Categories: Nouvelles locales

« Je voulais profiter de chaque seconde passée avec ma fille »

« Je voulais profiter des premiers instants avec mon fils, lui consacrer tout mon temps pour créer une connexion au plus vitetémoigne Guillaume, 33 ans, papa d’un petit garçon de 10 mois. Je me suis toujours imaginé aider la mère après l’épreuve de l’accouchement. Il était impensable de retourner au travail juste après l’accouchement. » Commercial dans le secteur de la santé, Guillaume souhaitait profiter du congé paternité pour « prendre sa place de père ». « Cette période a été précieuse car les débuts n’ont pas été aussi faciles que je l’avais imaginé. »

Depuis 2002, les hommes ont également droit à un congé indemnisé pour accoucher. Initialement de 11 jours, le congé paternité est passé à 25 jours en 2021 pour favoriser l’implication des pères dans les soins primaires et une meilleure répartition des tâches familiales. Si tout le monde ne l’a pas encore utilisé, ce congé « gagne du terrain« , selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) publiée en juillet 2023. Entre 2013 et 2021, la proportion de pères qui en ont bénéficié est passée de 62 % à 67 %. Ces derniers étaient majoritairement des fonctionnaires (91 % en 2021), des salariés du privé en CDI (82 %) et des hommes dont le conjoint était salarié (80 %).

« Ces statistiques montrent que le congé paternité est pris par des catégories de personnes qui risquent moins de perdre leur emploi mais ne disent rien de ce qui se passe dans la tête des pères, ni de ce qu’ils font lorsqu’ils sont à la maison », commente le psychanalyste Jean-Pierre Winter, auteur de L’avenir du père (Albin Michel, 2019).

César, il « a donné la bouteille » à sa fille, « modifié », il a « a donné le bain » «Je me suis senti utile en aidant mon partenaire mais j’ai aussi eu beaucoup de plaisir» confie cet homme de 57 ans, employé administratif et père d’un enfant de 10 ans. « À l’époque, je n’avais que 11 jours, mais j’ai réussi à les prendre après mes vacances d’été et j’ai pu passer un mois et demi avec ma fille. Elle avait déjà quelques semaines, mais c’était encore le moment où tout se construit, où l’on se crée un cocon pour s’apprivoiser. Et je voulais profiter de chaque seconde. »

Un nouveau rituel d’entrée dans la paternité

Le congé paternité a-t-il joué un rôle dans l’émergence d’une nouvelle paternité ? Si elle facilite l’implication des pères dans les premiers secours, elle n’aurait fait qu’entraîner une évolution sociétale, analyse la sociologue Christine Castelain-Meunier, auteur de L’instinct paternel (Larousse, 2019). « La création de ce congé apris en comptele passage d’unpaternité institutionnelle définie par des rôles très différenciés entre hommes et femmes avec une paternité relationnelle impliquée, elle explique. Avant, il suffisait à l’homme de reconnaître l’enfant et d’exercer son autorité. Mais à partir du moment où les femmes ont commencé à travailler, la place du père a changé. Il devait être plus présent auprès des enfants puisque les mères étaient moins souvent à la maison. »

Pour le psychologue Sébastien Dupont, auteur de Pères et paternité (Que sais-je, 2024), ce congé représente encore  » UNnouveau rituel d’entrée en paternité aux yeux de la société et de l’entreprise. Cela a également contribué à changer le regard des professionnels de la petite enfance qui voyaient souvent les pères comme de simples compagnons. »

Or, selon lui, le congé paternité n’a pas permis l’avènement des « nouveaux pères », dont on parle depuis les années 1980. « C’est aussi une notion assez abstraite, il a dit. On ne sait pas si ce sont des pères qui se comportent biencomme les mères ou les pères au foyer. Il me semble que c’est une sorte d’idéal déconnecté de la vie réelle des couples qui empêche de regarder les pères tels qu’ils sont. »

Selon des enquêtes, les pères d’aujourd’hui fournissent moins de soins directs que les mères et investissent davantage de manière professionnelle, recherchant des postes mieux rémunérés lorsque les enfants arrivent,  » contrec’est aussi une manière de s’impliquer », observe Sébastien Dupont. Du côté du partage des tâches, en revanche, « nous n’y sommes pas du tout, analyse Christine Castelain-Meunier. La charge mentale est toujours l’affaire des femmes. Nous sommes encore dans une société patriarcale où l’homme se définit par le travail et où les différences salariales font qu’il est moins chez lui. Les jeunes générations sont prises dans ces contradictions mais on ressent une volonté de concilier le moins possible travail et vie de famille.»

