Interior’s liquidé au Havre : 850 clients abandonnés, plus d’un million d’euros de pertes
Par
Vanessa Leroy
Publié le
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Pour beaucoup, il s’agit de leurs économies. 850 clients de la marque de mobilier de l’Intérieurdont le siège social est situé au Havre (Seine-Maritime), boulevard Jules-Durand (NDLR : chiffre au 27 juin 2024), ont perdu entre quelques centaines et plusieurs milliers d’euros.
La société L’Intérieur a été créée en 1977 au Havre
Plus de 1,2 million d’euros, c’est la perte totale pour les clients de l’entreprise qui n’ont pas été livrées. Placée en redressement judiciaire le 26 avril 2024 par le tribunal de commerce du Havre avec, dans un premier temps, une poursuite d’activité jusqu’au 26 juillet, elle a finalement fermé ses portes le 24 mai à la demande du tribunal.
Créé en 1977 par Jean-Michel Le Broussoisl’entreprise havraise, rachetée en 2013 par Olivier Elmalek et Edgard Bonte, n’est plus. A l’image des 32 magasins présents en France, employant 182 salariés.
Conséquence : des centaines de commandes passées entre l’automne 2023 et mai 2024 n’ont pas été honorées, représentant autant de clients désemparés dans toute la France.
Un groupe Facebook rassemble les clients d’Intérieur après la liquidation
Peu après la liquidation, Axelle Vinckx a créé un groupe sur le réseau social Facebook appelé Collectif des clients concernés par la liquidation judiciaire d’Interior’s. Un groupe qui compte déjà plus de 1 400 membres, dont près de 850 ont déclaré leur revendication Pour un montant total au 27 juin 2024 de 1,218 million d’euros et qui envisage une action en justice contre les administrateurs.
Axelle Vinckx, qui habite en région parisienne, a quatre commandes en cours et estime son préjudice à 4 000 euros, déjà intégralement réglés. « C’est assez injuste que les clients ne soient pas mieux protégés par la loi française », regrette-t-elle.
« Quand je vois tous ces clients se faire arnaquer… », déplore Thomas (pseudonyme), ancien salarié de la marque. « J’ai quitté l’entreprise car la politique commerciale était trompeuse. Ils gonflaient les prix et faisaient ensuite des rabais de 40 à 60 %. L’entreprise prenait des clients pour des jambons», témoigne l’ancien salarié.
Certificats d’irrécouvrabilité adressés aux clients par le liquidateur
Pour Eva Paillé, cliente du magasin de Mérignac, le préjudice s’élève à 5 000 euros, représentant l’achat d’une chambre et de deux canapés lors d’une commande passée en janvier 2024 qui devait être livrée en avril, puis en mai. Une somme qu’elle ne reverra jamais.
» J’ai eu un rejet avec réception du certificat d’irrécouvrabilité (NDLR : un document qui certifie que le débiteur n’a pas les moyens de payer sa dette) transmis par le liquidateur judiciaire Me Catherine Vincent, la semaine dernière. Je sais que je ne récupérerai pas l’argent à partir du moment où le certificat m’a été délivré. »
« Ce qui me dérange, c’est que la direction a continué à sortir le site avec des promotions. Du coup, les gens ont continué à acheter. Il est possible qu’une entreprise fasse faillite, mais c’est la façon de faire qui est mauvaise », ajoute Eva Paillé.
Mesures de réclamation prises par les clients qui ont payé intégralement
Vivre dans l’Eure, c’est au magasin Interior de Rouen que Sylvie Gruel a visité le 2 février 2024. « Mon mari et moi cherchions des chaises depuis longtemps. En magasin, nous avons fait des folies avec six chaises de salle à manger en solde et un coffre de lit. On s’est bien amusé à 2 724 euros. Les articles n’étaient pas disponibles mais nous pouvions commander et payer en quatre fois sans frais », raconte le retraité.
Bien que les mensualités aient été débitées, les meubles n’ont jamais été reçus. À la mi-mai, inquiet de ne pas avoir » aucune information « elle se rend au magasin. « Et là, on me dit qu’ils travaillent jusqu’au 26 juillet pour livrer (nos) clients. » Pour plus de sécurité, elle déclare sa réclamation le lendemain.
« Aujourd’hui, mon seul espoir est que mes biens soient retrouvés », raconte Sylvie, qui a réalisé une réclamation comme beaucoup d’autres clients. Evidemment, les meubles payés par leurs propriétaires ne pourront pas être revendus lors de futures enchères. Une quarantaine de conteneurs sont en effet bloqués par des transporteurs à qui Interior’s doit de l’argent.
Les deux dirigeants expliquent la chute de l’Intérieur
De nombreux clients se sentent donc « arnaqués » les deux dirigeants Olivier Elmalek et Edgard Bonte s’expliquent par la voix d’un conseiller : « En 2013, ils ont repris cette entreprise créée au Havre à la fin des années 1970 alors qu’elle était au bord de la faillite suite à de mauvais choix stratégiques et des pertes financières catastrophiques. Un travail important des équipes et des nouveaux propriétaires (apurement des dettes, injections massives de capitaux, modernisation des collections et de l’image, lancement du e-commerce, rationalisation des coûts) a permis à l’entreprise de l’Intérieur de redevenir rentable en 2019 »
Si l’entreprise avait résisté à la crise du Covid, la situation aurait empiré trois ans plus tard selon eux. » À partir de 2022, l’entreprise a dû faire face à de nouvelles difficultés « En raison de la fragilité du secteur de l’ameublement, très cyclique et donc sensible aux turbulences économiques, ce sont successivement la guerre en Ukraine, la hausse du coût de l’énergie, l’inflation, la hausse des taux d’intérêt, puis la chute des transactions immobilières qui ont suivi. »
En juillet 2022, les dirigeants « ont demandé et obtenu l’ouverture d’une procédure de sauvegarde auprès du tribunal de commerce du Havre. Après une période d’observation d’un an par le tribunal, Interior’s a obtenu, en juillet 2023, auprès de ce même tribunal, la validation de un plan de remboursement de la dette sur dix ans ».
« Face à cette nouvelle situation, et en toute transparence avec le tribunal de commerce du Havre et l’administrateur judiciaire, les dirigeants de l’Intérieur ont cherché à assurer, une nouvelle fois, la poursuite de l’activité, la sauvegarde de l’emploi et la prise en compte de la clientèle. attentes, dont la fidélité à la marque n’a jamais faibli », rapportent-ils dans un communiqué.
Aujourd’hui, ils se disent « amer face à la situation actuelle »ce qui « met fin à plus de dix ans d’efforts au chevet de cette marque emblématique et laisse en difficulté des clients fidèles, des clients dont ils comprennent parfaitement l’émotion, ayant personnellement perdu beaucoup d’argent en essayant de redresser Interior’s. »
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