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TotalEnergies sera-t-il populaire à New York ? – 13/05/2024 à 08h12

Le siège de TotalEnergies, à La Défense. (Crédit photo : Adobe Stock / )

Lassé du manque d’appétit des investisseurs européens pour les secteurs pétroliers et gaziers, le patron de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, se laisse tenter par la Bourse de New York. Patrice Geoffron explique pourquoi le PDG de la multinationale française compte se rapprocher des investisseurs américains.

Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies, a récemment fait état d’un projet de transfert de la cotation principale de la major française à Wall Street. Cette éventualité a suscité une vive réaction de la part de Bruno Le Maire, évoquant « l’intérêt suprême de la nation » et un signal politique « désastreux ». C’est moins l’attractivité industrielle de la France qui est en cause (puisque les activités du groupe sont très limitées sur le territoire et en Europe), que l’attractivité financière de la place parisienne. Rien n’est décidé à ce stade, l’étude exploratoire devant être soumise au conseil d’administration en septembre. Mais, cent ans après la création de la Compagnie Française des Pétroles, ancêtre du groupe, cette perspective, à forte portée symbolique, mérite attention.

L’actionnariat institutionnel américain se développe

Patrick Pouyanné souligne l’intérêt d’une cotation au plus près des actionnaires appétissants pour TotalEnergies « Nous sommes confrontés à une situation où les actionnaires européens soit vendent leurs positions, soit les conservent, tandis que les actionnaires américains achètent. Et de fait, la part des actionnaires institutionnels américains a augmenté en dix ans de 33 % à 48 %, tandis que celle de l’Europe a diminué de 45 % à 34 %. L’objectif, avec cet « alignement », serait de réduire une partie de la décote subie par TotalEnergies, de l’ordre d’1/3 par rapport à ses comparables américains comme Chevron et ExxonMobil (selon Bank of America Securities).

Mais, en réalisant ce transfert, TotalEnergies devra aussi convaincre de la pertinence d’une stratégie de transition (notamment vers les renouvelables) qui a consommé 1/3 de sa capacité d’investissement en 2023, et qui fait de l’entreprise « l’une des les développeurs solaires et éoliens les plus actifs au monde » (selon les termes du rapport d’étape Sustainability & Climate 2024 du groupe). Si ces efforts sont jugés insuffisants de notre côté de l’Atlantique (voir les travaux en cours de la commission d’enquête du Sénat), ils pourraient paraître excessifs d’autre part, en raison de la rentabilité intrinsèque plus faible des projets carbone, par rapport aux projets fossiles. Cela est d’autant plus vrai que TotalEnergies dispose d’un portefeuille pétrolier dont les coûts de production sont parmi les plus bas parmi les Majors, une garantie. de « résilience » face au yo-yo du prix du baril.

Un élément du débat sur l’union des marchés des capitaux

Bien au-delà de son seul cas, le projet étudié chez TotalEnergies s’inscrit dans le débat sur l’union des marchés de capitaux en Europe : Linde (anciennement la plus grande capitalisation d’Allemagne) ou CHR (géant irlandais des matériaux de construction) ont déjà traversé l’Atlantique, tandis que d’autres l’envisagent (comme Shell, Heidelberg, Indivior, etc.). Dans le même esprit, Holcim a même scindé son activité nord-américaine pour la coter à New York.

L’unification des marchés de capitaux en Europe se présente comme une ingénierie complexe, puisque le paysage est composé de 35 lieux, 22 opérateurs boursiers, 18 chambres de compensation… L’enjeu est pourtant (euphémisme) crucial sachant que le Green Deal , selon la Commission, cela implique d’investir 600 milliards d’euros supplémentaires par an, jusqu’en 2050.

Enrico Letta – président de l’Institut Jacques Delors et ancien président du Parti démocrate italien – a bien posé la question en intitulant son rapport, présenté lors de la réunion extraordinaire du Conseil européen des 17 et 18 avril 2024, « Bien plus qu’un marché ». Harmonisation réglementaire, création d’un produit d’épargne européen, garantie publique pour soutenir les investissements dans la transition écologique…

La « liste des choses à faire » est longue sur le chemin de l’unification. D’autant que, comme l’indique avec force Enrico Letta, la condition préalable est de convaincre les citoyens européens qu’une telle intégration est cruciale pour atteindre des objectifs mondiaux autrement inaccessibles, comme la « transition juste, verte et numérique ». . À moins d’un mois d’élections où les questions européennes sont marginalisées, on mesure l’ampleur du défi.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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