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INTERVIEW. Destination Lune : pourquoi conquérir notre satellite est un enjeu majeur avant de partir vers Mars

INTERVIEW. Destination Lune : pourquoi conquérir notre satellite est un enjeu majeur avant de partir vers Mars

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Chaque lundi de cet été, La Dépêche revient avec un expert sur un sujet qui a marqué l’actualité ces derniers mois. Aujourd’hui, zoom sur la course à la Lune, nouveau terrain de jeu des grandes puissances. Philippe Achilleas, directeur de l’Institut de droit de l’espace et des télécommunications de l’université Paris-Saclay répond à nos questions.

Depuis les années 1970, l’intérêt pour notre satellite avait quelque peu diminué, pourquoi ce regain d’intérêt pour la Lune ?

Dans les années 2000, le président Bush a annoncé le retour des Américains sur la Lune avec des capitaux privés. Les lobbies industriels, convaincus qu’il y aurait un marché pour l’exploitation des ressources célestes, ont convaincu Barack Obama d’adopter en 2015 le « Space Act », une loi instaurant un système de licences pour autoriser les entreprises privées à exploiter les ressources des corps célestes. Cette loi a relancé l’attrait des autres grandes puissances pour la Lune, qui est également au cœur des futures missions d’exploration spatiale. Pour aller sur Mars et au-delà, il faut passer par la Lune, où des bases permanentes seront nécessaires pour servir de relais entre la Terre et l’espace. Qui contrôle la Lune contrôle ce passage crucial !

Quels sont les enjeux géostratégiques actuels autour de la Lune ?

S’il est désormais clair qu’il n’existe pas de marché pour exploiter les ressources célestes, elles sont néanmoins nécessaires à l’installation de futures bases lunaires. L’eau présente sur la Lune pourra nourrir les équipages et produire de l’énergie, facilitant ainsi les missions vers Mars. Il y a aussi un enjeu scientifique, car l’étude des échantillons lunaires permettra de mieux connaître notre satellite. On ne peut pas non plus négliger le prestige politique : toute grande puissance moderne se doit d’avoir un programme lunaire.

Quel est le cadre juridique de l’exploration lunaire ?

Dans les années 1960, le défi lancé par les États-Unis et l’URSS a précipité la création d’un droit international de l’espace. Le Traité sur l’espace extra-atmosphérique de 1967 en a établi les principes fondamentaux, avec la non-appropriation de l’espace, de la Lune et des corps célestes, interdisant à toute puissance ou entité privée d’en revendiquer la propriété. Cependant, ce traité n’a été ratifié aujourd’hui que par 17 pays et les États-Unis et la Russie s’y opposent.

En 2015, l’adoption par Obama du Space Act a suscité l’indignation internationale et l’ONU a décidé de travailler à une interprétation claire du traité spatial. Les États-Unis ont pris l’ONU de court en signant les accords Artemis, dans le cadre du programme de la NASA visant à renvoyer un équipage international sur la Lune d’ici 2026. Quarante États ont signé le texte, dont l’Australie, de nombreux pays européens et l’Inde. La Russie et la Chine s’y sont opposées, privilégiant leurs propres programmes lunaires.

Mais qui a le droit d’exploiter les ressources lunaires ?

Le rapport final de l’ONU est attendu en 2027. En attendant, chacun peut exploiter les ressources de la Lune à condition de suivre une démarche scientifique. Depuis les missions Apollo des années 1970, il existe une tradition de partage des ressources et des connaissances entre les différents programmes spatiaux.

Quelles sont les conséquences des échantillons prélevés par les taïkonautes du programme spatial chinois sur la face cachée de la Lune ?

Il s’agit d’une victoire scientifique, technologique et politique pour la Chine, qui se situe presque au niveau des États-Unis, et d’une formidable vitrine pour le programme spatial chinois. Ces échantillons vont nous permettre d’en apprendre davantage sur la composition du sol lunaire, sur la création de la Lune et donc de la Terre !

Où se situe l’Europe dans cette compétition ?

L’Europe n’a d’autre choix que de s’associer aux Américains, à travers des programmes internationaux comme le Lunar Gateway, la station spatiale orbitale lunaire, réplique de la Station spatiale internationale autour de la Lune. Les programmes européens sont peu visibles, même si l’Agence spatiale européenne a envoyé plusieurs sondes dans l’espace.

Est-il réaliste de penser que nous pourrons un jour vivre sur la Lune ?

L’installation d’une colonie humaine sur la Lune relève de la science-fiction. C’est un environnement extrêmement hostile, bien plus que l’Antarctique, qui nécessitera des habitats très protecteurs. Il est certain que nous aurons des bases sur la Lune, mais s’agira-t-il de bases minimales, habitées par intermittence, avec une station orbitale, ou y aura-t-il des bases habitées en permanence ? La présence de l’Homme sur la Lune reste un symbole très fort mais la question financière est essentielle, alors qu’aujourd’hui, on peut faire la même chose avec des robots.

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