«Je le fume matin, midi et soir. C’est bon, partage Lilou, 15 ans. Devant le lycée Montaigne à Bordeaux, la houppette est l’accessoire indispensable en sortie de cours. « Tout le monde en a un », affirme la jeune fille de CE1. Avec son packaging coloré et son prix attractif, la cigarette électronique jetable, avec ou sans nicotine, fait un tabac auprès des jeunes générations. Selon la dernière étude de l’Alliance contre le tabac (ACT), publiée le 21 novembre, 81 % des 13-16 ans connaissent ce produit, et 18 % l’ont déjà consommé, soit une augmentation de 5 points par rapport à 2022.
Pointées du doigt pour faciliter l’accès au tabac et causer des dégâts environnementaux, notamment à cause des microplastiques et des produits chimiques qu’elles contiennent, les bouffées devraient être retirées du marché français d’ici la fin de l’année. Une décision qui suscite des inquiétudes chez les buralistes. « C’est toujours la même chose », réagit Didier, gérant d’un bureau de tabac dans le centre de Bordeaux. La consommation ne diminuera pas, ni l’impact écologique. C’est juste une perte de revenus pour les commerçants comme nous. »
Marchés parallèles
La vente de ces cigarettes jetables représente entre 5 et 10 % de son chiffre d’affaires annuel. Depuis quatre ans dans la profession, Didier constate une baisse continue des ventes de tabac, avec 10 % de moins chaque année. « Un jour, nous nous retrouverons aux côtés des agriculteurs (référence au mouvement de contestation paysanne, NDLR). Notre métier est en train de mourir à petit feu», ajoute-t-il avec amertume.
« La consommation ne diminuera pas, ni l’impact écologique. C’est juste une perte de revenus pour les commerçants”
Pour lui, l’interdiction des bouffées n’arrivera pas de sitôt. « Je ne pense pas que ce soit pour cette année, il y a trop de trous dans le budget de l’Etat. Mais cela finira par arriver. » Il est certain que ce retrait des ventes n’influencera pas la consommation des jeunes qui, plutôt que de se tourner vers d’autres produits, continueront à s’approvisionner sur les marchés parallèles.
Accro
A la sortie du lycée Montaigne, Pierre tire sur sa cigarette électronique. « C’est de la merde, ce qu’il y a dans les bouffées », dit-il. Pourtant, le jeune homme de 16 ans en a fait un business pendant plusieurs mois. Il raconte en avoir acheté des cartons à des grossistes – des bouffées de 9 000 à 16 000 bouffées – puis les revendre à ses camarades. « Les jeunes de mon âge ne vont pas au bureau de tabac, c’est trop cher », explique-t-il. Aujourd’hui, il a mis fin à cette activité, mais avoue y avoir trouvé un business rentable, tout en brandissant son dernier smartphone.
« J’ai été influencée », avoue Juliette, une lycéenne de 16 ans qui fume depuis six mois. L’interdiction de vente n’aura aucun impact sur la consommation des mineurs qui préfèrent se tourner vers des solutions d’approvisionnement clandestines, via Instagram par exemple où la livraison est possible. « Au début, on a juste envie d’essayer pour avoir du style, mais c’est vrai que c’est moins stylé quand on devient accro… Je ne compte pas m’arrêter », confie-t-elle, entre deux puffs au goût de pastèque.