«Je suis tombée dans un piège»… Marine a été victime d'un viol collectif lors d'une soirée alcoolisée
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«Je suis tombée dans un piège»… Marine a été victime d’un viol collectif lors d’une soirée alcoolisée

«Je suis tombée dans un piège»… Marine a été victime d’un viol collectif lors d’une soirée alcoolisée

« Nous connaissons tous des filles qui ont beaucoup bu et ont été maltraitées par des hommes », assure Marine. C’est pour eux que cette jeune femme de 29 ans a décidé de prendre la parole. Un soir de 2021, elle a été violée collectivement par trois hommes avec qui elle avait beaucoup bu. Ses agresseurs n’ont pas eu recours à la soumission chimique et n’ont pas eu besoin de mettre de pilules dans sa boisson. Fortement alcoolisée, elle n’était déjà plus en mesure de réagir. Comme d’autres femmes, elle a été victime d’un mode opératoire courant mais peu médiatisé : la vulnérabilité chimique.

Été 2021. Sud de la France. Marine, 26 ans, est en vacances lorsqu’une connaissance rencontrée quelques jours plus tôt l’invite à une soirée. « Il m’a bien vendu son projet : des garçons et des filles sympas, de l’ambiance, un jacuzzi. » insiste le jeune homme. Avant d’accepter sa proposition, Marine s’assure qu’elle peut y dormir ou que quelqu’un puisse la ramener chez elle après la soirée.

« Ils ont profité du fait que je n’étais plus lucide pour me pousser à me déshabiller »

Le soir venu, il y a eu une mauvaise surprise : « ce n’était pas du tout le soir que j’avais été vendu. » Elle se retrouve seule face à quatre hommes, âgés de 18 à 24 ans. Après avoir roulé une heure, elle accepte de boire un verre pour faire connaissance. «Ils m’ont donné quelque chose d’assez fort, en me disant que c’était ça ou rien. » La discussion s’engage, la jeune femme se détend, puis on lui propose un jeu à boire. « Encore une fois, je n’ai pas vu le mal. » Les jeunes hommes remplissent continuellement son verre, si bien qu’elle ne se rend pas compte de la quantité d’alcool qu’elle a ingérée. La bande décide alors d’aller nager. Marine est « vraiment ivre ». « Ils ont profité du fait que je n’étais plus lucide pour me pousser à me déshabiller. » Elle refuse mais « le mal était fait ». « Avec la chaleur et l’alcool, j’ai commencé à me sentir vraiment mal et je ne me souviens pas très bien de tout. »

C’est là que commence le long calvaire de Marine. Une nuit ponctuée par une série de viols et d’agressions sexuelles. Les souvenirs de la jeune femme sont flous. C’est lors de l’enquête, puis du procès, qu’elle a reconstitué le déroulement de la soirée, notamment grâce à des vidéos prises par ses agresseurs. Marine apprend qu’il y a eu une première pénétration, dont elle n’a aucun souvenir. «Je me souviens juste de m’être réveillé et d’avoir vomi. » Les hommes portent alors la jeune femme jusqu’aux toilettes. Ils le lavent et « en profitent pour toucher(s) notre corps ». «J’étais à peine conscient et ils étaient tous les quatre là, nus, en train de se masturber pendant que je perdais connaissance par intermittence. »

Souvenirs flous

Marine est ensuite transportée vers un lit. L’un des quatre hommes la viole. Puis une seconde. Puis un troisième. «Je ne sais pas ce qui s’est passé après ça. Soit j’ai essayé de m’enfuir, soit ils m’ont déplacé, mais je me suis retrouvé nu dans le salon, inconscient. » La jeune femme est une nouvelle fois victime d’une agression sexuelle. A 6h30, ils la réveillent, prennent une voiture et la ramènent chez elle.

