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INFOS « SUD OUEST ». Le chef étoilé Michel Guérard est décédé

Aujourd’hui, il fait nuit au paradis des Prés d’Eugénie. Michel Guérard, 91 ans, a quitté le parc et ses immenses arbres aux feuilles fines comme des bonsaïs, les salons, où il passait toujours de l’un à l’autre avec joie, le restaurant où il prenait le pouls de chaque client et, bien sûr, cette immense cuisine blanche aux petits carreaux bleus, où il s’est élevé au sommet de la gastronomie.

» Retrouvez la dernière interview de Michel Guérard accordée à « Sud Ouest » en cliquant ici

Avec le départ de Michel Guérard se referme l’un des plus beaux chapitres de l’histoire de la cuisine française, une histoire qu’il a essentiellement écrite dans les Landes, dans cette petite station thermale, propriété de son épouse Christine, et que ce couple soudé – qui s’adressait solennellement – a fait de son palais à la campagne.

Aujourd’hui, il fait nuit au paradis des Prés d’Eugénie. Michel Guérard, 91 ans, a quitté le parc et ses immenses arbres aux feuilles fines comme des bonsaïs, les salons, où il passait toujours de l’un à l’autre avec joie, le restaurant où il prenait le pouls de chaque client et, bien sûr, cette immense cuisine blanche aux petits carreaux bleus, où il s’est élevé au sommet de la gastronomie.

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Avec le départ de Michel Guérard se referme l’un des plus beaux chapitres de l’histoire de la cuisine française, une histoire qu’il a essentiellement écrite dans les Landes, dans cette petite station thermale, propriété de son épouse Christine, et que ce couple soudé – qui s’adressait solennellement – a fait de son palais à la campagne.

Depuis quarante-sept ans, Michel Guérard a conservé intactes les trois étoiles que le Guide Michelin lui avait décernées en 1977. Chef de file de la Nouvelle Cuisine avec Alain Chapel, Alain Senderens et Pierre et Jean Troisgros, il n’a jamais quitté les fourneaux. Jusqu’à récemment, il quittait le service à une heure du matin, une fois le dernier client parti, pour regagner sa belle propriété de Bachen, où il cultivait le vin, une autre de ses passions.

« Je fais des choses folles »

En 2021, après un confinement qu’il avait vécu comme une parenthèse de réflexion intense (« Je m’amuse beaucoup, je fais des trucs de folie », confiait-il au téléphone), il avait décidé de tout changer à Eugénie-les-Bains. A tous, en cuisine comme à l’hôtel, il avait distribué un manifeste intitulé « Intemporalité ».

Au printemps, sans tambour ni trompette, la métamorphose avait eu lieu. Les Prés d’Eugénie s’étaient vus conférer une nouvelle atmosphère, sans altérer l’esprit du lieu. Baptisés Jour de fête et Palais enchanté, deux menus époustouflants révélaient la forme d’inquiétude à laquelle s’astreignait Michel Guérard. « Le monde de la gastronomie est en pleine mutation, il ne faut pas rester à la traîne », confiait-il, tandis que sa fille Éléonore s’émerveillait du « souffle créatif » qu’il continuait à transmettre à l’ensemble du personnel.

Les ingrédients qui ont fait de Michel Guérard un personnage unique sont à chercher dans son enfance. Né à Vétheuil, un village près de Giverny, il passait des heures à regarder sa grand-mère préparer des tartes aux fruits. « Des monuments de délicatesse dont le secret résidait dans leur innocente simplicité », se souvient-il. C’est à son contact que naît sa vocation de cuisinier, même s’il est un temps attiré par le séminaire et la médecine.

Il a 6 ans lorsque ses parents le rapatrient avec son frère à Pavilly, en Normandie, où ils ont ouvert une boucherie. Michel Guérard évoque souvent cette période « de peur et de faim » pendant la Seconde Guerre mondiale, notamment le jour où il se retrouve aligné contre le mur de la cuisine, face à trois SS pointant leurs mitrailleuses sur lui.

Chef pâtissier au Crillon

Cette jeunesse a forgé l’homme qu’il est devenu, à la fois tenace, curieux de tout et de tous, plein de gentillesse et profitant du moment présent. Car Michel Guérard était un joyeux luron ! Débarqué à Paris, engagé à sa grande surprise comme pâtissier au Crillon, sa vie oscille entre nuits blanches à imaginer une société nouvelle et pièces montées en grande pompe au château de Versailles pour la première visite en France de la jeune reine Elizabeth II.

A 24 ans, il est le meilleur pâtissier de France et le chouchou du Lido. Comme en Carême, il imagine des gâteaux monumentaux d’où surgissent des créatures tout en strass et en plumes. « Paris riait alors dans la nuit », confie cet homme qui a acquis une belle écriture. Le champagne coule à flots et le jeune Guérard, espiègle, impertinent, libre, comprend qu’un autre monde va surgir et qu’il en sera acteur.

