Jérusalem : Cinq minutes pour comprendre le tollé suscité après la prière d’un ministre israélien sur l’Esplanade des Mosquées
La communauté internationale y voit une « provocation ». Mardi, le ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, un colon d’extrême droite, a prié avec quelque 3 000 fidèles venus sur le site très sensible de l’esplanade des Mosquées à Jérusalem-Est à l’occasion d’une fête juive. L’Autorité palestinienne dit craindre une « judaïsation » du lieu. Le point sur la situation.
Qu’est-ce que l’Esplanade des Mosquées ?
Appelée Mont du Temple par les Juifs, l’Esplanade des Mosquées est le lieu le plus saint du judaïsme et le troisième lieu saint de l’islam, après La Mecque et Médine. Elle a été construite sur les ruines du Temple de Salomon, détruit par les Romains en 70 après J.-C.
L’Esplanade des Mosquées est située dans la partie est de Jérusalem, occupée par Israël depuis la guerre des Six Jours en 1967. Malgré le contrôle de l’État hébreu sur cette partie de la ville, le site est géré par le Waqf, une fondation islamique financée et dirigée par la Jordanie.
Après la guerre des Six Jours, Israël a accepté en 1967 un statu quo selon lequel les non-musulmans, y compris les juifs, n’étaient autorisés à accéder au site qu’à certaines heures et n’étaient pas autorisés à prier ou à porter des symboles religieux. Les musulmans, en revanche, pouvaient s’y rendre à toute heure du jour ou de la nuit et prier.
Pourquoi les fidèles juifs priaient-ils à cet endroit ?
Mardi matin, durant les quelques heures où l’esplanade était ouverte aux non-musulmans, « environ 2.250 juifs ont prié, dansé et hissé le drapeau israélien » sur le site, a rapporté un responsable du Waqf. Durant le deuxième créneau réservé aux non-musulmans dans l’après-midi, « plus de 700 juifs y ont prié », selon la même source, qui s’exprime sous couvert d’anonymat.
Le ministre Ben Gvir a justifié la prière organisée sur l’esplanade des Mosquées par la fête de Tisha Beav, commémoration juive de la destruction des deux Temples. Itamar Ben Gvir s’est filmé sur place, appelant notamment à « battre » le Hamas plutôt que de négocier avec le mouvement islamiste palestinien.
« Il n’y a aucune politique privée d’un ministre quelconque sur le Mont du Temple – ni du ministre de la Sécurité nationale, ni d’aucun autre ministre », a réagi le bureau du Premier ministre Benjamin Netanyahu. « L’événement de ce matin sur le Mont du Temple est une exception au statu quo ».
La réglementation pourrait-elle changer ?
La prière de ce mardi n’est pas la première remise en cause du statu quo de 1967. Depuis plusieurs années, des personnalités proches de l’extrême droite israélienne réclament le droit de visiter le site à leur guise et d’y prier. Le ministre Itamar Ben Gvir réclame également un changement de la réglementation relative à l’Esplanade des Mosquées.
Mardi, le ministre palestinien des Affaires étrangères a mis en garde contre le risque que ces « incursions illégales » visent à « préparer l’imposition d’un contrôle israélien total et une judaïsation » des lieux « en violation du droit international ».
M. Aman a également condamné la « prise d’assaut » de la mosquée Al-Aqsa par le ministre d’extrême droite et des députés israéliens « sous la protection de la police d’occupation israélienne ». Il a également dénoncé « les mesures israéliennes unilatérales et les violations continues du statu quo historique et juridique à Jérusalem et ses lieux saints ». Le responsable du Waqf a déclaré que « la police israélienne n’a autorisé que quelques fidèles musulmans à entrer, imposant des restrictions à l’entrée d’al-Aqsa » mardi.
Quelles sont les réactions internationales ?
Au-delà du Moyen-Orient, l’événement a suscité un véritable tollé sur la scène internationale. Dans un communiqué du porte-parole de son ministère des Affaires étrangères, Paris « appelle le gouvernement israélien à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le respect du statu quo historique sur les Lieux saints de Jérusalem ».
Les Etats-Unis ont qualifié d' »inacceptable » l’intervention du ministre israélien, inculpé plus de 50 fois dans sa jeunesse pour incitation à la violence ou discours de haine et condamné en 2007 pour soutien à un groupe terroriste et incitation au racisme. « Non seulement c’est inacceptable, mais cela détourne l’attention de ce que nous considérons comme un moment crucial dans nos efforts pour parvenir à un accord de cessez-le-feu » à Gaza, a déclaré le porte-parole du département d’Etat Vedant Patel aux journalistes.
Le chef de la diplomatie de l’Union européenne a dénoncé des « provocations », tandis que la Jordanie a condamné « la prise d’assaut » de l’esplanade par le ministre d’extrême droite et des députés israéliens « sous la protection de la police d’occupation israélienne ».
L’ONU a également déploré une « provocation inutile ». « Nous sommes contre toute tentative de changer le statu quo lié aux lieux saints (…) », a également réaffirmé l’ONU.