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Intel reporte ses projets d’usines en Allemagne et en Pologne, un camouflet pour l’Europe

Le fabricant américain de semi-conducteurs Intel a annoncé lundi qu’il reportait d’environ deux ans la construction d’usines en Allemagne et en Pologne, une décision justifiée par ses prévisions de demande.

Si le projet n’est pas annulé, ce sera une gifle pour l’Allemagne, qui a promis près de dix milliards d’euros de subventions pour attirer le géant des microprocesseurs à Magdebourg (centre-est de la France).

La construction n’avait pas encore commencé, bien qu’Intel ait initialement annoncé que les travaux débuteraient au premier semestre 2023. Le retard était justifié par des coûts supplémentaires liés à l’inflation.

La subvention du gouvernement allemand représentait environ un tiers du coût estimé du projet, soit 30 milliards d’euros.

« Les fonds dont Intel n’a pas besoin devraient être réservés pour résoudre les problèmes financiers du budget fédéral »a réagi, dans un message posté sur X (ex-Twitter), le ministre allemand des Finances, Christian Lindner. « Toute autre option ne serait pas une politique responsable. »

Quant au site polonais, situé à Wroclaw (sud-ouest), Intel s’était engagé à y investir jusqu’à 4,6 milliards de dollars, avec la création de 2.000 emplois directs.

Le groupe a justifié le gel des deux sites par ses prévisions d’évolution de la demande, sans donner plus de détails.

Plus tôt cette année, l’entreprise américaine avait déjà reporté le début de la construction d’un nouveau centre de recherche et développement en France et gelé un projet d’usine en Italie.

Dans l’immédiat, le groupe compte s’appuyer sur son usine Leixlip en Europe, dans la banlieue de Dublin (Irlande), précise-t-il dans un communiqué publié lundi.

Ce revirement en Europe contraste avec le développement industriel d’Intel aux Etats-Unis, soutenu par le gouvernement américain, qui a débloqué, en mars, une enveloppe de 20 milliards de dollars de subventions pour permettre au groupe d’augmenter sa production.

Les responsables fédéraux américains comptent utiliser ces fonds pour agrandir ou construire des usines en Arizona, dans l’Ohio, au Nouveau-Mexique et dans l’Oregon, ce qui pourrait créer jusqu’à 30 000 emplois.

L’entreprise, pour sa part, doit investir quelque 100 milliards de dollars dans son pays d’origine.

Course à l’IA

« Le temps est venu de passer d’une période d’investissement accéléré à un rythme plus normal » et « un plan d’investissement plus flexible et plus efficace », a déclaré Intel, l’un des plus anciens acteurs du secteur.

L’entreprise a investi massivement ces derniers mois dans les machines EUV (« ultraviolet extrême ») de la société néerlandaise ASML, qui permettent de fabriquer les puces les plus avancées.

Intel cherche ainsi à rattraper son retard sur le créneau des microprocesseurs adaptés au développement de l’intelligence artificielle (IA) générative.

Contrairement à la plupart de ses grands concurrents, Nvidia en tête, le groupe fabrique lui-même une part importante de ses puces.

Le directeur général Pat Gelsinger, qui a pris la direction d’Intel en février 2021, a même poussé au développement d’une activité de prestataire de services, qui consiste à produire des semi-conducteurs pour d’autres entreprises.

Mais cette division a accumulé des pertes ces derniers mois, à hauteur de plusieurs milliards de dollars, au point que le groupe a annoncé lundi qu’il allait faire de cette activité dite de fonderie une filiale à part entière.

Selon l’entreprise, cette initiative pourrait notamment permettre à d’autres investisseurs d’entrer au capital de cette nouvelle filiale.

Pour certains analystes, il s’agit d’une première étape avant une scission pure et simple en une société indépendante.

L’entreprise n’a cependant pas renoncé à la fonderie, comme en témoigne l’annonce lundi d’un partenariat qui verra Intel travailler avec Amazon Web Services (AWS), la division informatique à distance d’Amazon, pour concevoir et fabriquer une puce dédiée à l’IA.

Wall Street a bien réagi à l’annonce d’Intel. Le titre a gagné 7,89% dans les échanges électroniques après la clôture de la Bourse de New York.

Les difficultés d’Intel l’ont conduit à annoncer, début août, un vaste plan social incluant le licenciement de 15% de ses effectifs, soit environ 18.000 personnes, pour réduire ses dépenses de 10 milliards de dollars.

Avant même l’avènement de l’IA générative, l’ancien fleuron de l’innovation américaine était déjà fragilisé depuis plusieurs années, accumulant les retards dans le lancement de ses nouvelles puces.

Intel a également dévoilé lundi un nouveau contrat de fourniture de puces ultra-sécurisées au ministère américain de la Défense, pour un montant qui pourrait atteindre trois milliards de dollars.

New Grb1

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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