Divertissement

« Je dois avoir un intérêt particulier pour les gens mal en point, les mal intégrés »

Jacques Audiard, sur le tournage de « Emilia Perez », en 2023.

Émilia Pérez est le dixième long métrage de Jacques Audiard. Auteur populaire, amateur de cinéma de genre, ne dédaignant pas le style ostentatoire, il pousse ici le cap très loin, avec cette comédie musicale mexicaine queer passée au mixeur de films policiers et tournée dans un studio de Bry-sur-Marne (Val-de-Marne). Le film, pressenti pour la Palme d’or, a été très apprécié au Festival de Cannes en mai, où il a remporté le Prix du Jury, ainsi que le Prix d’interprétation féminine pour l’ensemble de ses actrices, emmenées par Selena Gomez, Zoe Saldana et Karla Sofia Gascon.

Comédie musicale, décor mexicain, film noir, mélodrame transgenre, stars hollywoodiennes, dialogues en espagnol : ce cartel impossible est-il sorti tout armé de votre cerveau ou s’est-il construit par sédimentation ?

Il s’agit d’une affaire qui remonte à 2019, les souvenirs s’entrechoquent. Mais l’impulsion vient certainement d’un chapitre du roman de Boris Razon Écouter (Stock, 2018)dans lequel un trafiquant de drogue hyperviolent change de destin en entreprenant un processus de transition. Cette lecture me surprend totalement, et c’est la manière dont elle me surprend qui me surprend finalement. Comme si elle cristallisait quelque chose qui était déjà là. De même avec le désir de comédie musicale. Un héros très discret (1996)Il y a une trentaine d’années, nous avions le projet d’écrire un petit opéra avec le compositeur Alexandre Desplat. Et puis la paresse nous a détruits. Puis, elle est revenue avec mon co-auteur Thomas Bidegain, et nous avons de nouveau abandonné. Il y avait donc évidemment un usage de la musique à préciser de mon côté. Ce qui fait que le premier texte que j’ai écrit pour ce film est un livret d’opéra.

Qu’en est-il du Mexique et de la langue espagnole ?

Cela aussi était là tout de suite. Le français était absurde, l’anglais indécent.

Pourquoi le français était-il absurde ?

D’abord parce que cela se passe au Mexique. Ensuite parce que le français est une langue accentuée, c’est une langue embarrassante, même si elle est sublime chez Debussy. Ce n’est pas une langue musicale comme peuvent l’être l’anglais ou l’espagnol.

La question de la transition vous avait-elle déjà traversé l’esprit de manière similaire auparavant ?

Oui, surtout au moment de Frères Sœurs (2018). La propriétaire du saloon était déjà une actrice trans. Mais ce qui est intéressant ici, c’est que le personnage trans se retrouve au centre d’un univers où le machisme règne en maître. C’est ce paradoxe qui est fécond.

Comment avez-vous rencontré l’actrice Karla Sofia Gascon, qui incarne à la fois Manitas del Monte et Emilia Perez ? Aviez-vous des prérequis concernant ce personnage ?

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Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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