Son oncologue l’a surnommé « le miraculeux » : « Je n’ai jamais vu un patient comme lui ». Il s’agit de Jean-Luc Gonfond. Et le 9 janvier 2013 restera dans la mémoire des Romorantinais. « J’ai eu mal au ventre, les médecins ont pensé à une pancréatite auto-immune puis le couperet est tombé après une biopsie : cancer du pancréas métastatique au foie »il se souvient. Un cancer au taux de survie très faible – seulement 11 % des personnes ayant reçu ce diagnostic vivront au moins cinq ans, selon l’Institut national du cancer –, surtout lorsqu’il est métastatique comme celui de Jean-Luc. « La chirurgie est le seul moyen de guérir ce cancer. Mais quand c’est métastatique ce n’est pas opérable et sans ça on passe par là sauf quand on s’appelle Jean-Luc Gonfond »confie son oncologue, aujourd’hui à la retraite, Dany Gargot avant de confirmer que son ancien patient « était au stade maximum 4 »le dernier stade avec tumeur et métastases.
Une annonce faite à Jean-Luc le jour où sa femme a ouvert son agence immobilière et où leur nouvelle maison a été livrée. « Je l’ai pris en bouche mais ça m’a glisséassure le sexagénaire. J’ai essayé de trouver le positif et d’entretenir une certaine ironie. J’ai dit à ma femme : « Ne t’inquiète pas pour moi, c’est la grippe et je m’en occupe ! » »
« J’étais déjà dans le cercueil »
Alors que le diagnostic et son avenir sont évidemment bien sombres pour l’agent immobilier, cela fait désormais douze ans que Jean-Luc est toujours en vie et surtout complètement guéri de son cancer ! Pourtant, il s’inquiétait. Pas pour lui mais pour sa femme et son fils. « Nous avons conclu un partenariat civil pour la protéger, elle et mon fils, car j’étais déjà dans le cercueil. Parfois, nous sommes stupides parce que je me pose des questions comme qui sera le prochain petit ami de ma femme ou à quoi ressemblera l’avenir de mon fils. »
Les marqueurs du cancer reviennent à la normale après quelques séances de chimiothérapie
Juste après l’annonce de son cancer, il a débuté très rapidement une chimiothérapie (1). Des échantillons sont prélevés pour observer la quantité d’antigène carcinoembryonnaire (CEA), une protéine qui sert de marqueur du cancer. Normalement inférieur à 10 µg/L pour les fumeurs, le taux de Jean-Luc a explosé avec 4 876 µg/L en février 2013. Après six mois de traitement, son taux d’ECA est revenu à la normale avec 4,1 µg/L. «Dès la troisième, quatrième séance, je suis revenu aux unités marqueurs de personnes saines»se souvient celui qui prend sa retraite l’année prochaine, un peu abasourdi.
Une fois guéri, il a célébré la nouvelle chez lui avec sa famille et ses amis. Depuis, il mène sa vie sans imaginer une potentielle rechute : « C’est comme une page que je tourne »sourit l’agent immobilier. Et une nouvelle écrite avec l’objectif « pour aider les autres à guérir le cancer ».
Séquencer votre ADN pour trouver un traitement ?
L’appel téléphonique du 11 janvier 2024 tombe à point nommé. Au bout du téléphone se trouve la biotech française Cure 51. « Pour eux, je suis une valeur aberrante, une aberration statistiquerigole le Romorantinais. Très peu de personnes dans le monde ont survécu à un cancer pendant plus de cinq ans et sont encore sous traitement. Pour moi, cela fait douze ans et j’ai arrêté tous les traitements ! » Son cas pique la curiosité de la start-up qui souhaite « séquencez mon ADN et voyez s’il a quelque chose de spécial. J’ai du mal à croire que je suis le seul au monde à vivre cela. »
(1) Le traitement par Folfirinox a « révolutionné le pronostic du cancer du pancréas en augmentant l’espérance de vie de quelques mois à quelques années au prix d’une chimiothérapie lourde », développe Dany Gargot. Traitement dont a bénéficié Jean-Luc Gonfond.
Cure 51 veut percer le mystère de ces « aberrations »
Lancée en 2021, la start-up Cure 51 a été fondée par deux Français : Nicolas Wolikow et Simon Istolainen. Leur objectif, comme indiqué sur leur site, est de « créer la première base de données mondiale de survivants du cancer pour exploiter leurs caractéristiques biologiques exceptionnelles et trouver de nouveaux médicaments pour guérir le cancer ». L’entreprise qui a levé 15 millions d’euros en mars 2024 se concentre principalement sur trois cancers : le poumon, le pancréas et le glioblastome (cerveau).
Cure 51 est associé à plusieurs établissements de référence dans la lutte contre le cancer comme le centre Gustave Roussy près de Paris, le centre Léon Bérard à Lyon et l’Institut Européen d’Oncologie de Milan.