Il a laissé planer à plusieurs reprises des doutes sur son départ. « C’est probablement mon dernier » » disait-il à chaque conférence de presse de présentation du festival, année après année. Cette fois, c’est sûr. Le 31 décembre 2024, Jean-Paul Montanari, directeur du festival Montpellier Danse depuis quarante ans, quittera ses fonctions. Il aura 77 ans.
Après des débuts dans le monde du théâtre, sa rencontre, dans les années 1970, avec le danseur et chorégraphe Dominique Bagouet ancre définitivement sa carrière dans la danse et scelle son avenir à Montpellier, où il prend les rênes du festival en 1981. , la gauche arrivait au pouvoir. Et Montpellier entre dans l’ère de Georges Frêche, nouveau maire. En quarante ans, les aléas politiques de la région et de la ville, principaux financiers du festival, n’ont pas épargné cet homme profondément de gauche. « Je n’ai toujours défendu que la danse », répète-t-il comme un refrain.
« Je regarde une émission avec mon corps »
Sensible devant les journalistes, il n’a pas dit un mot à Georges Frêche qui l’a surnommé, d’un air tendre, « mon canari ». Pendant trente ans, avec un passage dans son cabinet aux affaires culturelles, il a partagé, avec l’ancien maire de Montpellier et président de région décédé en 2010, une « une véritable idylle » professionnel, alors qu’il décrit leur relation.
Le regard aiguisé du réalisateur a amené les politiques à lui accorder une grande confiance, voyant Montpellier briller chaque année à l’international lors du festival. Ce flair légendaire s’est révélé lorsque Trisha Brown a dansé un jour en 1982. « J’ai tout de suite senti ce que serait l’avenir, la modernité de la danse en France », il se souvient. Ces quelques secondes fugaces ont sur lui le même effet à chaque découverte. Comme pour Emanuel Gat, Nadia Beugré ou Raimund Hoghe – dont la mort, en 2021, l’a détruit « autant que celui de Dominique ».
« Je regarde une émission avec mon corps, » dit celui qui n’a jamais dansé, au-delà des murs de sa cuisine. J’ai même des contractures aux mollets lorsque je suis assis ! »
« C’est vraiment de l’amour » pour les chorégraphes
Jean-Paul Montanari est un maestro de la danse créatrice en France, le faiseur de rois des chorégraphes français ou au contraire celui qui les relègue dans les coulisses. Chef d’orchestre du festival et de la saison, le réalisateur connaît les ingrédients d’une programmation sans fausse note : lourd, léger, découverte, accessible et inaccessible, artistes engagés, parfois en exil forcé, et coup de foudre.
« Ce n’est pas de l’amitié ou de l’estime, c’est vraiment de l’amour, avec l’envie d’être proche, de l’aider, de se sentir fier de donner naissance à une œuvre, mais sans le côté charnel. Avec, aussi, parfois, un sentiment de jalousie lorsqu’un chorégraphe réserve sa création pour un autre festival. » Séduit par son travail autant que par sa personnalité, le réalisateur peut aussi se montrer radical. « Je ne peux pas continuer à aimer personnellement un chorégraphe dont le travail me déçoit » il prévient. Certains en ont payé le prix.
À la demande du conseil d’administration, la programmation du 45e festival, en 2025, est déjà presque bouclée. Des chorégraphes régionaux et un événement de Mourad Merzouki sur la place de la Comédie seront à l’honneur. Jean-Paul Montanari ne planifie pas. Cet amoureux du Maghreb, né en Algérie, passera sans doute du temps au Maroc. » Mais, il prévient, Je n’ai pas de maison à moi, je n’ai pas de conjoint, je n’ai pas d’enfant, je n’ai pas de tableaux ni de bijoux, ça ne m’intéresse pas. Ma vie, c’est Montpellier Danse. »