«Jacaranda», le deuxième roman bouleversant de Gaël Faye
Huit ans après la parution de « Petit pays », Gaël Faye revient avec « Jacaranda », un roman qui explore l’histoire du Rwanda à travers les récits de quatre générations.
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Publié en août 2016, Petit pays, Premier roman de Gaël Faye, il connaît un véritable succès. Lauréat du prix Goncourt des lycéens, traduit dans une quarantaine de langues, l’ouvrage se vend à près de 1,5 million d’exemplaires et est adapté au cinéma, au théâtre et en bande dessinée. Jacarandaen librairie le mercredi 14 août, continue le thème de Petit pays et plonge le lecteur dans l’actualité du Rwanda.
L’histoire : Milan était en sixième lorsque le génocide des Tutsis a été perpétré par les Hutus au Rwanda. De ce pays, loin de sa vie versaillaise, il ne connaissait que le nom et les images des massacres diffusés à la télévision. Sa mère, une Rwandaise installée en région parisienne depuis vingt ans, ne lui avait jamais raconté son histoire. Mais la médiatisation du génocide a suscité des interrogations chez le jeune garçon et a fait entrer la question des origines dans le foyer familial.
D’un premier voyage à l’adolescence à son intégration progressive dans les rues de Kigali, Jacaranda suit la rencontre de Milan avec le Rwanda, sa famille, son histoire.
Dans Petit pays, Gaël Faye raconte à la première personne la vie de Gabriel, un adolescent franco-rwandais qui a grandi au Burundi et dont la famille s’est installée dans les Yvelines peu après le début de la guerre civile burundaise et du génocide au Rwanda. Jacaranda, L’auteur réalise le mouvement inverse. Loin de l’exil, il narre la vie quotidienne de Milan, un jeune franco-rwandais qui a quitté Versailles pour s’installer dans le pays natal de sa mère.
Un roman sur la quête des origines ? Pas vraiment. Milan se rend pour la première fois au Rwanda presque sous la contrainte. Son regard est d’abord celui d’un étranger, fixé sur le « canaux d’eaux usées et sales » ou sur « l’odeur nauséabonde » L’intérêt qu’il porte au pays ne vient pas d’un désir de se l’approprier. Jacaranda est une histoire d’attachement, d’amitié. Ce sont des relations fortes qui amènent le jeune garçon à se remettre en question et qui donnent à ce roman ses plus beaux passages ainsi que, peut-être, sa plus grande conviction : il faut être prêt à comprendre pour bien aimer.
Lorsque Milan arrive au Rwanda, il ne connaît rien de l’histoire nationale. Le tabou entourant la situation politique et le génocide est immense. L’apprentissage de Milan se fait alors à travers les lacunes laissées ouvertes par son entourage, autant de témoignages qui constituent une fresque intime et émouvante. Jacaranda, dont l’intrigue s’étend sur vingt-six ans, est une démarche tâtonnante vers la compréhension d’une histoire familiale qui dévoile, en filigrane, la terrible histoire du pays.
Sans jamais négliger la fiction, Gaël Faye propose ainsi un livre d’une grande pédagogie autour d’événements souvent méconnus en France. L’auteur explore les racines coloniales du génocide des Tutsi, revient sur l’histoire politique et religieuse, et s’intéresse aux séquelles, aux traumatismes de la population. Publié à l’occasion de la commémoration du trentième anniversaire du génocide rwandais, Jacaranda est un livre important, à ne pas manquer.
« Jacaranda » de Gaël Faye (Grasset, 282 pages, 20,90 euros).
Extrait : « Bien plus tard, au milieu de la nuit, je fus réveillé par l’odeur âcre de la fumée et les cris des pompiers, à quelques mètres de notre maison, derrière le mur de pierre du jardin. Je me levai en toussant pour fermer une fenêtre laissée entrouverte. De ma chambre, je voyais de hautes flammes dans les marais salants. Le spectacle était magnifique et terrifiant. C’est alors que je la remarquai. Debout au milieu du jardin, pieds nus dans l’herbe, une chemise de nuit blanche, immobile et seule. Sa silhouette se détachait dans une ombre énigmatique dans la lumière vacillante des flammes.
C’était en juillet 1994. Alors que je regardais ma mère dans le dos, elle regardait la nuit brûlante, un génocide était en train de se terminer dans son pays natal. Je n’en savais rien. («Jacaranda», pages 22-23).