La « salade folle », symbole de la nouvelle cuisine

Nous sommes dans les années 1960, la révolution est en marche. Tandis que le Nouveau roman anime les conversations à la terrasse des Deux Magots, et que la Nouvelle Vague secoue le cinéma, la Nouvelle cuisine met à rude épreuve les sauces lourdes et le cérémonial pompeux des maîtres de salle des restaurants. A Asnières, Michel Guérard vient d’acheter Le Pot-Au-Feu, un petit bistrot de 30 couverts, à la lueur des bougies. Il y sert une « salade folle » composée de haricots verts, d’asperges, de lamelles de truffes, de copeaux de foie gras cru et de vinaigre de Xérès. Ted Kennedy y rencontre Gainsbourg et Birkin, Deneuve et Mastroianni, Charles Trenet et Jacques Brel. Le Pot au feu est l’épicentre de la nouvelle gastronomie française, qui rayonnera longtemps à l’étranger.

Mais c’est lors d’une rencontre avec Christine Barthélémy chez Régine que tout bascule. « Le soleil existe, je l’ai rencontré », lui écrira-t-il plus tard sur une serviette en papier. Héritier de ce qui deviendra la Chaîne thermale du Soleil, elle le convaincra de la suivre dans les Landes, dans ce village perdu aux confins du Gers, loin de tout sentier touristique. C’est ici qu’ils construiront tous les deux cet éden de gourmandise et de bien-être.

Elle est férue de déco et a le sens des affaires ; lui est aux fourneaux et très perplexe devant la nourriture servie aux curistes. Fondateur de la Nouvelle Cuisine, il ira encore plus loin en inventant la cuisine minceur. « Je ne comprenais pas comment on pouvait opposer perte de poids et plaisir de manger », explique-t-il. Son postulat fait mouche. En 1974, son livre de recettes se vend à un million et demi d’exemplaires et est traduit en douze langues. Aux Etats-Unis, il est le premier chef au monde à faire la couverture du Time.

Il a formé plusieurs générations de chefs

Adulé des médias, animateur de La cuisine légère, émission phare de la première chaîne entre 1977 et 1981, Michel Guérard s’est toujours tenu à distance de la célébrité. Il était fier de la myriade de jeunes formés chez Eugénie : Michel Troisgros, Gérald Passédat, Arnaud Donckele, Alexandre Couillon, Sébastien Bras, Michel Sarran et Alain Ducasse. « Je ne serais pas le chef que je suis devenu sans avoir appris auprès de Michel Guérard », nous confiait il y a quelques années Martin Berasategui, l’un des architectes de la révolution gastronomique espagnole des années 1990.

Il n’a jamais voulu non plus éparpiller son nom à travers le monde. Il a préféré concentrer son énergie sur un combat qui résonne encore plus aujourd’hui qu’hier. Désespérant de constater que rien n’était fait pour éduquer les enfants au goût et pour promouvoir une alimentation équilibrée dans la restauration collective, il a pris d’assaut les ministères. Il a notamment adressé à Roselyne Bachelot un implacable livre blanc lorsqu’elle était ministre de la Santé. Il s’est malheureusement perdu dans une pile de dossiers. Il y a dix ans, il a pris le taureau par les cornes et lancé un institut pour former les cuisiniers travaillant dans les restaurants d’entreprise. Il n’a jamais désemparé depuis.

Aujourd’hui, tous les dirigeants pleurent celui qui, en toute humilité, était devenu leur guide. Michel Guérard était un être chaleureux et attachant comme peu d’autres. Les années ont passé mais il a gardé son âme d’enfant. Ce n’est qu’au paradis qu’on se réjouit de le voir arriver avec son sourire malicieux pour le banquet éternel.

A ses filles Adeline et Eléonore, à ses petits-enfants ainsi qu’à toute sa famille et au personnel des Prés d’Eugénie, Sud Ouest présente ses sincères condoléances.

Michel Guérard, maître enchanteur

Bien avant que le terme n’apparaisse, la cuisine de Michel Guérard était déjà celle du naturel. Les légumes et les herbes, cultivés dans le sublime jardin de simples d’Eugénie, ont toujours joué un rôle essentiel dans l’assiette. On se souvient récemment d’une petite brioche qui se dégustait avec un granité de fenouil, réglisse, estragon, livèche, menthe et coriandre.

Lorsqu’il évoquait la création de ses plats, il devenait un alchimiste. Il aimait avant tout inventer de nouvelles recettes, mais il savait aussi qu’on venait chez lui savourer ses partitions classiques. C’était le cas du fameux œuf de poule au caviar, du homard fumé à la cheminée ou du doux bonheur que constituait le moelleux coussin de champignons et de morilles. Pâtissier à l’origine, Michel Guérard était un virtuose des desserts. Ah ! Le soufflé à la verveine et le fameux gâteau moelleux du Marquis de Béchamel étaient de purs délices.

Chaque repas aux Prés d’Eugénie ou à la Ferme aux grives (plus accessible) était un cadeau pour la mémoire car nous ne voulions jamais oublier la pureté des goûts, les nuances des textures, la subtilité des cuissons. Et la joie immense qui jaillissait de ses plats.

Cammile Bussière

One of the most important things for me as a press writer is the technical news that changes our world day by day, so I write in this area of technology across many sites and I am.
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