Trois heures plus tard, Marine se réveille et ne comprend pas bien ce qui lui est arrivé. « Je me sentais mal mais je ne savais pas si j’avais rêvé. Et surtout, je me sentais coupable. » Le garçon qu’elle fréquentait cet été-là lui a envoyé un message, visiblement « jaloux et déçu » : l’un des agresseurs se vantait d’avoir « une folle nuit avec une sacrée salope ». Marine reçoit ce texte comme un choc électrique. « C’est à ce moment-là que j’ai compris. Eux et moi n’avions pas vécu la même soirée. J’avais des ennuis, je pensais à ma vie et je regrettais, et ils avaient passé une sacrément bonne soirée ? Je lui ai tout dit. Il m’a dit : « si ce que tu dis est vrai, tu devrais porter plainte ». »

« Elle a été la première à me dire ‘Je te crois’, et je n’oublierai jamais ces mots »

Ne pouvant s’empêcher de vomir, Marine est emmenée au commissariat. Les portes sont fermées mais si vous insistez, vous la laissez entrer. Alors qu’elle commence à raconter ce qui lui est arrivé, elle fond en larmes. « L’adjudant-chef a été le premier à me dire « je te crois » et je n’oublierai jamais ces mots. Ils étaient les plus importants de ma vie. » Les quatre gendarmes qui l’ont accueillie se sont « énormément impliqués » et l’ont « incroyablement bien accompagnée ». « J’ai eu de la chance car je sais que ce n’est pas le cas de toutes les victimes. »

Le dépôt d’une plainte dure. Six heures éreintantes durant lesquelles Marine tente de donner le plus de détails possible. Une enquête flagrante est ouverte, puis tout s’enchaîne très vite. « Il était extrêmement important de rassembler autant de preuves que possible avant de les supprimer. » Les agresseurs ont été interpellés trois jours plus tard, placés en garde à vue, puis en détention provisoire.

Des peines de un à six ans de prison

Durant les longs mois d’enquête, Marine a souffert. Elle a des pensées suicidaires, a de la difficulté à quitter la maison et continue de prendre des congés de maladie. « Je ne savais pas si mes souvenirs avaient déformé la réalité ou si ce dont je me souvenais était réel. » Le juge d’instruction a fini par lui montrer des images prises le soir des faits. Marine n’a rien inventé. Au contraire, elle en a oublié une partie. La colère remplace le doute et la culpabilité.

En mai 2023, le procès « très dur » a duré cinq jours. «Ils ont essayé de me faire passer pour la pire des salopes. La défense a utilisé des méthodes véritablement ignobles. » Marine s’estime cependant chanceuse car des éléments matériels étayaient sa version, alors que celle de l’accusé avait changé à plusieurs reprises. La jeune femme apprend qu’ils avaient pris des stimulants sexuels le soir des faits, avant son arrivée. «Je suis tombée dans un piège bien préparé car ils avaient déjà soumis une autre fille qu’ils connaissaient à un scénario similaire. Malheureusement, ils ont réussi à la manipuler pour qu’elle se sente coupable. »

« Ce n’est pas à moi d’avoir honte »

Parmi les quatre accusés, trois ont été poursuivis pour viol collectif, le dernier étant jugé pour agression sexuelle. Les trois premiers ont été condamnés à cinq à six ans de prison, le dernier à un an de prison. « Quand j’ai entendu tous les « oui » aux verdicts de culpabilité, ce fut un soulagement incroyable. La justice m’a cru. »

Depuis cette nuit qui a « tout chamboulé », Marine tente de se reconstruire. Elle vient de reprendre le travail à temps plein, trois ans après l’incident. Si elle estime qu’elle « a encore un long chemin à parcourir », raconter ce qui lui est arrivé l’aide à se réapproprier son histoire. « J’essaie d’en parler le plus possible parce que ce n’est pas à moi d’avoir honte. » Marine ne s’étend pas non plus sur le sujet, « car les gens jugent facilement ». « J’ai de la chance d’avoir gagné ma cause, donc les gens me croient davantage. » Mais la jeune femme pense aussi à tous ceux qui l’ont perdu, faute de preuves. Alors que le procès pour viol de Mazan est toujours en cours, Marine tient également à rappeler : « un violeur est une personne qui a une opportunité et en profite, pas un psychopathe ».

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