ENTRETIEN – La basketteuse française Laëtitia Guapo, qui n’a en tête que l’or aux JO 2024, revient sur le travail fructueux de ce groupe de 8 joueurs dédiés au 3×3, lancé par la Fédération.
C’est sur la place de la Concorde, avec vue sur la Tour Eiffel, que le basket 3×3 prendra ses quartiers cet été, comme le BMX Freestyle, le break et le skateboard. Aux JO de Paris 2024, l’équipe de France féminine représentera une belle chance de médaille. Trois ans après une 4e place à Tokyo, les Bleues, championnes du monde en 2022 et vice-champions en 2023, visent ouvertement l’or, dans le sillage de leur leader Laëtitia Guapo, ex-N.1 mondiale au classement FIBA. .
L’arrière de Bourges (28 ans, 1,82 m) a mis sa carrière à 5×5″entre parenthèses » pendant un an. L’été dernier, elle a rejoint, avec 7 autres joueuses, un groupe de préparation olympique lancé par la Fédération française de basket (FFBB) pour se consacrer au 3×3. Elle en voit aujourd’hui les résultats, après avoir gagné, avec Marie-Ève. Paget, Anna Ngo Ndjock et Malou De Kerget, le circuit pro international qu’est la Pro League 3×3 à Toulouse le 1er avril.
LE FIGARO – Cette saison, vous avez intégré un groupe de préparation olympique au 3×3. Comment s’est passée la transition ?
C’est la Fédération qui a décidé de professionnaliser une équipe pour préparer au mieux les JO. C’est vrai qu’en 2021 pour Tokyo, on n’a pas pu préparer les Jeux de manière optimale car on était en 5×5 pendant la saison. Là, je pense qu’ils ont voulu mettre toutes les chances de leur côté, sachant que c’est aussi à Paris. Ils ont décidé de créer cette équipe professionnelle en retirant certaines filles de leurs clubs. Là, on peut vraiment devenir des experts de la discipline.
Comment avez-vous réagi à cette initiative de la Fédération ?
Ayant vécu Tokyo, j’avais envie de prendre ma revanche et je n’ai aucun regret. Pour moi, accepter ce contrat fédéral était un choix assez logique. Je n’y ai pas réfléchi très longtemps, j’ai sauté dans la brèche et j’étais tellement heureux de faire partie de ce projet. Je veux aller chercher la plus belle médaille de Paris. Revenir bredouille de Tokyo avec une médaille en chocolat était assez difficile à accepter. Marie-Ève (Paget) je l’ai vécu avec moi. Nous sommes plus déterminés que jamais à prendre notre revanche.
Comment ça s’est passé avec le club de Bourges ?
Je suis toujours sous contrat avec Bourges. J’avais re-signé jusqu’en 2026 donc c’est comme si la première année de ce nouveau contrat avait été mise entre parenthèses. Je sais où je serai l’année prochaine. Cela m’aide certainement à m’investir pleinement dans ce projet 3×3 car au moins mon esprit n’est pas ailleurs, à penser à mon avenir. Je suis assez calme à cet égard. C’était difficile de les lâcher, mais ils connaissent mon amour pour le 3×3 et ils ne m’en veulent pas trop. J’ai toujours ma maison là-bas, je m’y entraîne quand je suis en repos la semaine.
Nous vivons de nos valises, mais j’ai toujours mon port d’attache et mon point de chute à Bourges. C’est très confortable.
Laëtitia Guapo
Avez-vous dû déménager pour accepter de rejoindre ce groupe de préparation ?
Non, nous vivons chacun là où nous avons déjà vécu. Lorsque nous sommes en congé, nous nous entraînons où nous voulons. C’est cool parce que je peux bénéficier du CREPS (Centre de Ressources en Expertise et Performance Sportive) de Bourges et autres infrastructures pour réaliser ma préparation. Nous vivons de nos valises, mais j’ai toujours mon port d’attache et mon point de chute à Bourges. Cela aussi est très confortable.
En dehors des semaines où vous faites des tournois partout en France et dans le monde, comment gérez-vous les entraînements ? Avez-vous encore des séances en groupe ?
Nous nous entraînons vraiment beaucoup ensemble. Après Noël, je ne suis pas revenu à Bourges pendant 3 mois. Nous sommes passés par Voiron, Vichy, Lille, la Mongolie, Toulouse… Parmi cela, nous avons eu quelques jours où nous étions en sortie de chez nous. Mais le but est qu’on s’entraîne le plus possible ensemble pour devenir automatique. Généralement, lors d’une journée de travail, il s’agira d’un entraînement physique, cardio ou musculaire le matin, et davantage de travail de groupe le soir. Nous sommes ensemble 24 heures sur 24 et c’est comme si vous étiez tout le temps avec vos collègues de travail. Vous dormez, vous mangez et ensuite vous vous entraînez avec eux. Ça fait quand même du bien de vivre ces journées, on est heureux de se quitter mais aussi de se retrouver après, c’est vraiment le bon équilibre. Et honnêtement, la décharge n’est vraiment pas de tout repos. Nous en profitons pour travailler sur d’autres compétences.
