Divertissement

Isabelle Huppert drolatique et émouvante dans une balade salutaire au pays des fantômes

Ses temples, ses jardins, sa gastronomie, ses coutumes et ses fantômes… Sidonie, romancière française interprétée par la ravissante Isabelle Huppert, découvre les subtilités du pays du Soleil levant sur les traces de son éditeur japonais.

France Télévisions – Culture Edito

Publié


Temps de lecture : 4 min

Isabelle Huppert sur l'affiche de "Sidonia au Japon"d'Elise Girard, sortie le 4 avril 2024. (ART HOUSE)

Pour son troisième long métrage, la réalisatrice Elise Girard propose une Isabelle Huppert au sommet dans un rôle mi-tragique mi-comique dans une histoire de deuil, de fantômes et d’un amour qui s’épanouit à l’autre bout de la planète. Sidonia au Japon sorties en salles le 4 avril 2024.

Sidonie Perceval (Isabelle Huppert), écrivaine à succès en manque d’inspiration depuis la mort accidentelle de son mari, se rend au Japon à l’invitation de son éditeur japonais, à l’occasion de la réédition de son premier roman, un best-seller. Ce voyage, qu’elle hésite à faire jusqu’au dernier moment, s’avérera payant.

Sidonie découvre le Japon avec Kenzo Mizoguchi (Tsuyoshi Ihara) son éditeur, qui lui explique savamment dans un français parfait récité d’une voix de robot les subtilités de son pays. Nous ne nous inclinons pas devant certaines personnes, nous ne regardons pas dans les yeux un homme que nous ne connaissons pas, nous ne parlons pas de nos sentiments et « on ne parle pas de faire l’amour, on le fait ». Sidonie trottine derrière son guide, se plie à ces conventions et prend plaisir à découvrir la beauté des temples, des gravures, des jardins, de l’architecture traditionnelle…

Au pays des fantômes

Sidonie Perceval a un passé marqué par des drames à répétition. « L’écriture est ce qui reste quand on se retrouve sans rien », a déclaré la romancière aux journalistes japonais qui l’interrogeaient sur son œuvre. Hantée par la mort de ses proches, l’écriture lui a servi à ne pas « guérir »mais « survivre »leur explique-t-elle.

Le pays des fantômes lui offre l’opportunité de revoir son mari Antoine (Août Diehl), qui s’invite de manière inattendue dans son voyage. Le fantôme (éclairé comme au théâtre, incrusté dans l’image), inquiète d’abord Sidonie. Mais les deux époux finissent par se dire ce qu’ils n’ont pas pu se dire à cause de la mort brutale d’Antoine. Ainsi Sidonie parvient-elle enfin à libérer son mari de l’entre-deux dans lequel son chagrin l’a enfermé, et à se libérer de ses propres fantômes.

On assiste à un double mouvement de Sidonie se détachant de son mari décédé en même temps qu’elle se rapproche de Kenzo (avec la complicité du fantôme). Un mouvement que la mise en scène accompagne de manière presque chorégraphique, avec la musique de Bach, notamment au piano, omniprésente, comme un personnage de plus.

Le réalisateur développe cette idée à travers des situations répétées, comme celle des deux protagonistes en voiture sur fond de paysages qui défilent, toujours assis chacun du même côté, à une distance respectable, se rapprochant chaque jour un peu plus, jusqu’à inversion des lieux. , comme une métaphore de la transgression des conventions et des rites, si répandus au Japon, que l’amour naissant se brise.

Les choses bougent imperceptiblement au fil du temps, jusqu’à cette scène d’amour, véritablement très belle et sensuelle, entre deux mains, jusque-là judicieusement placées côte à côte sur la banquette arrière du taxi qui emmène Sidonie et Kenzo à travers les paysages de l’archipel. Ainsi ces deux êtres aux antipodes se retrouvent, se rencontrent, sur le terrain commun de leurs histoires intimes, hantés par le deuil.

«Je me sens changé»

Le film est servi par une mise en scène riche d’idées et soignée, avec des cadres et des couleurs qui forment des peintures tantôt drôles comme des dessins de Sempé, tantôt équilibrées et apaisantes comme des gravures. Isabelle Huppert compose avec tout son corps et son sens aigu du silence ce personnage atypique, à la fois tragique et comique, jouant son rôle en parfaite synchronisation avec son partenaire japonais.

Isabelle Huppert et Tsuyoshi Ihara dans "Sidonia au Japon"d'Elise Girard, sortie le 4 avril 2024. (1015 ! PRODUCTIONS LUPA FILM BOX PRODUCTIONS FILM EN EVOLUTION FOURIER FILMS MIKINO LES FILMS DU CAMELIA)

A travers le regard de Sidonie, la réalisatrice s’amuse et nous amuse du choc des cultures, jouant avec les clichés traditionnellement associés au Japon : les cerisiers en fleurs, la gastronomie, les belles gravures et les jardins soignés, les mille codifications qui régissent les relations humaines, entre les arcs, les hiérarchies dans regards et distances interpersonnelles à respecter.

« Tout est étrange. Je me sens changé. Toute cette nouveauté me bouleverse« , dit Sidonie à Kenzo. Entre dialogues très écrits, mise en scène minimaliste et titre rohmérien, ce troisième long métrage d’Elise Girard a de faux airs de Nouvelle Vague. Plein d’humour et de tendresse, il évoque avec justesse un pays aux coutumes uniques, tout en proposant une réflexion sur le deuil et les rencontres, souvent en terres étranges et inconnues.

Affiche de film "Sidonia au Japon"d'Elise Girard, en salles le 4 avril 2024. (ART HOUSE)

La feuille

Genre : Drame
Directeur: Élise Girard
Acteurs: Isabelle Huppert, Tsuyoshi Ihara, August Diehl
Pays : France, Allemagne, Japon, Suisse
Durée : 1h35 min
Sortie : 3 avril 2024
Distributeur : Maison d’art

Synopsis :
Sidonie part au Japon pour la sortie de son best-seller. Malgré le dévouement de son éditeur japonais auprès duquel elle découvre les traditions du pays, elle perd peu à peu ses repères… Surtout lorsqu’elle se retrouve nez à nez avec son mari porté disparu depuis plusieurs années !

Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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