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« Est-ce que j’aurais rencontré plus de gens si l’alcool avait été moins présent ? Si le BDE avait organisé des événements dans des cafés plutôt que dans des clubs ? »
TÉMOIGNAGE – Quand j’étais petite, en regardant des films ou des séries qui montraient des images de fêtes où l’alcool coulait à flot et où tout le monde semblait s’amuser, je me disais souvent que « Plus tard, je ferai des fêtes »En grandissant, j’ai remarqué que boire de l’alcool était la norme, même parmi mes proches.
Pourtant, je n’ai jamais eu envie d’en boire. Lors des repas de famille, l’odeur du vin me dégoûtait et, lorsque j’ai commencé à utiliser les réseaux sociaux, j’ai découvert des vidéos sur la perte de contrôle provoquée par l’ivresse qui ne m’attiraient pas du tout.
À l’adolescence, les beuveries commencent
Au début du lycée, mes amis ont commencé à fréquenter des fêtes, ces soirées où tout le monde buvait jusqu’à en être saoul. Commencer à boire de l’alcool à 15 ans me semblait un peu tôt, mais c’était tout à fait normal, voire culturel. C’était tellement répandu que les parents de mes amis ne s’opposaient pas à ce qu’ils boivent, et personne ne semblait remettre en question cette pratique. Même dans ma famille, les moments festifs ou conviviaux sont toujours associés aux boissons alcoolisées.
En grandissant, ces beuveries sont devenues plus fréquentes. J’ai toujours refusé d’y participer. Je voyais les gens changer quand ils buvaient, essayant de s’enivrer pour devenir plus drôles ou plus sociables, et je trouvais ça triste.
Cela m’a fait peur aussi. Et si l’alcool me donnait une personnalité qui ne me ressemble pas ? Je n’ai aucune envie de danser sur les tables d’un bar comme dans les films par exemple. J’ai aussi rapidement eu peur de la vulnérabilité provoquée par l’ivresse : un jour, un médecin a dû me donner du gaz hilarant pour une intervention médicale et le résultat m’a fait très peur, je me suis dit qu’il aurait pu me faire n’importe quoi, et je veux éviter cette perte de contrôle.
J’étais la seule à ne pas boire et je ressentais un certain malaise avec l’alcool. Mes amis ont commencé à faire la fête, mais ils savaient que je préférais ne pas en parler, et c’était normal.
La vie étudiante centrée autour de la fête
J’ai gardé la même ligne de conduite en arrivant à l’université. J’ai vite compris qu’en amphi, c’était chacun pour soi et qu’il était très difficile de se faire des amis. Dans mon université, les associations chargées de créer des liens (comme le BDE) organisaient beaucoup de soirées, et je sais qu’elles ont permis à beaucoup d’étudiants de rencontrer du monde, mais je n’y suis jamais allée : leurs événements se déroulaient toujours dans des bars ou des clubs, toujours dans des ambiances bruyantes et alcoolisées.
Bien sûr, on peut aller dans un endroit comme celui-là et boire un soda, mais je ne suis pas à l’aise avec le comportement des autres quand ils sont ivres. Que sais-je que certaines personnes ne deviendront pas violentes, ou même difficiles à gérer ? Bien sûr, tout peut arriver quand on est sobre, mais l’alcool peut conduire à un comportement chaotique. Et ce n’est pas très agréable de voir des gens que l’on connaît en état de transe.
En licence, j’ai eu de la chance : pendant les cours, j’ai rencontré des amis qui ne boivent pas d’alcool non plus, et on s’est rapprochés. Cependant, je sais que nous sommes une toute petite minorité et que si je ne les avais pas rencontrés, j’aurais pu me retrouver isolé par mon manque d’envie de faire la fête, et j’aurais été très triste. Je pense souvent que c’est dommage : aurais-je rencontré plus de gens si l’alcool était moins courant ? Si le BDE organisait des événements sans alcool, dans des cafés ou des endroits un peu plus calmes que des clubs ?
L’appréhension de la rentrée scolaire
Cette année, je commence mon master. Non seulement je change d’université (et de ville), mais je sais aussi que nous serons une petite promotion. J’appréhende la rentrée : notre petit effectif fait qu’il y a peu de chances que je rencontre d’autres personnes qui ne boivent pas, et j’ai peur que pour créer des liens et m’intégrer, je n’aie d’autre choix que d’aller dans les bars. J’espère que le sujet du master me permettra de rencontrer des gens qui partagent mes centres d’intérêt sans avoir à passer par là.
J’ai aussi horreur de devoir me justifier quand je dis que je ne bois pas. Jusqu’à présent, je n’ai pas eu beaucoup de commentaires désagréables – sauf une fois où quelqu’un m’a dit que mes soirées sans alcool ne devaient pas être très amusantes, et j’ai trouvé ça assez triste, comme s’il ne pouvait pas s’amuser sans alcool.
Je me demande souvent pourquoi tant d’étudiants boivent tout le temps. Nous savons que c’est mauvais pour la santé, que c’est dangereux et que cela peut créer une dépendance. Mais quand les gens me parlent de « prendre un verre » pendant la semaine et je recommande de boire un cocktail sans alcool, les gens me regardent avec un drôle d’air.
Quand je fais des blagues à ce sujet, ça ne fait pas vraiment rire. J’aimerais juste que les gens autour de moi boivent moins. Et même si dans les séries télé, tout le monde semble s’amuser à faire la fête, je suis contente de ne pas m’être forcée à boire pour que ma vie soit comme ça. J’aime beaucoup ma vie d’étudiante plus calme, à boire des cafés glacés.
Ce témoignage a été recueilli et édité par Aïda Djoupa. Pour apporter votre témoignage, écrivez-nous à temoignage@huffingtonpost.fr, nous vous répondrons avec le
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