Vous êtes en couple avec Franck Seguela. Comment gérez-vous tous les deux cette préparation ?
Il a exactement les mêmes horaires mais pas forcément aux mêmes endroits. Cependant, nous avons le même objectif. Nous nous entraînons parfois ensemble. C’est très motivant de pouvoir partager ça, on se pousse et se challenge tout le temps car nous sommes extrêmement compétitifs. Mais on ne parle pas que de ça non plus, nous avons d’autres projets, notamment notre camp de basket, nous construisons notre maison… Il y a pas mal de choses qui nous sortent de cette routine de stages avec nos équipes respectives. Cela permet de se déconnecter un peu. Ça ne fait pas mal. Mais on ne s’inquiète pas trop quand on ne se voit pas, quand on part à l’autre bout du monde… On ne se demande pas si on se manque ou pas. Nous savons que c’est l’année ou jamais, nous sommes tous les deux super déterminés et nous nous poussons aussi fort que possible.
Le 3×3 est vraiment la discipline qui me transcende, je ne me retrouve jamais dans les mêmes états que dans ces matchs.
Laëtitia Guapo
Il y a 8 joueurs dans ce groupe de préparation. Il n’y aura que 4 places aux Jeux. Comment gérer cela ? Participez-vous à chaque compétition, travaillez-vous toutes les combinaisons possibles ?
Oui, à l’entraînement on essaie de jouer avec tout le monde, on varie les associations. Les entraîneurs essaient de voir tout le monde avec tout le monde, de voir quels joueurs travaillent bien ensemble et ainsi de voir les points forts et faibles de chaque équipe potentielle.
Vous concouriez déjà en 3×3 depuis plusieurs années. Qu’est-ce qui a changé dans votre préparation maintenant que vous vous consacrez à la discipline ?
Pour mémoire, à Lille (lors de la 1ère étape de la Pro League en février, ndlr) nous étions en semaine avec l’équipe de France, donc il y avait des filles 5×5 qui étaient là aussi. Et là, quand ils jouaient avec nous, on a vu qu’on était vraiment spécialisées dans le 3×3, qu’on avait moins de difficulté que les filles du 5×5 dans les efforts de 12 secondes et les matchs de 10 minutes. Dans ce tournoi, dans mon équipe, il y avait Camille Droguet (joueur tarbais en LFB, ndlr). Les deux autres et moi ne faisions que du 3×3. Camille nous disait tout le temps qu’elle se sentait un peu perdue, elle avait l’impression qu’on la portait, elle était morte à chaque fois et elle ne comprenait pas comment on faisait pour rester en forme. Nous y avons vu que tout le travail réalisé spécifiquement pour cette discipline a payé.
Je n’ai pas forcément eu de problème cardio, mais je pense avoir encore progressé. Pas dans le sens où je peux faire un marathon, mais dans l’effort et l’intensité que demande le 3×3. Cela nous montre qu’on n’a pas quitté le 5×5 pour rien. J’ai vraiment mis toutes les chances de mon côté et ça paye, ça porte ses fruits.
Comment voyez-vous la suite de votre carrière après les Jeux ?
(Elle pense) Franchement, j’avoue que je ne me suis pas du tout posé la question. Pour le moment, je me concentre uniquement sur les Jeux olympiques. Je suis évidemment rassuré de savoir que je reviendrai à Bourges, dans un club que je connais, j’ai déjà ma maison donc pas besoin de déménager etc. Ça m’enlève des choses qui pourraient parasiter mon esprit. Après pour les équipes de France, à voir ce que décideront les entraîneurs et la fédération. Peut-être qu’ils voudront renouer avec des jeunes joueurs, je ne sais pas trop. L’objectif, ce sont les Jeux, et je me poserai toutes ces questions après. Cela dépendra aussi si nous gagnerons une médaille, si je serai inclus dans l’équipe, si j’aurai atteint mes objectifs…
Concernant l’équipe de France, avez-vous déjà eu des contacts avec le staff du 5×5 ?
Oui, souvent, mais je leur ai dit que mon objectif était de participer aux Jeux en 3×3. C’est mon choix et c’est vraiment la discipline qui me transcende, je ne me retrouve jamais dans les mêmes états que dans ces matches-là. C’est vraiment ce que j’aime. Mon rêve était de devenir pro du 3×3, il s’est réalisé cette année. Après mon rêve sera peut-être de redevenir professionnel, dans un projet pas forcément olympique avec une équipe professionnelle comme peuvent en avoir les garçons. Mais oui, pour le moment, j’ai vraiment choisi le 3×3.