement n’est pas nouvelle. Le 7 mars sur RMC, Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Agriculture, a lancé : « Je voudrais vous rappeler que M. Bardella a voté pour la politique agricole commune et contre le budget de la politique agricole commune. » Dans un visuel diffusé sur X (anciennement Twitter) Par le compte rendu officiel de campagne de la liste de la majorité présidentielle aux élections européennes, en marge du débat de jeudi soir, on peut encore lire : « Jordan Bardella et le RN ont certes voté pour la nouvelle politique agricole commune mais… pas son financement. Ils privent ainsi nos agriculteurs de dix milliards d’euros par an.»

Situation de redressement

En face, dans les rangs du RN, on crie « fausses nouvelles ». « Gabriel Attal ment comme un arracheur de dents », tacler Julie Apricenasecrétaire générale du groupe RN au conseil régional Centre-Val de Loire. « Jordan Bardella et les députés RN ont voté pour la prise en compte des nouvelles règles de la PAC », corrige le député Thomas Ménage, porte-parole du groupe RN à l’Assemblée. Dans leurs tweets, tous deux s’appuient sur une infographie du média Reporterre, parue – ironiquement – ​​dans un article critique des positions de la droite et de l’extrême droite sur la politique agricole commune. « Cette journée d’automne 2021, (…) les députés du Rassemblement National, des Républicains et de Renaissance ont tous exprimé leur accord » à l’adoption de la nouvelle PAC, écrit le média dédié à l’écologie.

Reporterre fait ainsi référence à un vote qui a eu lieu le 23 novembre 2021, entérinant les nouveaux termes de la PAC. Ce jour-là, deux règlements ont notamment été adoptés, le premier «relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune»la deuxième « établissant les règles régissant les aides aux plans stratégiques à établir par les États membres dans le cadre de la politique agricole commune ». Que ce soit pour l’un ou l’autre de ces textes, Jordan Bardella s’est montré favorable à leur adoption. Depuis, la nouvelle PAC est entrée en vigueur le 1er janvier 2023 et couvre la période de programmation allant jusqu’en 2027.

A la faveur de la crise agricole survenue cet hiver, Jordan Bardella a dû justifier ce retournement de situation, après avoir indiqué vouloir voter contre la réforme de la politique agricole commune en 2019. « Bien sûr, j’ai voté pour la PAC. La politique agricole commune d’il y a cinq ans n’est pas celle qui a été votée il y a quelques mois et qui légalise le principe des aides directes des Etats »avait-il argumenté sur BFMTV en janvier. « Je ne suis pas contre la PAC, je dis qu’aujourd’hui on donne trop d’argent à la PAC. La PAC représente un tiers du budget de l’Union européenne. Je souhaite qu’on baisse cette contribution pour pouvoir se concentrer directement sur l’économie réelle et l’économie française.a ensuite qualifié la tête de liste RN aux élections européennes.

Plan stratégique national

«Le principe des aides directes des Etats» n’a jamais été illégale, contrairement à ce que suggère Jordan Bardella : si la PAC remplace les budgets nationaux de soutien à l’agriculture, rien n’empêche les États de verser des aides supplémentaires lorsqu’ils l’estiment nécessaire. En revanche, ce qui change fondamentalement dans cette nouvelle version de la PAC, c’est la marge de manœuvre laissée aux pays membres afin de s’adapter aux spécificités de leurs territoires et aux types d’agriculture pratiqués. Pour la première fois, chacun de ces États était tenu de soumettre à la Commission européenne un document intitulé « plan stratégique national ». Concernant la définition des exploitations et des superficies éligibles aux aides de la PAC, les exigences fixées par l’UE sont désormais moins détaillées, explique le site du Parlement européen, « ce qui laisse aux États membres la latitude de préciser davantage les règles au niveau national afin de les ajuster à leurs besoins et de mieux cibler les aides ». Une avancée saluée par le camp de Jordan Bardella : la nouvelle CAP « a le mérite de permettre aux États de définir leurs priorités à travers des plans stratégiques nationaux »a récemment estimé l’eurodéputé RN Gilles Lebreton au journal le monde.

Dans le même article, on découvre que ce n’est pas la seule évolution du positionnement de Jordan Bardella entre 2019 et 2021 : » alors qu’il affirmait en 2019 vouloir réduire les inégalités de traitement entre « grands » et « petits » agriculteurs, le président du RN a voté un amendement qui rend facultative « les aides redistributives complémentaires aux revenus ». La tête de liste RN a également rejeté toutes les propositions qui réduisaient le montant maximum des aides perçues par les plus gros agriculteurs ou accentuaient la dégressivité des aides..

Rejet des textes budgétaires

En revanche, là où le patron du RN n’a pas varié, c’est dans son rejet systématique des textes budgétaires votés au Parlement européen, lui qui prône une réduction de la contribution française aux politiques européennes. Cependant, environ un tiers du budget total de l’UE est consacré à la PAC, à travers les crédits alloués au Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et au Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER). Ainsi, Jordan Bardella a voté contre les budgets généraux de l’exercice 2023 et de l’exercice 2024, qui contribuaient – ​​entre autres postes de dépenses – au financement de la PAC dans sa nouvelle version, que l’eurodéputé français a néanmoins validé par son vote. Auparavant, il s’était également opposé au règlement du Conseil européen établissant le cadre financier pluriannuel pour la période 2021 à 2027, adopté en décembre 2020 par le Parlement européen, et qui budgétise près de 380 milliards d’euros pour les bénéficiaires de la PAC sur cette période. Chaque année, la France est l’État membre qui bénéficie le plus de cette politique. Les agriculteurs français ont par exemple reçu 9,5 milliards d’euros d’aides en 2022, selon les derniers chiffres officiels disponibles.

Contactés afin d’expliquer l’élément de langage utilisé par le Premier ministre, les cabinets de Gabriel Attal, Agnès Pannier-Runacher, ainsi que Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, n’ont pas encore répondu. Egalement sollicité pour préciser la réponse du président du RN, l’attaché de presse de Jordan Bardella n’a pas répondu.

Cammile Bussière

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