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« Je ne suis ni croyant ni mystique mais j’avais le sentiment que j’avais une mission à accomplir »

« Je ne suis ni croyant ni mystique mais j’avais le sentiment que j’avais une mission à accomplir »

L’histoire de la Villa Alice 2/2.- Maële Vincensini et son mari Renaud sont tombés amoureux d’une maison abandonnée du Finistère, et de son ancienne propriétaire prénommée Alice. Alors que les travaux de rénovation vont commencer, le couple découvre une pièce secrète.

Dans la première partie de ce récit, Maële Vincensini nous racontait sa rencontre avec Alice, le lien qui s’était tissé avec cette nonagénaire et l’envie de racheter sa maison abandonnée depuis longtemps. Avant de commencer les travaux, avec son mari Renaud, elle découvre une pièce secrète qui recèle bien des trésors et des surprises.

Les fantômes

Quelque part dans cette foule, il y a sans doute l’image de M. Page.
@villaalice.29

« Je ne suis ni croyant ni mystique mais j’avais le sentiment que j’avais une mission à accomplir, une sorte d’obligation envers ces gens à laquelle plus personne ne pensait. Il fallait leur redonner leur place», explique Maëlle. Elle cessera alors complètement de travailler pour mener des enquêtes qui lui réserveront bien des surprises.

«Je suis devenue totalement passionnée par les chemins que j’ai découverts dans toutes ces correspondances», insiste Maëlle. Ce qui était fantastique, c’est que j’ai pu remonter à la fin du XIXe siècle avec une génération née entre 1870 et 1890. Ces gens ont vécu la Première Guerre mondiale et parfois la Seconde. Je tricote ainsi des petites vies, celles qui ne sont jamais racontées dans les livres d’histoire et qui sont pourtant émouvantes. Nous avons également trouvé des vêtements dans la maison. Il était hors de question de s’en débarrasser. Lavés, remis à neuf, ils font désormais partie de notre quotidien, de ma garde-robe. C’est aussi une manière de continuer à soutenir cette famille. Je porte donc la chemise de nuit de la petite sœur d’Alice, Louise, du même prénom que ma fille ! Pendant tout ce temps, bien sûr, j’ai continué à surveiller Alice.

Avant cette aventure, je ne m’étais jamais particulièrement intéressé à l’histoire de France – et pourtant Renaud est professeur d’histoire – mais ensuite, tout a changé parce que je l’ai compris à travers des personnes et des objets réels. Par exemple, je suis tombé sur un cintre sur lequel étaient toujours les instructions. Cela m’a surpris. J’ai donc fait quelques recherches et appris que le cintre était arrivé dans les foyers dans les années 1920 et qu’il fallait expliquer à quoi servait cet objet et comment l’utiliser.

Je tricote ainsi des petites vies, celles qui ne sont jamais racontées dans les livres d’histoire et qui pourtant sont émouvantes.

Maële Vincensini

J’ai recueilli de nombreuses anecdotes : par exemple, dans les années 1950, les Français fabriquaient des passoires avec les casques de soldats allemands récupérés lors de la Seconde Guerre mondiale ! J’ai partagé toutes ces informations sur les réseaux sociaux et les échanges avec ma communauté ont été et sont toujours fantastiques. Cependant, je me suis dit que cette aventure méritait aussi un livre. Retranscrire la vie d’inconnus, les relier à des évolutions matérielles et sociales… Je n’étais pas sûr que cela intéresserait les éditeurs. J’en ai quand même contacté un. Je n’ai pas eu de réponse. Cela m’a mis en colère et j’ai décidé de réaliser mon livre seul, d’autant qu’étant graphiste, je maîtrisais déjà les outils et les codes pour réaliser un bel objet. J’ai mis en place une campagne de financement participatif. Pour financer l’impression, il me fallait 15 000 €. J’ai pré-vendu 1000 exemplaires à 35€, ce qui me permettait non seulement de payer les frais liés à ce projet mais aussi de me payer moi-même ! C’était miraculeux. Je me suis lancé à corps perdu dans ce travail. Je m’étais fixé des objectifs et comme je suis assez paresseux, je suis parti m’isoler dans un appartement en location, celui que nous avions occupé pendant le confinement. Mes seuls compagnons : mon ordinateur, mes cartons d’archives et de quoi faire des spritz pour conclure mes journées d’écriture qui s’étendent de 9h à 19h. Après trois jours j’avais terminé la première ébauche ! »

Le cri

Le journal d’Alice de 1956 contient des listes de courses, des voyages en train de nuit, etc.
@villaalice.29

