Au lendemain du 23ème bouclier de Brennus, le président du club haut-garonnais a accordé une interview à La Dépêche Midi. Il évoque les finales remportées, la saison, la place de l’institution dans le rugby français. Et le futur.
Quel est votre principal sentiment au lendemain de ce doublé ?
Je dois avouer que c’est une année assez particulière car quand on a le statut de favori, il faut être à la hauteur. En fait, ce qui est génial, c’est que ce titre a été gagné en battant les deux meilleures équipes du championnat, même si bien sûr je ne peux pas m’empêcher de penser au Stade Français, qui a été notre rival au classement toute la saison. Bordeaux et La Rochelle faisaient partie des équipes que l’on craignait le plus. La Rochelle pour sa puissance, et Bordeaux pour sa réputation et son jeu de ligne. Néanmoins, à un moment, on s’est dit qu’il fallait battre tout le monde pour être le champion de France légitime. Et en fait, c’est ça qui est incroyablement jouissif cette année. C’est d’avoir ce deuxième titre consécutif, ce deuxième titre de la saison, ce fameux double-double tout en battant notre adversaire historique le Leinster en finale de Champions Cup, et tous nos adversaires en finale de Top 14.
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Cette finale était aussi particulière…
Le contexte de la finale qui s’offrait à nous était déjà un contexte particulier avec l’envie d’être là avec nous-mêmes, peut-être avec un certain écho de cette demi-finale qui, malgré ces cinq tentatives, semblait à certains incomplète ou insuffisante, on l’appellera ainsi. Et la finale est peut-être trop suffisante car elle peut être écrasante. Loin de notre idée d’écraser qui que ce soit, le fait est que ce jour-là, on a rencontré une équipe de Bordeaux qui était juste épuisée. C’était le match de trop pour eux. Ils avaient gravi les échelons un à un avec beaucoup de classe, d’efficacité et de dextérité. Je pense sincèrement, manquant peut-être d’humilité aux yeux de certains, que pendant trente minutes, on a vu le grand Stade Toulousain. Celui qui est efficace par le jeu, son jeu vers l’avant, sa conquête, son pragmatisme, son efficacité et par sa somme d’individualités qui font de lui un collectif hors du commun. On dit souvent la bande à Dupont et quand on est petit, on parle souvent de Dupont et de Durand. Dupont est une personne ordinaire avec un nom ordinaire et c’est un homme extraordinaire. Et cette équipe est ordinaire dans le sens de la simplicité, de l’accessibilité et elle reste néanmoins extraordinaire dans son talent et elle devient inaccessible à la fin de la finale parce qu’il y a 59 points.
59 aussi que le nombre de joueurs utilisés. Est-ce la clé de ce succès ?
Je pense que nous avons atteint ce score justement parce que nous avons joué avec 59 joueurs et que nous étions les plus frais en finale, contrairement à cette demi-finale en 2022. Je crois que les règles de gestion font en sorte que nous apprenions de nos échecs. Nous en sommes à notre sixième année. Ce qui est différent entre 2019-2020 et 2023-2024, c’est que nous avons appris. Nous avons appris que ce groupe extraordinaire, qui a la chance, l’honneur de jouer une Coupe du monde, doit être protégé. Il nous manquera encore d’humilité, mais au-delà de toutes les conditions que nous essayons de réfléchir et qui sont si légitimes mais difficiles à légiférer entre les clubs et la FFR, je crois que le Stade Toulousain est en avance sur la capacité à faire jouer moins ses joueurs pour qu’ils soient plus performants en équipe de France et au niveau des clubs. Encore une fois, cela nécessite que nous soutenions le règlement du rugby pour permettre cela. Et que, l’antériorité des saisons fasse que nous ayons pu préparer ce groupe. Et nous avons pu nous préparer avec les entraînements.
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Et ces 59 joueurs sont aussi la formation…
Nous jouons avec des joueurs qui ont remporté des titres dans les équipes Cadets, Crabos, Espoirs. Et je le répète au risque de passer pour prétentieux, c’est une équipe qui est entraînée pour gagner. Ce sont aussi de bons joueurs car le jour J, à l’heure H, quand ça compte, ils sont bons. Ce sont des gens qui ont porté le maillot du Stade jeunes et qui ont gagné dans leurs catégories jeunes. Donc, ce titre n’est pas une fin en soi car on va immédiatement basculer vers le futur mais il n’en reste pas moins qu’il est l’aboutissement sur la symbolique du final de ce qu’on a voulu faire, de ce qu’on fait : l’intégration de ces les jeunes, sur cette saison exceptionnelle. Voulez-vous plus de chiffres?
