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Interview. Saint-Malo : comment ce patron s’est remis sur les rails après la liquidation de son entreprise

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Originaire de Saint-Malo, Alexandre Amigouët revient sur la liquidation de sa société Insaniam, basée à Rennes. Une période d’incertitude et de doutes dans laquelle il a su trouver les ressources pour s’en sortir.

Pouvez-vous vous présenter ?

Alexandre Amigouët, 36 ans, je vis à Saint-Malo depuis plusieurs années. J’ai créé la société Insaniam basée à Rennes, que j’ai eue pendant dix ans. A son apogée, elle comptait jusqu’à dix-huit salariés. Nous travaillions principalement dans le digital pour accompagner les entreprises dans la communication digitale. Nous étions bien investis dans les réseaux bretons, notamment avec Mer Entreprendre.

L’année dernière, votre entreprise a été mise en liquidation. Pouvez-vous nous parler de cette période ?

C’est une succession de choses. D’abord, on a perdu des contrats importants. On a senti le vent tourner. J’ai ensuite saisi le tribunal de commerce pour demander un redressement judiciaire. On avait principalement des créances auprès de l’Urssaf. Deux mois après cette procédure, on ne s’était pas remis assez vite. Il faut savoir que dans une entreprise numérique, ce qui coûte cher, c’est la masse salariale. J’avoue que je n’ai pas eu le courage de me séparer de mes salariés, ce qui aurait pu changer les choses. J’ai beaucoup communiqué avec mon équipe. Chaque jour, j’ai pesé le pour et le contre de toutes mes décisions. J’ai très peu dormi et très peu mangé. On est absorbé par beaucoup de choses dans des moments comme ça. On attend des sommes d’argent. On part sur tous les fronts pour chercher des solutions.

Comment vos salariés licenciés ont-ils vécu la situation ?

En réalité, cela se passe de plusieurs manières. Certains managers ne disent rien quand ça va mal. Pour ma part, j’ai une culture de la transparence. Dès qu’il y a eu des moments difficiles. Tout le monde savait que j’avais lancé une procédure de redressement judiciaire. Il y a eu de la violence dans les annonces, mais chacun peut s’y préparer. Depuis, tout le monde a retrouvé du travail soit comme salarié, soit comme indépendant.

J’étais la personne la moins bien payée de mon entreprise

Avez-vous vécu des moments de dépression ou de solitude à ce moment-là ?

Je n’ai pas eu le temps de voir cette période de déprime. En tant que manager, on n’a pas le choix. J’ai eu droit à 700 euros. Ce n’est pas exceptionnel. Ce n’est pas suffisant pour vivre, même si c’est déjà mieux que rien. J’ai mis toute mon énergie et mes finances dans mon entreprise. Je suis parti avec une dette, donc un handicap. J’étais le moins bien payé de mon entreprise. On choisit de s’en prendre à ses salariés. Je ne me suis pas payé pendant des mois. Côté personnel, j’ai été hébergé par des proches qui m’ont aidé à me remettre sur les rails.

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Où en êtes-vous aujourd’hui et quel est votre regard sur cette liquidation ?

J’ai l’impression que ça fait 10 ans. La procédure n’est pas terminée. Elle est entre les mains du liquidateur. Il faut la terminer pour tourner la page. J’ai fait le choix de ne pas créer d’entreprise avec des salariés pour le moment. Je veux continuer à travailler dans le digital. Je développe mes compétences. J’ai rouvert une entreprise en tant qu’indépendant pour rembourser cette dette. Depuis la fin de mes études, j’ai toujours eu des salariés. Maintenant, je me retrouve uniquement responsable de moi-même. Je voyage et je fais de la plongée pour me ressourcer. C’est la première fois de ma vie que je n’ai aucune pression financière et que je n’ai que moi à prendre en charge. Je gagne plus d’argent que lorsque j’avais des salariés. J’ai une meilleure qualité de vie, mais je ne regrette pas ce que j’ai fait. J’essaie de me ressourcer pour être plus forte.

L’échec est mal vu en France

D’autres entreprises font faillite en France, mais les témoignages de dirigeants restent rares. Pensez-vous que ce soit un sujet tabou ?

C’est tabou, oui. Cela met les gens mal à l’aise. L’échec est mal vu en France. Cela peut être vu comme une honte. En France, l’emploi est très important. On est vu comme quelqu’un qui a causé des dégâts sociaux. On a de grandes responsabilités en tant que dirigeant. Je pensais que les gens me feraient moins confiance et qu’il serait difficile de recommencer, mais j’ai reçu beaucoup de bienveillance. Les gens ont accepté que l’échec fasse partie du jeu. Mes compétences n’ont pas été remises en question. C’est important de donner de la force aux gens.

Quel conseil donneriez-vous à un manager qui se trouve dans une mauvaise situation ?

Il ne faut surtout pas être isolé. Pour ma part, j’ai eu la chance d’être très bien entouré de personnes ayant vécu des liquidations. On peut se retrouver face à un rouleau compresseur. Je conseille de ne jamais attendre et d’utiliser les outils mis à disposition par le tribunal ; la procédure de sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire. Cela aide vraiment. Les salariés sont très bien protégés avec les assurances. Ils ne seront pas payés si les procédures tardent trop.

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Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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