installer une usine de dessalement flottante, la mauvaise solution
PAU BARRENA / AFP
Vue aérienne prise le 2 février 2024 montrant une ancienne jetée et des bateaux sur la rive sèche du réservoir d’eau de Sau, dans la province de Gérone en Catalogne.
ENVIRONNEMENT – « Ces usines représentent un échec dans la gestion de l’eau. » L’hydrobiologiste Christophe Mori s’indigne du HuffPost de l’installation, annoncée par le gouvernement catalan ce mercredi 17 avril, d’une usine flottante de dessalement dans le port de Barcelone face à la pire sécheresse qu’ait connue la région depuis un siècle. Sa colère est d’autant plus grande que 19 autres usines mobiles de dessalement sont en construction en Catalogne, et notamment là où se situe la très touristique Costa Brava.
L’utilisation d’un « L’usine de dessalement flottante est une solution plus économique et plus durable sur le plan environnemental » et qui permet de mieux « Sécurité d’approvisionnement »a justifié le responsable de l’action climatique au sein du gouvernement catalan, David Mascort, lors d’une conférence de presse mercredi à Barcelone.
Trop consommateur d’énergie
Cette usine, qui sera installée d’ici octobre sur un immense paquebot amarré dans le port de la capitale catalane, produira environ 14 hectomètres cubes d’eau par an, soit 6 % de l’eau consommée à Barcelone et dans sa zone métropolitaine. a précisé le ministre de l’Environnement. Concrètement, comme les infrastructures de dessalement à terre, cette usine va aspirer des volumes d’eau de mer, la nettoyer, la traiter, en retirer le sel, pour la transformer en eau potable.
Alors que les ressources en eau douce se raréfient, provoquant des conflits d’usage entre particuliers, agriculteurs et professionnels du tourisme, cette technologie semble idéale sur le papier. Mais c’est sans compter les impacts environnementaux colossaux qu’elle génère.
Premièrement, les usines de dessalement sont très gourmandes en énergie et rejettent des quantités importantes de CO2, culminant à HuffPost Aude Vincent, hydrogéologue. Même si la technologie a bien progressé depuis les années 1970 et 1980, et nécessite de moins en moins d’énergie pour fonctionner, « se pose aussi la question de l’origine de cette énergie », poursuit-elle. En effet, l’énergie fossile (charbon, pétrole, gaz) puisée sous terre pour faire fonctionner la machine aura un impact environnemental plus important que si elle provient d’une éolienne.
Asphyxie la biodiversité
L’autre gros problème de ces installations est le rejet de la saumure, le » déchets « produit par la technologie. C’est un « sorte de soupe deux fois plus salée que l’eau de mer, environ 70 g/L (contre 37,5 g/L en Méditerranée, ndlr) enrichi d’un cocktail chimique d’anti-mousse, anti-algues, cuivre, chlore, anti-calcaire, etc. », décrit Christophe Mori, maître de conférences à l’Université de Corse. Le chercheur proteste encore : « l’eau rejetée est 3 à 4°C plus chaude » que la mer.
Et ce sont les écosystèmes marins qui souffrent, déplore l’hydrobiologiste : « Certains fonds marins du golfe Persique (qui couvre 50 % du dessalement mondial) sont dévastés. » Pour cause, la saumure rejetée, « plus dense, empêche le mélange de l’eau, notamment de l’oxygène »étouffant la biodiversité.
Les chercheurs ont également mis en évidence les dommages causés par le changement de salinité et de température des mers et des océans sur les organismes vivants, notamment sur les herbiers de posidonies en Méditerranée, explique Le monde. Le quotidien du soir rapporte également «quantité de larves et autres organismes vivants» aspirés par les usines de dessalement. Un désastre « dans un contexte de changement climatique rendant les écosystèmes marins plus vulnérables »commente Christophe Mori.
Fin de l’opulence
« C’est une forme de résistance au changement climatique plutôt qu’une forme de résilience que nous devrions tous promouvoir », conclut le chercheur. Asit K. Biswas, expert renommé de l’Université de Glasgow et membre de la Commission mondiale de l’eau, est du même avis : Le mondesoulignant l’importance de mettre fin à l’opulence de l’eau douce : « Dessalement ou non, la consommation d’eau par habitant dans une grande partie du monde doit être considérablement réduite. »
Le gouvernement catalan n’a pas eu le choix de la sobriété, conscient que même les usines de dessalement ne suffiraient pas à répondre aux besoins de chaque secteur d’activité. Alors que les réservoirs de la région ne sont qu’à 18 % de leur capacité, le ministre de l’Environnement a annoncé cette semaine qu’il établirait pour la première fois dans certaines communes un seuil maximum de consommation d’eau pour l’hébergement touristique, équivalent à la consommation moyenne des habitants.
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