« ITER ou le rêve prométhéen et exorbitant de domestiquer le Soleil »

PRométhée ou Icare ? En voulant copier le Soleil pour en arracher le secret, l’humanité s’est lancée dans l’un de ses paris scientifiques et technologiques les plus fous. C’est la promesse de la fusion nucléaire, une énergie quasi infinie pour un processus qui génère plus d’énergie qu’il n’en consomme. Un rêve prométhéen et exorbitant. Depuis plus de soixante-dix ans, les chercheurs du monde entier se passionnent pour cette question. En 1985, Mikhaïl Gorbatchev, dernier dirigeant de l’Union soviétique, parvient à convaincre le président français François Mitterrand puis l’américain Ronald Reagan de lancer la plus grande coopération scientifique internationale de l’histoire. La plus aventureuse et la plus coûteuse aussi.

Situé dans le sud de la France, à Cadarache (Bouches-du-Rhône), le réacteur de fusion nucléaire ITER rassemble désormais l’Union européenne, les États-Unis, la Russie, la Chine, le Japon, la Corée du Sud et l’Inde. Sa construction a débuté en 2007 et devrait durer dix ans pour une phase de production d’énergie en 2025, le tout pour un coût estimé à 10 milliards d’euros sur quarante ans. Mercredi 3 juillet, les dirigeants d’ITER ont présenté leur nouvelle feuille de route. Après dix-sept ans de construction, le réacteur est loin d’être opérationnel. La production du premier plasma, chauffé à 150 millions de degrés pour répliquer le four solaire, a été repoussée de huit ans, vers 2034. Résultat, la facture va augmenter de 5 milliards d’euros pour atteindre 25 milliards.

Depuis le début, de nombreuses voix scientifiques se sont élevées pour critiquer un objet aussi coûteux pour un résultat aussi incertain. En effet, c’est seulement à partir de la production de plasma que les hypothèses théoriques peuvent être validées, alors que nous ne sommes pas encore certains de la résistance des matériaux à de telles températures. En voulant s’approcher aussi près du Soleil, la communauté des physiciens et les États qui les soutiennent ne risquent-ils pas de se brûler les ailes, comme le malheureux Icare ?

En plein essor

Ce qui est sûr, c’est que la situation géopolitique actuelle rend impossible la reproduction d’une telle coopération internationale. Le paradoxe est que malgré les difficultés répétées d’ITER, le secteur privé de la fusion nucléaire est en pleine effervescence. Une trentaine de start-up dans le monde affirment pouvoir le faire plus vite et beaucoup moins cher. Des entreprises américaines comme Commonwealth Fusion ou TAE Technologies ont reçu plusieurs milliards de dollars de la part de poches profondes comme Google, Bill Gates, Chevron ou ENI pour tenter de trouver la technologie de rupture qui, d’ici dix ans, rendra obsolète l’excédent d’ITER.

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