Le siège de la BCE à Francfort, le 15 juin 2022 (AFP / Daniel ROLAND)
Pas le temps de souffler: la Banque centrale européenne devrait décider jeudi d’une nouvelle baisse de ses taux directeurs, inquiète des signes de ralentissement économique dans la zone euro où l’inflation semble sur le point d’être maîtrisée.
Les récents commentaires des membres du conseil des gouverneurs de l’Institut monétaire de Francfort, parmi lesquels les dirigeants des banques centrales allemandes, Joachim Nagel, et français, François Villeroy de Galhau, vont dans le sens d’un troisième assouplissement monétaire.
« Une baisse est très probable » lors de la réunion de jeudi, après une première baisse des taux en juin, et une seconde en septembre, « et ce ne sera pas la dernière », a déclaré le gouverneur de la Banque de France, pointant une nouvelle baisse des taux. 0,25 point de pourcentage.
Le taux de dépôt de la BCE, qui sert de référence pour les conditions de crédit dans l’économie, augmenterait ainsi à 3,25 %.
« Je suis tout à fait ouvert à l’idée de réfléchir à la possibilité de franchir une nouvelle étape en matière de taux », a déclaré le chef de la Bundesbank au média allemand Table Media.
« L’évolution de l’inflation fait partie des bonnes nouvelles, nous nous rapprochons clairement de notre objectif de 2% d’inflation » sur une base annuelle, a-t-il ajouté.
Les 26 membres du Conseil des gouverneurs de la BCE se réuniront à Ljubljana, la capitale de la Slovénie, pour cette réunion annuelle à distance.
– Faire demi-tour –
Si l’option d’une baisse des taux est retenue, ce sera un revirement alors qu’il y a à peine un mois les gardiens de l’euro donnaient le sentiment de vouloir attendre leur réunion de décembre, la dernière prévue cette année, pour agir.
Mais l’inflation semble revenir plus vite que prévu sous la barre des 2%, l’objectif fixé par la BCE : elle a ralenti en septembre à 1,7% sur un an dans la zone euro, contre une estimation initiale de 1,8. », a annoncé Eurostat jeudi.
C’est la première fois depuis plus de trois ans qu’il passe sous le seuil des 2 %.
Piétons devant le siège de la Communauté européenne à Bruxelles le 23 septembre 2021 (AFP / Kenzo TRIBOUILLARD)
Le ralentissement est particulièrement visible dans les grandes économies, en Allemagne (1,6%), en France (1,2%) et en Italie (0,7%).
En outre, l’inflation sous-jacente, un indicateur largement suivi qui exclut la volatilité des prix de l’énergie et des produits alimentaires, est tombée à 2,7 % sur un an, selon Eurostat.
L’évolution actuelle des prix « renforce notre confiance dans le fait que l’inflation reviendra à son objectif en temps voulu » et cela sera « pris en compte lors de la prochaine réunion de politique monétaire » en octobre, a déclaré la présidente de la BCE, Christine Lagarde, lors d’une audition notable à fin septembre au Parlement européen.
– Libération, jusqu’où ? –
Le compte rendu de la réunion de septembre de la BCE a également fait état d’inquiétudes concernant la croissance dans la zone euro, une évolution susceptible de réduire davantage l’inflation et donc favorable à un relâchement plus rapide de l’étau monétaire.
Le gouvernement allemand vient de revoir à la baisse ses prévisions de croissance, tablant une nouvelle fois sur une récession cette année dans la première économie européenne (baisse du produit intérieur brut de 0,2%) après une contraction de 0,3% en 2023.
Une baisse des taux apporterait une bouffée d’oxygène aux ménages et aux entreprises, de nature à soutenir le crédit à la consommation, le marché immobilier actuellement atone ou les investissements.
La BCE a fortement relevé ses taux dans le sillage de la reprise post-Covid-19 puis de la guerre russe en Ukraine, qui a fait flamber les prix de l’énergie. Cela s’est toutefois fait au prix d’un fort ralentissement de la croissance économique.
Elle continuera de surveiller l’impact des tensions au Moyen-Orient, qui tendent à faire monter les prix du pétrole. L’impact potentiel du dernier plan de relance chinois pourrait également stimuler la demande énergétique et donc affecter les prix.
Malgré ce contexte incertain, Frederik Ducrozet, économiste en chef chez Pictet, prévoit deux baisses de taux en 2024 et quatre autres au premier semestre 2025, ce qui ramènerait le taux de référence de la BCE à 2,0%, un niveau jugé « neutre » pour l’économie.