« Le discours de la direction sur l’ingénierie a été menaçant et cela nous inquiète, insiste Florian Grimaldi, délégué CGT au centre technique Renault de Lardy (Essonne). Début juillet, lorsqu’elle réunissait les syndicats, elle laissait entendre que les usines avaient déjà beaucoup donné, qu’il appartenait à la mécanique de faire des efforts. L’avenir des emplois du groupe automobile sera discuté lors d’un cycle de négociations entre direction et syndicats, qui débute le 26 septembre et doit durer jusqu’à la fin de l’année, voire début 2025. Le dernier accord triennal sur la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) couvrait la période 2022-2024, le prochain courra de 2025 à 2027.
Après d’importantes pertes financières en 2020, deux accords de licenciements collectifs (RCC) ont été négociés au sein du groupe, entraînant au total 4 700 départs volontaires et mesures de fin de carrière (3 000 en 2021, 1 700 en 2022). Pas de licenciements contraints, mais la saignée est importante : entre 2021 et 2023, les effectifs sont passés de 41 613 salariés à 38 101, soit plus de 3 500 suppressions de postes (certains partis chez Horse, la joint-venture créée avec le chinois Geely).
Les embauches réalisées dans le même temps (4.500 dont 2.500 dans les usines) ne sont pas des créations d’emplois et ne compensent pas les suppressions. Elles ont permis au constructeur automobile de recruter là où se trouvaient ses nouveaux besoins, tandis que les RCC ciblaient ceux dont les emplois étaient devenus non essentiels.
Délocalisation de la R&D en Chine
L’inquiétude pour l’ingénierie vient à la fois du ton employé en juillet par la direction, et de l’annonce faite en mai par Renault de confier le développement de sa prochaine Twingo électrique à une société d’ingénierie chinoise, en Chine. Seule solution, selon elle, pour contrer la concurrence chinoise. « La direction veut réduire de moitié le temps de tous les processus, y compris le développement de nouveaux modèles. Mais les Chinois peuvent faire en deux ans ce qui prend habituellement cinq ans aux ingénieurs français », explique Fabrice Droze, délégué syndical du groupe CFDT. « Officiellement, il continue, L’objectif est de voir comment le sous-traitant parvient à aller aussi vite, pour s’en inspirer. Mais nous avons peur que la direction continue à externaliser le développement. » Selon la CGT, le nombre d’ingénieurs et techniciens en ingénierie « produit » est déjà passé de 6.800 en 2018 à 5.600 aujourd’hui, soit une baisse de 18%.
« La direction, en juillet, a parlé de mesures à prendre pour la « survie » du groupe, tandis que Luca de Meo (PDG de Renault, NDLR) on clame partout que Renault n’a jamais fait autant de bénéfices qu’en 2023 et au premier semestre 2024, Florian Grimaldi proteste. Pour la « survie » de l’entreprise, il est nécessaire d’investir massivement, notamment dans les compétences.
Des reconversions plus professionnelles
Les négociations qui s’ouvrent devraient largement porter sur le sujet des reconversions professionnelles et des plans de formation, que réclament les syndicats. « Nous regrettons qu’il n’y ait pas assez d’argent investi dans la reconversion, les gens qui se reconvertissent sont très efficaces », juge Florian Grimaldi. Fabrice Droze veut également faire « l’émancipation des salariés, par le développement professionnel », un sujet de négociation. Il réclame davantage de visibilité sur les parcours professionnels ouverts aux salariés. « Certaines personnes n’ont aucune visibilité sur ce qui se passe au-delà de leur environnement immédiat », poursuit le représentant CFDT.
Le ralentissement majeur des ventes de véhicules électriques va-t-il pousser Renault à aller plus loin dans les suppressions d’emplois ? Aucun des deux syndicalistes ne croit à un nouvel accord collectif de licenciements ou à un nouveau plan de départs en préretraite. « Il y a eu des rumeurs tout l’été, mais elles ne semblent pas fondées », note le représentant de la CGT. « Je n’ai pas entendu parler de départs volontaires », abonde celle de la CFDT.
Les exemptions d’activité mises en place pour les seniors par le précédent plan ont expiré il y a deux ans, il y a donc de nouveaux salariés intéressés par ces départs anticipés (trois ans avant l’âge légal, rémunérés à 70%). « Mais les incertitudes sur la réforme des retraites ont refroidi la direction », estime Florian Grimaldi.