INTERVIEW. Boeing : « Ce serait une catastrophe pour tout le secteur du transport aérien si Boeing ne redressait pas la barre »
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INTERVIEW. Boeing : « Ce serait une catastrophe pour tout le secteur du transport aérien si Boeing ne redressait pas la barre »

INTERVIEW. Boeing : « Ce serait une catastrophe pour tout le secteur du transport aérien si Boeing ne redressait pas la barre »

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Une porte arrachée en plein vol, des problèmes techniques sur le vaisseau Starliner et des leviers de réglage des sièges trop lâches… Boeing est en difficulté. Michel Polacco, expert en aéronautique, revient sur la capacité du constructeur américain à sortir de cette zone de turbulences sans fin.

La Dépêche du Midi : Depuis janvier et la porte arrachée d’un 737 Max en plein vol, les incidents liés à des problèmes de qualité en production se multiplient chez Boeing. Comment en est-on arrivé là ?

Michel Polacco: Il y a vingt ans, Boeing a fait des choix d’organisation industrielle, financière et sociale qui ont aujourd’hui des répercussions catastrophiques. L’entreprise a été abandonnée aux mains de financiers basés à Chicago, plus préoccupés par l’accumulation de richesses que par la construction de nouveaux modèles d’avions. Résultat, le catalogue de Boeing est vieillissant, à l’exception du Boeing 787 lancé au début des années 2010. De plus, une grande partie de sa production a été sous-traitée à des sous-traitants, de sorte qu’elle n’assume plus l’entière responsabilité de la construction.

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Le rachat par Boeing de son principal sous-traitant Spirit Aerosystems, critiqué par plusieurs audits de la FAA (Federal Aviation Administration) concernant la qualité de sa production, est-il une sage décision ?

Cela pourrait être bénéfique, à condition que Boeing réorganise Spirit Aerosystems. Cette entreprise présente des méthodes de travail disparates et de nombreuses carences en matière de qualité, comme en témoignent les incidents récents. Pour y parvenir, il faudra mettre en place des méthodes de travail modernes, un contrôle qualité rigoureux avec une rigueur sans concession. Mais Boeing n’a pas encore repris le contrôle de son système de production. L’entreprise n’a pas réussi à se réorganiser selon une logique industrielle digne de sa réputation et des compétences de ses salariés.

Kelly Ortberg, nouveau patron de Boeing depuis le 8 août, peut-il être la solution aux difficultés de l’entreprise ?

Il est trop tôt pour juger. Ce qui sera crucial, ce seront les décisions qu’il prendra pour ramener la production chez Boeing et faire renaître une culture de la qualité, comme celle qui existait autrefois. De plus, il devra lancer de nouveaux produits pour faire de Boeing à nouveau un leader dans la technologie du transport aérien. Mais surtout, il devra trouver un moyen de gérer les finances de l’entreprise, car Boeing a beaucoup de dettes et vend ses avions à des prix inférieurs, ce qui réduit ses marges. Bien sûr, le gouvernement américain soutiendra Boeing, mais l’entreprise ne survivra pas à une concurrence féroce si de nouveaux accidents se produisent.

Une grève générale est à craindre dans les usines Boeing si les négociations salariales échouent le 12 septembre. Ce scénario est-il envisageable et quelles en seraient les conséquences pour Boeing ?

Si une grève a lieu, elle devra être symbolique, sinon elle pourrait être fatale pour l’entreprise. Les actionnaires pourraient paniquer. Les syndicats américains ne sont pas idiots et savent maintenir un rapport de force. Ils chercheront probablement des concessions, mais de manière modérée pour ne pas mettre en danger Boeing. Rien que dans l’aéronautique, l’entreprise emploie 120 000 à 130 000 personnes, un nombre considérable. Les États-Unis ne peuvent donc pas se permettre une catastrophe industrielle de cette ampleur.

Selon vous, est-ce le début de la sortie de crise de Boeing ?

Je l’espère, ce serait un cataclysme pour l’ensemble du transport aérien si Boeing ne se remettait pas sur pied. Mais il faudra être patient. Cela ne se fera pas en deux ou trois ans. L’entreprise pourra montrer des signes de réorganisation et de rigueur, mais il faudra au moins dix ans pour voir les résultats de ses efforts.

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