Des pères pris dans des injonctions paradoxales

L’investissement des pères dépend aussi beaucoup de l’espace que les mères sont prêtes à leur laisser. Ces « peuvent être jaloux de leur relation de maternité avec l’enfant, note Jean-Pierre Winter. J’en ai vu certains devenir déprimés en voyant l’enfant investir dans le père parce qu’ils imaginaient que c’était à leur détriment.

Les mères ne veulent pas « se laissent voler leur rôleanalyse Christine Castelain-Meunier. C’estun rôle qui a été défini tout au long de l’histoire alors que les pères ont été éloignés du monde de la naissance et de la petite enfance.

Pas étonnant qu’ils ne sachent pas toujours ce qu’on attend d’eux. Ils doivent à la fois être une figure d’autorité – certains l’ont rappelé lors des émeutes – et être des pères aimants et tendres, ce qui éveille aussi parfois des soupçons, dit en substance Sébastien Dupont. La société les pousse à s’impliquer davantage, mais « Quand un homme demande un travail à temps partiel, la probabilité qu’il l’obtienne est bien plus faible que pour une femme. »

Leur rôle doit, dans tous les cas, être différent de celui de la mère, assurent Jean-Pierre Winter et Antoine Guedeney, pédopsychiatre, auteur de Bon usage des pères (Odile Jacob, 2023). « Les enfants demandent cette différenciationdit le premier. On voit bien qu’ils s’adressent à leur mère et à leur père de manière différente, quelle que soit leur éducation. » « Les parents doivent être complémentaires, abonde la seconde. Chacun doit faire ce qui lui convient le mieux, avec l’accord de l’autre. L’égalité dans le partage des tâches ne convient pas aux jeunes enfants qui ont besoin de rituels. »

Pour aider les pères, il faudrait prolonger le congé de paternité, comme dans d’autres pays européens, estiment les spécialistes.. Le congé de naissance annoncé par Emmanuel Macron, qui permettrait aux parents de prendre trois mois de congé chacun pendant la première année de l’enfant, « va dans la bonne direction, mais les pères devraient être encouragés à participeren dehors du congé maternel, recommande Sébastien Dupont. Des études ont démontré que passer du temps seul avec son enfant a un impact sur l’attachement à très long terme.

——

Conditions du congé paternité

La durée du congé paternité est de 25 jours calendaires (32 jours en cas de naissance multiple), avec deux périodes distinctes.

Un délai obligatoire de quatre jours prise immédiatement après le congé de naissance de trois jours.

Un délai de 21 jours (ou 28 jours) qui peut être pris en une seule fois ou divisé, avec une durée minimale de cinq jours consécutifs, dans les six mois suivant la naissance.

Le futur père doit prévenir son employeur au moins un mois avant la date de début du congé qui, dans ces conditions, ne peut être refusé.

Le congé paternité est indemnisé jusqu’à 100 % du salaire net, dans la limite d’un plafond fixé par la Sécurité Sociale.

La France fait partie des pays européens où le congé paternité est moyen : L’Espagne accorde seize semaines aux pères ; Norvège quinze ; Italie seulement dix jours. Et l’Allemagne n’en a pas.

William Dupuy

Independent political analyst working in this field for 14 years, I analyze political events from a different angle.

Recent Posts

Le port d’un soutien-gorge augmente-t-il le risque de développer un cancer du sein ? – Tameteo.com

Le port d'un soutien-gorge augmente-t-il le risque de développer un cancer du sein ?Tameteo.comVoir la couverture complète sur Google Actualités

3 minutes ago

Rennes-Monaco notes : Ben Seghir se régale, Kalimuendo inoffensif (Ligue 1) – L’Équipe

Rennes-Monaco notes : Ben Seghir se régale, Kalimuendo inoffensif (Ligue 1)L'équipeL1 (D7) : Monaco prend provisoirement la têteToute l'actualité sportive…

5 minutes ago

« Il y a beaucoup de fantasmes autour de la Chouette d’Or », raconte cette Bretonne

En 31 ans, la communauté des « chouettes » atteindra 200 000 personnes, réparties dans toutes les régions de France.…

13 minutes ago

Octobre Rose : diagnostic et traitement du cancer du sein optimisés grâce à l’intelligence artificielle

Le mois d'octobre est dédié au cancer du sein. L’intelligence artificielle (IA) transforme l’imagerie médicale avec des outils plus rapides…

15 minutes ago

Élection présidentielle américaine. Le sport en soutien à Kamala Harris, Donald Trump cherche des soutiens – Ouest-France

Élection présidentielle américaine. Sport en soutien à Kamala Harris, Donald Trump cherche du soutienOuest de la FrancePrésidentielle américaine : Liz…

19 minutes ago

Isère : la station de ski de l’Alpe du Grand Serre ferme ses portes

Par 48 voix "contre" et 12 voix "pour", les élus de la Communauté de Communes de Matheysine (CCM) ont décidé…

25 minutes ago