Après la victoire de la France face à l’Irlande en match de classement mardi, David Courteix est revenu sur le choc de l’élimination de la veille en quarts de finale et a confirmé qu’il ne poursuivrait pas l’aventure à la tête des Bleues. Le sélectionneur avait mené l’équipe jusqu’à la médaille d’argent à Tokyo mais avait terminé sur une mauvaise note lors de ces JO à domicile.
Qu’avez-vous dit à vos joueurs après l’élimination ?
Que peut-être le monde entier les pousserait à relativiser, parce queIl faut toujours remettre les choses dans leur contextemais que je sentais que ce moment viendrait plus tard… J’ai partagé mes propres ressentis. Cela m’a touché de les voir comme ça, c’est éprouvant pour nous tous. Nous avons aussi basculé sur tout ce qui, dans ces moments-là, pouvait pousser les gens, sous l’effet de la colère, de la tristesse, de la frustration, à nourrir du ressentiment envers le destin, l’environnement, eux-mêmes, le microcosme dans lequel nous vivons. Je n’aime pas le terme de belle personne mais ce sont des gens avec qui j’ai pris tellement de plaisir à travailler et que j’apprécie tellement au quotidien que je voulais qu’on évite de s’y attarder, de viser qui que ce soit.
Et puis il fallait retourner au stade aujourd’hui…
Oui, il a fallu basculer vers le simple fait de jouer au rugby, en se rappelant pourquoi on était là. C’est notre responsabilité envers nous-mêmes d’abord, envers tout ce qu’on a accompli ensemble, envers nos familles, envers la Fédération, envers l’équipe de France olympique. Je dois avouer que je suis assez fier de ce qu’ils viennent de faire. Au niveau du rugby, tout le monde sera d’accord pour dire qu’on peut faire beaucoup mieux. Il n’en reste pas moins que c’est un sport qui demande beaucoup de cœur, beaucoup d’engagement, et quand on a le cœur piétiné, la tête mâchouillée, c’est difficile de s’y remettre. Je pense qu’une partie de l’équipe est arrivée en pleurs, l’autre partie est arrivée comme ça… En plus, l’Irlande est une équipe ennuyeuse à affronter. Dans ce contexte, il faut faire face, regarder le destin et relever la tête. Même si c’est incomparable, le processus s’apparente à celui du deuil.
Le sélectionneur des Bleues a répondu aux questions qui se sont posées après la défaite de ses joueuses en quarts de finale des Jeux olympiques contre le Canada : le scénario, la tactique, les dispositions mentales et ses choix d’entraîneur.
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— RUGBYRAMA (@RugbyramaFR) 30 juillet 2024
Donc il n’y avait pas de colère…
Les gens qui suivent un peu le rugby savent comment je suis. Je m’énerve quand on ne donne pas tout ce qu’on a, quand on n’a pas fait le strict minimum dans le rugby. Très franchement, hier, je n’ai rien à dire sur l’engagement, sur l’envie. J’ai presque envie de dire qu’on est mort avec nos idées. Après, pour reprendre l’expression de Claude Fauquet, au haut niveau, celle qui gagne, c’est celle qui gagne la compétition des opportunités, la compétition des circonstances. Voilà, je pense que c’est la meilleure équipe que j’ai jamais entraînée, avec tout le respect que j’ai pour toutes les autres… Peut-être que les vertus de cet échec seront le déclic qui nous fera gagner la prochaine Coupe du monde à XV ou les prochains JO de foot à 7 étant donné qu’il faudrait qu’une bande de filles continue.
Où en êtes-vous dans votre réflexion sur votre avenir personnel ?
Je ne me pose pas la question de mon avenir car je le sais. C’était fait. Je suis ravie des quinze années que j’ai passées à la tête de cette sélection. J’ai plein de souvenirs, des bons dans l’ensemble, des mauvais aussi, qui ont été enrichissants. Billie Jean King disait que la pression est un privilège. Je partage son avis. On ne va pas s’en plaindre mais, d’un autre côté, pour un être humain normalement constitué, c’est un vrai défi. Cela restera une belle aventure humaine. Je suis plutôt contente à la fin même si je suis déçue, énormément déçue pour les filles, pour le staff, par rapport à tous les investissements. Je trouve ça très injuste mais je pense que la vie est injuste. Elles méritaient mieux mais le haut niveau n’est pas qu’une question de mérite. Ce n’est pas encore l’heure du bilan mais je veux aussi dire que je suis super contente pour le rugby français avec l’or masculin. Je suis contente pour le rugby français, pour l’équipe, les garçons, leur staff. Je suis contente aussi pour le rugby à 7, car malgré tout, ces Jeux Olympiques ont été une vitrine exceptionnelle. La discipline a montré, je crois, sa meilleure image.