« Je suis un drogué fou qui a détruit des vies, inexcusable »
AAu terme d’une matinée passée à regarder sa vie décadente se dérouler sous les yeux des juges, Pierre Palmade est finalement appelé à se lever. Ce mercredi 20 novembre, accroché à la barre du tribunal de Melun tel le clown triste et blanc de la peur qu’il est devenu, l’humoriste savait qu’il jouerait le pire rôle de sa vie. Devoir d’abord se défendre d’un crime pour lequel la justice ne l’accuse pas, alors que seules des « blessures involontaires » lui ont été imputées après l’accident provoqué sous l’influence de drogues.
« La loi française protège mieux les animaux domestiques que l’enfant à naître », a tonné l’avocat des victimes, plaçant ainsi au cœur des débats la mort du bébé dont Mila, la passagère blessée, était enceinte de six mois au soir du drame. . . Jurisprudence « ahurissante hors-sol », selon Me Battikh, s’indignant du fait que Pierre Palmade ne soit pas poursuivi pour homicide involontaire. Et demander ensuite au président de requalifier les faits. En vain, malgré les regrets sous forme d’aveux de culpabilité formulés par l’accusé lui-même.
« Qu’importe si la loi ne le reconnaît pas, j’aurai toujours la mort de ce bébé sur ma conscience », répète l’artiste déchu avant de demander l’autorisation de se retourner face à ses victimes : « Je suis dévasté de voir ces gens dans la vraie vie, c’est un moment que je craignais. J’aimerais leur demander pardon, même si je pense qu’ils n’en veulent pas. Je comprends leur colère, depuis qu’un drogué fou a détruit leur vie. »
« Plaisir infernal »
Aux terribles photos de la collision projetées sur les écrans du tribunal avaient succédé auparavant leurs témoignages remplis de peur, de larmes et de colère. D’abord celle de Yuksel, le chauffeur, s’approchant des juges en boitant pour raconter le calvaire de son fils Devrim, blessé encore plus grièvement. La double peine de souffrance physique et désormais psychologique, quand l’élève de 8 ans est moqué à l’école pour son visage affichant les cicatrices du drame. Mâchoire cassée et destin.
Mila, la jeune femme pleurant encore son enfant mort-né, suivra avec ses souvenirs intacts, malgré le déni dont elle avoue avoir longtemps souffert. « Immédiatement après le choc, je me souviens avoir eu mal au ventre. J’entends le bébé gémir mais je ne le vois pas. Une fois soignée, je crois que je viens d’accoucher, sûre que le petit Solin dort juste à côté de moi. »
« J’aurai toujours la mort de ce bébé sur la conscience »
Sinon passionné, du moins très concentré, Pierre Palmade regarde sans ciller la mère évoquer ses cauchemars devenus récurrents par sa faute. « Comme celui qui a tué mon enfant est très connu, son visage m’apparaît souvent. » Dans le prolongement de ses regrets invariablement exprimés depuis son lit d’hôpital et jusqu’à ses dernières auditions, l’acteur aura au moins tenu sa promesse de prendre publiquement ses responsabilités. « Je suis inexcusable, j’avais un cerveau de toxicomane qui n’a plus la notion de rien », dit-il avant de rappeler la sordide des trois jours de débauche qui ont précédé l’accident. A l’ombre de sa maison de campagne, devenue un temple de la défonce et du plaisir sexuel mêlés, où les enquêteurs retrouveront partout des traces de sang liées à des injections de 3-MMC, cette puissante drogue de synthèse dont l’artiste était devenu accro. accro depuis deux ans.
Plutôt que le processus de violence routière, celui d’une toxicomanie mortelle a commencé. « Quant à la cocaïne, j’ai longtemps réussi à créer une illusion dans la vie et sur scène, mais avec le ‘chemsex’ on n’est jamais satisfait. Un plaisir infernal qui se termine souvent par des évanouissements de corps nus et ensanglantés. Une forme de suicide accepté. »
Le grand déballage d’une addiction qui a grandi crescendo depuis son départ de Bordeaux pour la capitale, au soir de ses 20 ans. « J’étais complètement perdu là-bas. » Étonnamment lucide et précis sur sa double personnalité, presque trop pour être honnête aux yeux d’un président finalement agacé par tant de contrition. « Mais je ne me défends pas, j’explique juste ce que personne ne peut comprendre. » Sauf peut-être sa sœur Hélène, appelée à la rescousse pour jurer que, si rien n’est pardonné, tout est fini. « J’ai été témoin du désastre de son addiction mais, depuis son retour à Bordeaux et son retrait, j’ai retrouvé le frère que j’avais perdu. Avant l’accident, j’étais sûr qu’un jour je devrais organiser ses funérailles. »
Que tous ceux qui, souvent au mépris des règles élémentaires du droit, se sont indignés de ne pas voir Pierre Palmade incarcéré avant son procès aujourd’hui soient rassurés. Sans prononcer la peine maximale de quatorze ans, les juges ont suivi hier soir les demandes du procureur en le condamnant à cinq ans de prison dont deux fermes et en partie non aménageables. Le parquet de Bordeaux devrait prochainement lui communiquer la date et les modalités de sa garde à vue.