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« J’ai l’impression de regarder un énorme journal télévisé »

Le Cambodge est l’un des pays les plus minés au monde. Cette réalité lointaine de Rome est une de celles qui  » frappé «  Frère Aloïs, ancien prieur de la communauté de Taizé (Saône-et-Loire), lors des débats de ces deux dernières semaines au Vatican.

Autour des tables du Synode sur la synodalité, « nous entendons de forts témoignages de vie selon l’Évangiledit à La Croix le religieux venu à Rome depuis Cuba, où il s’est installé au début de l’année. Je pense à cet évêque du Cambodge, où les chrétiens sont minoritaires, qui a mis en place un accueil pour les personnes blessées par des engins antipersonnel, un atelier dans lequel ils fabriquent des fauteuils roulants.« .

Membre du Synode, le jésuite espagnol Enrique Figaredo Alvargonzalez, préfet apostolique (1) de Battambang, au nord-ouest du Cambodge, a décrit comment il travaille avec les autorités du royaume et diverses ONG pour mettre en œuvre des programmes sociaux. Des millions de mines antipersonnel ont été posées dans ce pays d’Asie du Sud-Est entre 1978 et 1998. « Alors que l’on parle d’une « Église synodale en mission », je trouve que cet atelier en est un exemple frappant », dit frère Alois.

Comme lui, plusieurs membres de ce long Synode en deux sessions (octobre 2023 et octobre 2024) disent découvrir à Rome « Réalités de l’Église » qu’ils ont ignoré. « L’année dernière, nous ne nous connaissions pas encore, cette année les échanges sont plus approfondis », a décrit un participant, « très marqué » en partageant l’expérience du cardinal italien Giorgio Marengo de Mongolie, où vivent 1.400 catholiques. L’insistance de François à vouloir « désoccidentaliser » l’Église semble aujourd’hui donner la primauté à des contextes auparavant considérés comme mineurs.

Iran, Nicaragua, Haïti…

Parfois livrés lors des pauses-café, les témoignages discrets de l’archevêque de Téhéran (Iran), Dominique Mathieu, bientôt cardinal, ou de l’évêque de Matagalpa Rolando Alvarez, expulsé du Nicaragua où il avait été emprisonné pour s’être opposé à la dictature de Daniel Ortega, l’ont fortement remis en question, selon deux sources.

Poreux à l’actualité, «l’Assemblée (du Synode) a été marqué par lediffusion d’une vidéo de la paroisse de Gaza (8 octobre) « , dit un francophone, qui dit « découvrez à quel point l’Église s’implique auprès des personnes qui souffrent. « Au Synode, j’ai parfois l’impression de regarder un grand journal télévisé en direct, ajoute ce participant qui a demandé l’anonymat. Je n’ai jamais eu autant d’informations sur des conflits dont on parle peu, comme Haïti.» Le pays caribéen est représenté à Rome par Mgr Launay Saturné (archevêque du Cap-Haïtien).

Comme lui, un participant au Synode sur cinq vit dans un pays où se déroule un conflit armé, selon un comptage réalisé par La Croix. Birmanie, Colombie, Ethiopie, Cameroun… Outre les contextes géopolitiques difficiles, c’est aussi la diversité des modes d’organisation de l’Église qui est mise en avant. « Il est certain que l’universalité de l’Assemblée est l’un des leviers de sa féconditédécrit l’évêque de Nanterre, Mgr Matthieu Rougé, l’un des membres français du Synode. J’aurais du mal à citer un fait particulier tant la variété des expériences locales partagées avec les évêques et les moniales d’Afrique, d’Orient, d’Océanie, d’Amérique du Nord et du Sud, sans oublier les Asiatiques et les Européens, est nourrissante.! »

Au Vatican, l’objectif des dix prochains jours est de formaliser un document final de ce Synode, et ainsi d’harmoniser les attentes. Mais est-ce vraiment possible ? « Ce Synode nous aide à socialiser nos expériences, il nous fait écouter les bonnes pratiques des autresveut croire Mgr Cristobal Lopez Romero, archevêque de Rabat (Maroc). Après, il y aura toujours des différences. Par exemple, un catéchiste n’a rien à voir avec l’Europe et l’Afrique.. En Afrique, le catéchiste est souvent un homme marié qui préside la communauté, prépare les sacrements… C’est presque un prêtre laïc. »

Difficile d’imaginer en France, où les diacres permanents représentent une figure familière, au point que certains souhaitent que le diaconat devienne accessible aux femmes. Mais comment cette idée pourrait-elle ne pas apparaître centrée sur l’Occident en Afrique ou en Asie ? 97% des 50.159 diacres permanents recensés dans le monde exercent leur ministère en Europe ou sur le continent américain, selon l’annuaire pontifical 2024. D’où cette question au cœur du Synode : est-ce encore à Rome de prendre des décisions pour le monde entier ?

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« Il est probable qu’il n’y aura pas de consensus de toute l’Église »

Père Ormond Rush,Théologien australien, expert au Synode, lors d’une conférence de presse au Vatican le 16 octobre

« Ce que nous devons toujours examiner, c’est la capacité à parvenir à un consensus. S’il n’y a pas de consensus sur certaines questions, cela signifie que la discussion doit se poursuivre, mais pas nécessairement qu’elle est définitivement close. (…) Il est certain que la notion de synodalité est rejetée (par certains, NDLR) et peut-être à cause de cela, lors de la dernière session du Synode et cette année, les gens ont parlé de ces sujets (la place de la femme, le genre, l’inclusion des personnes homosexuelles, etc.) mais d’autres présents au Synode se sont sentis mal à l’aise. Et il est probable qu’au cours de deux sessions du Synode, il n’y aura pas de consensus de l’Église entière. C’est une question de culture. »

(1) Équivalent à un évêque dans un territoire non encore constitué en diocèse.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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