Elle n’arrive toujours pas à dormir. Lamiss Al-Jaar a cru qu’elle allait mourir quand, accompagnée de ses deux filles, de ses deux sœurs et de sa nièce, la jeune bédouine israélienne a été victime de violences de la part de colons juifs. Une attaque qui a suscité l’indignation en Israël : alors qu’elles quittaient Rahat (désert du sud d’Israël) vendredi dernier, en direction de Naplouse, grande ville palestinienne au nord de la Cisjordanie occupée, elles ont été attaquées par ceux qui se font appeler « la jeunesse des collines », un mouvement radical du sionisme religieux, rêvant de faire de la Cisjordanie une terre juive, invoquant les temps de l’Israël biblique.
« Nous nous sommes perdues », raconte sa sœur, Raghda Al-Jaar, 29 ans. Selon son témoignage, un homme à qui elles demandaient leur chemin les a mises sur la mauvaise voie avant de leur barrer la route avec sa voiture alors qu’elles tentaient de faire demi-tour. Elles ont ensuite été victimes, selon la police israélienne, d’une « grave attaque », de « jets de pierres », de « menaces avec des armes » et d’un « incendie » de leur voiture – après qu’elles soient « entrées par accident » dans « Givat Ronen (un avant-poste de la colonie juive de Har Bracha, au sud de Naplouse) ». L’un des hommes aurait directement menacé sa petite fille, Elaf, avec son arme, rapporte Lamiss Al-Jaar.
« J’ai dit (…) que nous étions des citoyens israéliens » et quand l’un des agresseurs « a compris que je parlais à la police » au téléphone, « il a jeté une grosse pierre à mon pied », raconte-t-elle. Les Bédouins d’Israël, comme d’autres minorités arabes du pays, se plaignent de discriminations, même si beaucoup d’entre eux servent dans l’armée ou la police.
Cinq personnes arrêtées
La jambe gauche dans le plâtre sous son abaya noire, Raghda Al-Jaar, qui dit aussi avoir été blessée à la tête, se déplace à l’aide d’un déambulateur. Sa sœur, Lamiss, assistante maternelle de 22 ans, montre ses doigts fracturés et décrit son dos comme « cassé ». Avec leur nièce, Hind Al-Jaar, également infirmière de 22 ans, elles disent avoir pris la fuite aussi vite qu’elles le pouvaient avant d’être secourues par la police et les soldats israéliens.
Le président israélien Isaac Herzog a appelé leur père, Adnan Al-Jaar, lui disant qu’il était « choqué » par la violence et lui assurant que « tous les citoyens d’Israël ont droit à un traitement égal et décent ».
Se déclarant réconforté par l’appel d’Isaac Herzog, Adnane Al-Jaar, qui, comme ses filles, alterne entre l’hébreu et l’arabe, a indiqué que des cars entiers de juifs et d’arabes israéliens étaient venus manifester leur soutien. Depuis, la police a annoncé l’arrestation de cinq suspects, dont quatre sont toujours détenus et le cinquième assigné à résidence.
« Vivre ensemble »
Adnane Al-Jaar, chauffeur routier de 59 ans, craint néanmoins que l’affaire finisse par être classée sans suite, comme tant d’autres. Jugée illégale au regard du droit international par l’ONU, la colonisation israélienne en Cisjordanie s’est poursuivie sous tous les gouvernements, de gauche comme de droite, depuis qu’Israël a conquis ce territoire palestinien en 1967.
Elle s’est considérablement intensifiée, tout comme la violence dans cette région, depuis la formation en décembre 2022 du gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu, dans lequel siègent plusieurs ministres d’extrême droite favorables à l’annexion pure et simple de toute la Cisjordanie, et plus encore avec la guerre en cours entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre.
Le rabbin Benny Lau, figure de proue du judaïsme orthodoxe soucieux d’ouverture, a rendu compte sur Facebook d’une rencontre avec Adnane Al-Jaar, soulignant les aspirations de « millions » d’Israéliens qui veulent « vivre ensemble ».