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«Je m’opposerai à la loi sur l’influence étrangère»

«Je m’opposerai à la loi sur l’influence étrangère»

La Croix : Que comptez-vous faire avec cette loi « sur l’influence étrangère » ?

Salomé Zourabichvili : Je devrais recevoir le texte d’ici quelques minutes pour signature et je m’y opposerai. Il s’agit d’un double des lois russes qui ont permis d’étouffer la société civile. C’est un mensonge, car le gouvernement avait promis en 2023 que ce projet de loi serait abandonné. Ce veto sert à montrer à la population qu’il y a un écart par rapport à notre ligne européenne. A chaque fois dans son histoire récente, la Géorgie s’est mobilisée lorsqu’il s’agissait de choses essentielles, comme l’indépendance ou la religion. En 1978, la population est descendue dans la rue contre la tentative de l’Union soviétique d’abolir la langue géorgienne comme langue d’État et a gagné. Désormais, il n’y a plus de photo : l’avenir européen s’identifie à l’indépendance.

Certains manifestants réclament des sanctions occidentales. Que peut faire l’Union européenne ?

Taille : L’Europe doit clarifier les choses et dire désormais : « Non, avec cette loi, vous n’adhérerez pas à l’UE. » Car le gouvernement promet qu’il réussira malgré tout à faire entrer la Géorgie dans l’UE. Il existe deux catégories de sanctions. Celles qui remettraient en cause notre nerf vital, le statut de candidat ou la libéralisation des visas, seraient lourdes et toucheraient directement la population.

En revanche, il appartient aux dirigeants européens de décider des sanctions contre les personnalités politiques responsables des violations des droits de l’homme lors des manifestations à Tbilissi, et contre celles qui ont voté de manière monolithique en faveur de la « loi russe ».

Jusqu’où peut aller le Rêve géorgien, le parti au pouvoir ? Croyez-vous à la possibilité d’un scénario similaire à celui de l’Ukraine en 2014 ?

Taille : Le gouvernement poursuit une stratégie « russe » qui tente de diviser la société. Il accuse l’Europe, mais notre voisin, la Russie, qui occupe encore 20 % du territoire géorgien, n’est accusé de rien du tout. Le Rêve Géorgien a interpellé ces jeunes dans la rue «Satanistes», et s’est retrouvé avec ces manifestants qui célébraient Pâques devant les églises. Ses tentatives échouent les unes après les autres. Cela ne veut pas dire que le gouvernement ne dispose pas de moyens de répression, par exemple en faisant pression sur les emplois publics, qui concernent 40 % des travailleurs. Mais je ne crois pas qu’un scénario ukrainien ou biélorusse soit possible. La Géorgie a de la chance d’avoir des élections (législatif, NDLR) proches, le 26 octobre.

Ce sera un référendum « pour » ou « contre » l’Europe. La population est consciente des risques. L’expérience montre que la mobilisation autour d’un projet fédérateur – 80 % des Géorgiens souhaitent l’intégration – l’emporte aux urnes. Et au-delà d’un certain pourcentage, on ne peut pas complètement truquer les élections en Géorgie.

Il y a quelques années, vous aviez assuré que l’oligarque Bidzina Ivanishvili, chef du parti au pouvoir, n’était pas « un sous-marin russe ». Avez-vous toujours cet avis ?

Taille : À l’époque, j’étais convaincu que non. C’est le Rêve géorgien qui, en 2018, a introduit dans la Constitution le paragraphe qui impose à toutes les institutions d’œuvrer pour l’intégration européenne et au sein de l’OTAN. Mais il a lui-même trahi son programme. Bidzina Ivanishvili était-elle une cinquième colonne de la Russie ? Ses choix après la guerre en Ukraine l’ont-ils rapproché ? Peut être. Son discours du 29 avril était une véritable déclaration de guerre contre les partenaires européens, qu’il accusait de déstabiliser le pays. Là, le Rubicon est franchi. Et la raison pour laquelle Ivanishvili l’a traversé, il l’expliquera un jour.

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