Une fois le texte terminé, Maële décide tout de même de l’envoyer à un éditeur car elle a besoin d’un professionnel pour la diffusion. En attendant une réponse, elle s’est donnée deux mois pour concevoir le modèle. Durant cette période, fin août 2023, un événement inattendu se produit. Il est 23 heures, Maële est au lit avec son mari et son chat, les enfants dorment à l’étage. Un hurlement se fait entendre. Renaud reconnaît immédiatement Alice ! Ils dévalent les escaliers ensemble. Le cri vient de la cuisine. Alice n’est pas là… Mais sa voix vient de l’ordinateur qui s’est étrangement allumé tout seul et diffuse un enregistrement réalisé par Maële lors d’une discussion avec Alice. Ce phénomène est incompréhensible… Maële fait une crise cardiaque ! « Je me suis dit, je ne crois à rien mais quand même, il y a un signe. Le lendemain, je suis allé à Brest voir Alice car j’avais peur qu’elle soit morte. C’est la première fois que j’y vais seul. Elle avait changé de chambre. Il faisait clair, les draps étaient jolis, elle était si mignonne. J’avais avec moi des extraits du livre disposés. Je les lui ai montrés. Nous avons passé une heure et demie ensemble. Je lui ai expliqué ma démarche, lui ai raconté l’histoire de ses proches. Je lui ai dit que c’étaient ses souvenirs que j’avais mis sur papier. Elle trouva le livre magnifique et reconnut ses cahiers d’écolier. Mais je me suis rendu compte qu’elle mélangeait encore plus les noms qu’avant, qu’elle ne comprenait pas tout ce que je lui disais, restant incrédule. Je crois que dès notre sortie chez le notaire, lors de nos premiers entretiens, elle nous avait oubliés. J’ai pris conscience de sa perte de repères lorsque j’ai découvert qu’Alice mélangeait les maisons. Lorsqu’elle parlait de retourner là où elle est née, je me posais des questions. J’ai trouvé une ruine parmi les ronces : la maison natale d’Alice et de sa mère Marguerite, construite en 1830 par ses grands-parents et qui s’est effondrée dans les années 40. C’est là qu’elle pensait mettre fin à ses jours lorsque la maison n’existerait plus… »

La disparition d’Alice

Maële a fait de cette belle histoire un livre émouvant, redonnant vie à des gens simples et touchants.
@villaalice.29

« Ai-je le droit de raconter l’histoire d’Alice ? C’est la question que Maële s’est beaucoup posée en écrivant son livre. A la fin du rendez-vous d’août, elle sent qu’Alice a donné son accord. En partant, Maële lui annonce que le livre sortira fin novembre et que cela coïncidera avec son anniversaire. Elle lui dit qu’elle viendra le lui donner. Et Alice semble très heureuse. Malheureusement, Alice est décédée à la mi-septembre. «C’était très violent. Je venais de reconstituer toute l’histoire de sa famille. Cela m’avait pris tout mon temps, je vivais dans sa maison, avec ses objets, ses vêtements… J’ai sombré. J’ai découvert Lexomil. Puis le livre Villa Alice est sorti et a créé des moments beaux et forts. Il ne se concentre pas sur la vie privée d’Alice et de sa famille mais raconte des choses vraies, relate la poésie du quotidien. Cela fait du bien dans un monde de folie, de guerre, de famine, de viol… Cela prouve qu’on s’éloigne trop souvent de la simplicité. »

Le livre Villa Alice ne se concentre pas sur la vie privée d’Alice et de sa famille mais raconte des choses vraies, relatant la poésie du quotidien

Villa Alice

Dans l’une des maisons ayant appartenu à la famille d’Alice, Maële a créé une maison-musée.
Gîte musée de la maison d’Alice

Depuis juillet 2014, Maële et sa famille vivent dans la maison d’Alice. Ils transformèrent le bâtiment appartenant à sa tante où ils avaient vécu pendant les travaux en lodge. Mais attention ! Pas question de chasser les fantômes. Tout ce qui pouvait être conservé l’était : les poignées, les interrupteurs, les moulures. Les armoires appartiennent à Alice, tout comme la table de la cuisine. De nombreuses trouvailles sont exposées dans des vitrines. Aucune nostalgie dans tout ça. Au contraire, il y a une grande joie de vivre : celle liée au bonheur de cultiver les souvenirs qu’on aurait pu perdre. « Et parce que je voulais que tout cela continue après moi, le livre Villa Alice est enterré sous la maison. Si un jour, dans trois cents ans, quelqu’un fait un travail, il retrouvera cette histoire et pourra continuer à la diffuser ! »

Location de la loge du musée : greengo.voyage

« L’Histoire extraordinaire de la Villa Alice » de Maële Vincensini, éditions Locus Solus, 35 €.

@villaalice.29

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