« Je ne me sentais plus en forme », les dégâts de la course de poids à cause des foils
A l’échelle de la Marina Olympique de Marseille,
Impossible de rater les finalistes de l’IQ Foil, le nom des nouvelles planches de windsurf, sur la plage de la Marina Olympique de Marseille avec leurs épaules aussi imposantes que leur foil. Une nouveauté pour ces JO de Paris 2024 après l’abandon de la classe RSX à l’issue de ceux de Tokyo en 2021, et l’introduction de cette nouvelle classe IQ, et des planches équipées de foil.
L’arrivée de ce mât qui descend sous l’eau avec une aile avant et un stabilisateur arrière, qu’on appelle un « plan », a complètement révolutionné la discipline. Et profondément modifié le corps des athlètes qui le pratiquent. « C’est le nouveau support du foil qui demande une puissance énorme, c’est purement physique. On a un plan qui se déplace sous l’eau, plus on va vite, plus l’avion veut décoller et sortir de l’eau. S’il sort, on tombe et on s’arrête. Plus on met de poids pour le forcer sous l’eau, mieux c’est, c’est purement physique », confie le médaillé de bronze en RSX à Rio, Pierre Lecoq.
QI, « extrêmement élevé »
Une nouveauté pour ces athlètes, alors que les marins sur les bateaux sont beaucoup plus minces. Il serait d’ailleurs amusant de mettre Jean-Baptiste Bernaz, issu de la classe ILCA, les petits lasers, aux côtés de Nicolas Goyard, le représentant français des IQ, malheureusement éliminé avant la finale disputée ce samedi. Ce changement de classe a entraîné une explosion du poids des athlètes de près de 25kg, en moyenne, pour un gabarit moyen de 100kg chez les hommes.
Charline Picon, médaillée de bronze en 49er FX vendredi, avec sa coéquipière Sarah Steyaert, avait tout simplement décidé d’arrêter la planche à voile après ce changement de règlement en raison de la nécessité de prendre du poids. Chez les femmes, le minimum pour performer se situe autour de 67 kg, alors que Charline pesait 57 kg après sa médaille d’or à Rio et d’argent à Tokyo, dans la catégorie RSX. Et après avoir galéré pour arriver à 61 kg, elle a préféré abandonner pour simplement changer de discipline.
C’est donc Hélène Noesmoen qui a repris le flambeau en RSX, du haut de ses 1m69 et 73 kg. Ce qui ne l’a pas empêchée d’être éliminée en quart de finale samedi matin. « C’est vrai que quand on voit les gars, ils sont vraiment costauds, mais ça a surtout été un problème pour les garçons, plus que pour les filles, a-t-elle expliqué. Avec le RSX, on était un peu dans le bas du tableau, et avec le QI, dans le haut du tableau. Les garçons sont vraiment allés dans cet extrême, au point d’oublier un peu l’endurance car ça reste un sport complet. »
« Il était dégoûtant ! »
Ou même carrément dégoûté. Demandez à cet ami de Pierre Lecoq ce qu’impliquait cette prise de poids : « Plus que des mots, il n’a qu’à vous montrer une photo de lui il y a quatre mois, et pas besoin d’écrire un article. Il était dégoûtant ! » répond-il sans sourciller.
Un changement radical en l’espace de six mois entre la fin des Jeux de Tokyo, et l’abandon de la catégorie RSX, et le début des nouvelles compétitions IQ Foil. « Ce n’est pas comme au rugby où tu sais qu’il faut un gabarit imposant que tu construis au fil du temps, ici c’était super violent », explique-t-il.
Avec un régime recommandé de 30 g de protéines toutes les trois heures, et donc cinq repas à base de steak ou de protéines en poudre, par jour. Et les dégâts que cela provoque : « L’image est presque celle où tu te pèses le matin sur la balance, et tu te dis « cool j’ai pris 1 kg, je vais aller plus vite ».
« Je ne me sentais plus comme un athlète »
Bien sûr, la concurrence avec la sélection française pour les JO de Paris 2024, « le monstre Nicolas Goyard » selon ses propres mots, a joué. Mais il ne se reconnaissait plus du tout dans cette course au poids, lui qui est passé de 73 à 89 kg, au point de mettre un terme à sa carrière. « J’ai senti que j’étais arrivé à la limite. Je ne me sentais pas forcément bien, je ne me sentais plus athlète, avec cette priorité de prendre du poids. J’ai atteint un stade où je ne me sentais plus en bonne santé, sans compter le fait que beaucoup de gens me reconnaissaient à peine. Je ne l’ai pas vraiment bien pris et j’ai saturé ! » témoigne-t-il.
La classe IQ Foil prend petit à petit conscience que cette course au poids a ses limites, et réfléchit à réduire la taille des voiles d’1m2. Afin de limiter la vitesse et d’éviter de devoir trop pencher sur la balance. Une problématique tout aussi présente en kitesurf à foil, dont les compétitions débutent ce dimanche sur la Marina Olympique de Marseille.