Allons-y…
59 joueurs, 26 journées de championnat, 50 semaines de travail, 125 essais avant la finale, 37 buteurs différents. Un chiffre de la finale aussi. A la trentième minute de jeu, nous en sommes à 100% de tacles réussis. Tout le monde vante bien sûr le mérite du jeu du Stade Toulousain, car le jeu du Stade Toulousain, c’est bien sûr le jeu de trois-quarts comme cet essai à la 80ème car on pouvait se permettre de repartir depuis l’en-but. Mais avant cela, il y a un certain nombre de sujets éternellement décisifs qu’on appelle la conquête, la défense, l’efficacité.
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Avec ce nouveau double, vous avez créé un monstre. Si l’année prochaine il n’y a rien, serait-ce un échec ?
Je ne sais pas parce que peut-être que nous le construirons différemment. Égoïstement, ce que nous voulons, c’est rester capables de jouer les premiers titres et quand nous y arriverons, les gagner. Au moment des prises de parole, Laurent Marti (président de Bordeaux-Bègles, NDLR) disait avec malice mais aussi réalisme : « Didier, je sais que tu me demandes d’attendre parce que c’est ton double double. Mais si on c’est la prochaine l’année, tu me demanderas la même chose parce que ce sera un double double double. » Mais pour y arriver, il y a beaucoup de travail. Rien n’est acquis. Je pense que le Stade peut avoir la prétention dans les saisons à venir de jouer les premiers rôles, ce qui ne nous garantit en aucun cas de faire le premier pas, loin de là. Pourtant, il y a des ascètes comme on dit dans le monde économique, qui nous permettent de lutter dans les premiers rôles. Je vais vous dire quelque chose de très confidentiel. A la veille d’une finale, de nombreux présidents de club, managers et entraîneurs envoient des messages d’encouragement. Généralement, on a le sentiment que le même message peut être envoyé aux deux clubs finalistes. Cette année, les messages étaient pleins de remerciements pour le rugby français et c’est là que je vais encore une fois manquer d’humilité car oui, prétentieusement, j’ai la profonde conviction que le rugby toulousain a servi le rugby français en public, en étant fournisseur de l’équipe de France. , en étant fournisseur d’un grand jeu, en étant le club qui remplit non seulement son stade mais surtout tous les autres stades. On a fait ce fameux « No hay billetes » dans tous les stades où on est allé.
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Il n’y aurait donc pas une once de jalousie à votre égard dans le rugby français ?
C’est très franco-français, on aime plus Poulidor qu’Anquetil. Il faut assumer ce rôle de leader même si l’on peut murmurer que l’hégémonie du Stade pourrait être un risque pour le rugby. J’ai la prétention de dire – et je le dirai haut et fort tant qu’on me donnera la parole – que le Stade Toulousain est un facteur d’attractivité pour le monde du rugby dans son ensemble. C’est un facteur d’attractivité pour tous nos collègues et néanmoins concurrents. Le Stade sera concurrencé demain matin par les autres clubs qui se battent pour entrer dans le dernier carré. Ils peuvent battre le Stade Toulousain et doivent avoir pour objectif de le battre sans avoir la moindre jalousie sur leur succès actuel. Et nous ferons tout pour continuer à gagner, continuer à respecter tous nos adversaires et continuer à jouer avec prétention notre rôle de leader pour tirer le rugby vers le haut en termes d’audience, d’économie, de quantité et de qualité y compris sur le plan sociétal et sportif.
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Dans cette optique, la rénovation d’Ernest-Wallon apparaît comme une priorité…
Bien sûr, l’avenir du Stade Toulousain passe par un stade rénové. Un stade qui a 40 ans et qui a besoin, au-delà des quelques liftings qu’il a eu, d’être performant sur le plan économique pour pouvoir rivaliser avec les grands. Nous sommes modestement le 36e stade de France alors que nous sommes le troisième club le plus populaire derrière le PSG et l’OM. C’est mon combat, avec toute la direction du club. Le métro arrive et il faudra le combiner avec un nouveau stade.
Il est également rare de le souligner. Va-t-on vers le zéro recrutement ?
Il y a le recrutement 1 qui s’appelle Léo Banos mais c’est un recrutement tellement intégré (il était prêté cette saison lors du doublé, NDLR) que je comprends que vous parlez de recrutement zéro. Il y aura peut-être un petit recrutement. Ce qui est intéressant, c’est d’intégrer les joueurs un par un et quand vous les immergez un par un, ils sont peints en rouge et noir plus rapidement que quand vous en recrutez quatre, cinq, six.