Aux yeux de la loi, François Vérove est innocent. Il y a cette lettre d’aveux que l’ancien policier de 59 ans a rédigée avant de se suicider en septembre 2021. Et les traces ADN que cet homme, originaire de Gravelines dans le Nord, a laissées sur plusieurs scènes de crimes, meurtres et viols commis entre 1986 et 1994. Pour trois générations d’enquêteurs de la brigade criminelle de Paris, et pour la juge Nathalie Turquey, affectée à la cellule « cold case » de Nanterre (Hauts-de-Seine), il ne fait aucun doute qu’il s’agit bien de ce mystérieux criminel surnommé « le grêlé », traqué depuis 35 ans.
Mais François Vérove n’est plus en vie, et aucune poursuite ne peut être engagée contre lui. N’ayant pas été déclaré coupable de son vivant, il reste présumé innocent, c’est la loi. Une situation « frustrante » pour la journaliste Patricia Tourancheau qui a consacré un livre à ce personnage aux deux visages. Qui aurait pu soupçonner cet homme de famille aimant, protecteur de l’ordre et de la loi, et amateur de jeux télévisés, d’être un criminel et un pédophile récidiviste ?
« Pas de procès aux assises » pour le « Grêlé »
« Comme ce type s’est donné la mort de manière lâche, il a échappé à la justice. Il n’y aura pas de procès aux assises. Les victimes ne l’auront jamais en face pour lui demander des explications. Et il n’y aura jamais de rapport d’expertise. J’aurais pourtant aimé écouter de grands experts psychiatres, spécialistes des tueurs en série, décrypter ce type pour moi », explique-t-il à 20 minutes celui qui dirigeait la rubrique d’information quotidienne Libérer depuis plus de vingt ans.
Une idée de film lui vient alors : pourquoi ne pas donner l’occasion à Daniel Zagury, spécialiste des tueurs en série, de réaliser « une véritable expertise psychiatrique posthume de François Vérone » ? Patricia Tourancheau en parle à son producteur qui la met en contact avec le réalisateur Élie Wajeman. Tous deux coécriraient et concevraient une série documentaire de quatre épisodes de 52 minutes, diffusée à partir de mardi sur France 2.
Un psy avec le « visage d’un vieux flic new-yorkais »
Le cinéaste, qui a « toujours été passionné par les tueurs en série et les profilers », a été immédiatement enthousiasmé par le projet. « C’est une enquête ratée, très longue. Cette affaire a durablement marqué la police française. Cette notion de fantôme insaisissable et errant m’a beaucoup intéressé. Les faits se sont déroulés à Paris, et c’était l’occasion pour moi de dresser le portrait de la capitale hantée par une ombre maléfique », confie Élie Wajeman à 20 minutes. Inspiré de la série Chasseur d’esprit et le film Le silence des agneauxil souhaitait plonger le spectateur dans le Paris des années 1980, celui des « grandes tours de béton » qui surgissaient notamment dans les 13e et 19e arrondissements.
Le premier épisode donne la parole à plusieurs victimes, agressées sexuellement par le « Grêlé ». Certaines lui ont miraculeusement échappé, d’autres non. C’est le cas de Marlène, violée à l’âge de 8 ans, en 1986. « Je suis très heureuse et fière que des victimes et des personnes m’aient fait confiance et soient venues témoigner pour la première fois de ce qui leur est arrivé », soupire Patricia Tourancheau. Les enquêteurs de la Crim’, racontent comment ils ont fait le lien entre tous ces cas et les difficultés rencontrées pour identifier le criminel à la peau du visage abîmée.
Bien connu dans le milieu judiciaire, le psychiatre Daniel Zagury reprend tous ces éléments et les analyse au fil des épisodes pour tenter de comprendre ce qui a poussé François Vérove à commettre le pire. « Cela donne de la profondeur de champ à cette histoire, permet de l’approfondir un peu différemment, avec un autre point de vue, explique Patricia Tourancheau. Il a presque le visage d’un vieux flic new-yorkais, observe Élie Wajeman. Je voulais le filmer comme un héros de fiction, un peu comme un vieux détective privé qui fait, qui ferait sa dernière enquête. Il avait tout pour que ça marche. »