Deux ans après son élection comme député du Nupes, le socialiste Jérôme Guedj, ancien proche de Jean-Luc Mélenchon devenu un farouche opposant à la ligne de la direction insoumise, repart cette fois sans l’étiquette du Nouveau Front populaire, et face à son ancien remplaçant qui lui reproche ce choix.
« Le problème à la campagne, c’est que la première cigarette arrive de plus en plus tôt »soupire le candidat avant de le jeter, lui qui reconnaît que « ce n’est pas la meilleure chose ». Dès 7h30, il plante une affiche de campagne montée sur un stand à l’entrée de la gare de Massy-Verrières.
Dans le long cortège de passagers marchant, bâillant ou courant pour prendre un train pour Paris, certains adressent un mot d’encouragement, ou promettent d’aller voter le 30 juin. Certains reconnaissent immédiatement l’homme de 52 ans, affirmant « salut Jérôme ». Pas tout. « Est-ce le Rassemblement national ? »demande une femme à son amie.
« Je compte sur vous, contre l’extrême droite », répète néanmoins inlassablement le candidat. Car les banlieues sud ne sont pas épargnées par la poussée du RN.
« J’en ai généralement marre, ma fille ne se sent plus en sécurité »gronde Florence, qui assume son vote RN. « En fait, cela ne changera rien mais nous ne l’avons pas essayé ».
Parti socialiste, écologistes, PCF, Place publique, Parti radical de gauche… Le tract de Jérôme Guedj, qui recevra dimanche la tête de liste européenne de Raphaël Glucksmann dans sa circonscription, ne mentionne ni La France insoumise, ni la Nouvelle Front populaire.
«Je voulais qu’on envoie un signal fort à la direction de La France insoumise»assume l’ex-député, accusant LFI de « brutalisation du débat public ».
« La priorité c’est de battre le Rassemblement National mais cela doit se faire en ayant une ligne claire pour pouvoir incarner la gauche, se rassembler, ne pas être rabougrie »il anticipe entre deux étals d’un marché à Chilly-Mazarin, non loin de Massy, répétant qu’il va s’asseoir « dans un groupe socialiste » en cas d’élection.
« Comment fait-on » ?
Jérôme Guedj et Jean-Luc Mélenchon étaient proches au PS. Le premier a été assistant parlementaire du second lorsqu’il était sénateur de l’Essonne. Mais la relation, mise en suspens lorsque le leader rebelle est parti fonder le Parti de gauche en 2008, s’est rompue après les attentats du Hamas le 7 octobre en Israël.
Clin d’œil à l’histoire, son bureau de Massy est situé à « 20 mètres » de l’ancien QG partagé avec Jean-Luc Mélenchon. Jérôme Guedj sourit même en repensant aux journées de travail après les conseils nationaux du PS pour « imprimer un journal » transmis aux militants.
Une photo en noir et blanc accrochée au mur le montre plus jeune, militant engagé dans une opération de collage. Dans un coin de la photo une petite affiche « Mélenchon-Guedj ». Une autre photo immortalise la victoire aux législatives de 2022, aux côtés de Hella Kribi-Romdhane, l’ancienne députée.
Cette dernière sera peut-être son principal concurrent. Elle s’est lancée dans la campagne, soutenue par des élus et des militants dont LFI, après le refus de M. Guedj d’endosser l’étiquette Nouveau Front populaire.
« Nous ne sommes pas dans les feux de l’amour, il n’y a pas de sujet de trahison, il y a un désaccord politique »balaie Mme Kribi-Romdhane (Génération.s).
Devant l’Opéra de Massy, des tracts « Nouveau Front populaire » D’un autre côté, elle dit ne pas comprendre la décision de son ancien collègue, et s’inquiète de voir son opposition au leadership insoumis se transformer en un penchant vers le camp présidentiel après les élections.
« Je rejette toute alliance avec la macronie »insiste-t-elle, appelant à l’imposition de « projet de société clair et ambitieux, ancré à gauche ». « Le Rassemblement national ne peut pas gagner ici, c’est pourquoi je pense qu’il faut accepter cet affrontement ».
Mais ce duel fratricide fait soupirer certains électeurs. « On s’en fout du label, on veut du changement »appelle Rachid, employé de la RATP. « La France insoumise n’est pas antisémite. C’est quand même dommage »déplore Nawelle Aineche, artiste résidente à Massy.
« Comment fait-on, de toute façon ? »ironise Maëlle, vendeuse et électrice de gauche qui apprend jeudi que deux candidats s’affrontent. « Pour moi, ce sont les idées… honnêtement, je m’en fiche que ce soit Michel ou Jean-Pierre ».