Jacques Fesch, guillotiné en 57, sera-t-il réhabilité ? La Cour de cassation rend son arrêt mardi
La justice va-t-elle réhabiliter Jacques Fesch, guillotiné le 1euh Octobre 1957 ? Un peu plus de 67 ans plus tard, la Cour de cassation rend sa décision ce mardi 15 octobre 2024 en début d’après-midi. Celle-ci, d’une portée essentiellement symbolique, sera définitive et ne pourra faire l’objet d’un recours. Retour sur cette affaire judiciaire et le combat de son fils, Gérard Fesch.
Un policier tué
Le 25 février 1954, Jacques Fesch avait 23 ans. C’est un jeune homme dit « de bonne famille », habitant Saint-Germain-en-Laye, fils de banquier, qui rêve d’acheter un voilier et de naviguer jusqu’à Tahiti. Il en commande un aux ateliers navals de Saint-Nazaire. Sans le sou, il décide de braquer un agent de change dans le centre de Paris, armé d’un revolver volé à son père et avec l’aide d’un complice. Mais le braquage dégénère : en frappant l’agent avec la crosse de son fusil, l’apprenti braqueur tire et alerte les passants. Lors de sa fuite, il a blessé par balle plusieurs personnes, dont un policier, avant d’être maîtrisé. Le sous-brigadier Jean-Baptiste Vergne, âgé de 35 ans, récemment veuf, est décédé. Il laisse une fille de quatre ans. Interrogé immédiatement, Fesch a reconnu les faits. L’enquête établira qu’il a prémédité son vol sans l’aide de son complice. Les photographies de son arrestation montrent un jeune homme svelte, aux cheveux clairs ébouriffés, aux tempes rouges et au pull taché de sang. Il risque la peine de mort.
Foudroyé par la foi
Il a ensuite été incarcéré pendant trois ans au ministère de la Santé en attendant son procès. Lors de son séjour dans la prison parisienne, Jacques Fesch découvre la foi. Cette passion de plus en plus brûlante pour la religion se matérialise dans les nombreuses lettres qu’il échange avec ses proches, sa famille, mais aussi un moine avec qui il correspond régulièrement. Son avocat, Me Paul Baudet, est lui-même un fervent catholique. Fesch ressent alors une forte culpabilité et souhaite se repentir auprès de la famille de Jean-Baptiste Vergne. « Quel mal aurais-je pu faire autour de moi par mon égoïsme et mon inconscience »il écrit notamment, comme le rapporte La Croix .
Le 6 avril 1957, jour de son 27e anniversaire, il est condamné à mort pour vol suivi de meurtre par la cour d’assises de Paris. René Coty, alors président, refuse de lui accorder sa grâce. Le 1euh En octobre de la même année, il est guillotiné dans la cour de la prison de La Santé. Ses lettres de prison et son journal, publiés à titre posthume, ont eu un fort impact sur les jeunes lecteurs, poussant Mgr Lustiger à ouvrir une enquête pour béatification en 1987. Une école normande porte son nom depuis 2011.
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Le combat d’un fils
Quelques heures avant de se rendre à l’échafaud, Jacques Fesch avait écrit une lettre à « son fils Gérard » : « Faites-lui savoir que s’il ne peut être mon fils par la loi, il est selon la chair et son nom est gravé dans mon cœur. »
Gérard Fesch, un enfant de l’Assistance publique qui « a grandi dans la douleur » dans différentes familles d’accueil, a 40 ans lorsqu’il découvre, par hasard, qui est son père. Ce lien sera reconnu par la justice en 2002, après huit années de procédure.
Pour qu’on se souvienne « l’autre côté, un peu plus lumineux » par Jacques Fesch, son fils décide de repartir dans une aventure judiciaire. Il expliquait en 2020 àAFP que pouvoir réhabiliter son père n’est pas «réjuger Jacques Fesch» ni l’un ni l’autre « annuler sa peine »mais prends une sorte de » pardon « laïc pour un homme qui a « a largement payé sa dette ». Et « apporter une nouvelle pierre à la lutte contre la peine de mort. »
Une décision historique ?
A l’aube de l’arrêt de la Cour de cassation, Gérard Fesch, aujourd’hui âgé de 69 ans, « y croit ». Il a dit auAFP « j’ai hâte de savoir » quel sera le « arrêt complet » du combat qu’il mène « depuis exactement 30 ans ». Mais lors de l’audience de juin, le procureur général n’a pas été convaincu. Jacques Fesch avait certes été irréprochable en détention mais il n’y avait rien » fourni « pour la société ; et rien, dit-il, ne permet d’établir qu’il ait indemnisé les victimes. Quant à son « élévation religieuse »cela concerne principalement la sphère intime, a-t-il estimé. Et si Jacques Fesch est devenu un modèle pour les autres après sa mort, c’est « indépendamment de sa volonté ».
Basée sur l’idée du pardon, la rééducation est un « mesure de gentillesse »permettant« effacer » condamnation une fois la peine purgée – à condition que le condamné prouve sa « bonne conduite » pendant cinq ans.
Un délai qui, par définition, ne peut exister pour une personne condamnée à mort. La loi a été modifiée en 2020 grâce au combat de Georges Fesch, pour créer un recours spécifique ouvert aux ayants droit d’une personne condamnée à mort, « tendant au rétablissement de son honneur sur la base des promesses d’amendement qu’elle a pu fournir. »
« La décision que vous vous apprêtez à prendre est historique »M. Spinosi a déclaré lors de l’audience. Et au-delà du combat de Jacques Fesch et de son fils, c’est l’occasion « prononcer une décision symbolique contre la peine de mort ».
« Réhabiliter Jacques Fesch, c’est dire que, s’il avait vécu, il aurait pu montrer qu’il avait changé, c’est dire qu’il était plus grand que son crime »il a plaidé. « Vous pouvez reconnaître ce droit au pardon. »